69e anniversaire de la Revolution. 1er novembre 1954/ 1er novembre 2023 : «l’acte fondateur de l’Etat moderne » : «Une révolution par le peuple et pour le peuple» (1re partie)

07/11/2023 mis à jour: 11:37
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Le monde s’ouvre sur un des génocides les plus barbares commis par les  hordes sionistes sur le peuple palestinien à Ghaza que l’humanité ai jamais connu depuis les deux guerres mondiales, alors que nous célébrons cette année le 69e anniversaire de notre glorieuse Révolution du 1er Novembre 1954 dans un contexte géopolitique troublé par des conflits et des guerres. 

Entre les grandes puissances, les équilibres semblent être rompus alors que la question palestinienne revient à nouveau sur le plan international où l’entité sioniste, soutenue par une alliance américano-européenne, la rend coupable. Les bombardements n’ont pas cessé, dont le plus meurtrier est la mort dans un hôpital Al Ahli de plus de trois cents (femmes, enfants, hommes) et la destruction de la Bande de Ghaza dont les quartiers sont devenus des amas de pierres. Les manifestations à travers le monde ont dénoncé cette tragédie qui a coûté la vie à des milliers de personnes civiles pour la plupart des enfants ghazaouis. 

L’attaque du Hamas contre les crimes de guerre de l’entité sioniste n’est-elle pas en train de recomposer les équilibres politiques dans la région loin des illusions du nouveau Moyen-Orient ? Ni les Accords d’Oslo ni ceux d’Abraham ne normaliseront cette situation de spoliation d’une terre palestinienne. La Résistance palestinienne vaincra tôt ou tard. Le conflit en Ukraine, qui a un impact direct sur les relations internationales mettant la Russie, d’une part, les USA et l’Europe, d’autre part, rend l’équilibre du monde plus vulnérable qu’avant la guerre froide. 

 Peut-être avec l’émergence de la Chine sur la scène internationale d’un monde  multipolaire qui permettra à la cause palestinienne une issue à son droit à l’Autodétermination et notre pays en est l’exemple, car l’histoire est si proche et similaire où le peuple algérien n’avait d’autre alternative que de mener un combat libérateur par une révolution qui a marqué la fin de la décolonisation non seulement en Algérie mais dans d’autres pays, notamment en Afrique.
 

GÊNES ET PROSPECTIVES D’ÉTAT MODERNE

Parler des fondements de notre Etat moderne que la Révolution du 1er Novembre a réalisés contre une des plus grandes puissances militaires coloniales, il est tout à fait logique de revenir à la genèse de notre mouvement de Libération nationale pour en saisir les éléments-clés de notre histoire contemporaine.

En nous inclinant à la mémoire de nos martyrs tombés au champ d’honneur, notre attachement aux idéaux de paix et de liberté nous imposent à glorifier en toute fierté la résistance anti-coloniale de nos aînés. C’est l’histoire de notre combat libérateur que nous célébrons aujourd’hui sur cette terre de l’homme libre. 

 C’est sans doute dans ce bouillonnement d’idées que chacun va à sa vision des choses. Ainsi, dans un contexte d’une géopolitique marquée par un nouvel ordre mondial régenté par l’énergie qui définit les équilibres endogènes et exogènes des nations que l’Algérie célèbre le 69e anniversaire de sa glorieuse Révolution du 1er Novembre 1954, une date mémorable inscrite en lettres d’or dans l’histoire contemporaine.

On est interpelé à trancher toute cette chronologie des faits historiques permettant aux jeunes générations de transcender ces nuances dans la clarté d’un débat politique serein dans toute la communion inspirée des grands sacrifices de notre peuple ayant recouvert son indépendance au prix d’un million et demi de nos valeureux martyrs. 

Personne ne peut oublier les conditions de misère, de famine, d’humiliation, de discrimination, d’expropriation, de dépossession et d’un code de l’indigénat français.

L’analphabétisme battait son plein où plus de 90% ne fréquentait pas l’école «indigène» qui permettait d’obtenir juste le certificat d’études primaire élémentaire.

En face, quelques talebs enseignaient le Coran dans les zaouias et dans des maisons de fortune, sorte de gourbis. L’Association des ulémas créera, à travers le pays, des écoles privées, tel l’Institut Ibn Badis de Constantine. Il y avait aussi des écoles d’obédience PPA/MTLD comme celle d’El Katanania qui verra de nombreux militants devenant à l’indépendance des chefs d’Etat, comme Mohamed Boukharouba, alias Houari Boumediene ou Ali Kafi… 
 

LE COMBAT POLITIQUE ET LES VALEURS D’UNE NATION

Le combat politique prend forme après toutes les insurrections populaires anti coloniales menées par l’Emir Abdelkader, Hadj Ahmed Bey, Cheïkh El Mokrani, les Bel Haddad, Cheïkh Bouamama les Zaâtchas, les Ouled Sidi Cheïkh… Toutes ces révoltes finissent par faire émerger la formation d’élites politiques à commencer par l’Emir Khaled, qui dès avril 1919, avait envoyé dans le secret absolu un mémorandum au président Wilson demandant à la Conférence de paix pour que l’Algérie soit mise sous tutelle de la future Société des nations (SDN).

Depuis son journal El Ikdam, il crée son parti La Fraternité islamique dans l’esprit de l’Islam des jeunes Algériens. L’Emir Khaled intervenait dans un langage populaire imagé par des proverbes du terroir, lançant des idées de son programme tel : un réseau d’écoles libres, d’une presse en langue arabe, l’organisation des émigrés en France…
 

L’Administration coloniale finit par lui imposer l’exil volontaire vers Alexandrie puis Damas. Même l’élite jeune Algérienne le lâcha craignant son charisme et son éloquence durant les campagnes électorales. Il revient à Paris dans le giron du Parti communiste dans le combat de lutte anti impérialiste de l’indépendance de l’Algérie. 

Il est sans aucun doute le précurseur des courants politiques qui vont voir le jour dès 1923. Ainsi, naissait l’Etoile nord africaine (ENA) dirigée par Messali Hadj et fondée à Paris en juin 1926 dans le sillage du bolchevisme en tant que premier mouvement indépendantiste algérien. 
Nombreux sont ceux des émigrés du Maghreb qui adhéraient aux idées de l’ENA. Des liens de solidarité ancrés dans l’amour de la patrie mais surtout des valeurs ancestrales de leur origine maghrébine.
 

UNE MILITANCE POLITIQUE D’UN GENRE NOUVEAU

«El ghorba» ou l’exil des Algériens en France puis en Europe entre les deux guerres, venus entreprendre les travaux pénibles de reconstruction et de développement économique de la Métropole, sera le cadre d’une militance politique d’un genre nouveau d’une élite formée dans le syndicalisme et les mouvements politiques d’Europe ouvrant les horizons d’un nationalisme moderne.

Dans sa sève confrérique, Hadj Messali, qui aura pour compagne Emilie Bousquet, fille aînée d’un mineur anarchiste et syndicaliste de Neuves-Maisons en Meurthe-et-Moselle, commencera à s’initier avec elle aux luttes ouvrières.
 

HADJ MESSALI ET L’ÉTOILE NORD AFRICAINE

L’idée d’émancipation indépendantiste ne pouvait passer que par la doctrine Marxiste-Leniniste pour les colonies et donc s’inscrire tout au début dans le PCF où sera créée une Fédération des militants originaires des colonies françaises. L’Etoile nord africaine sera le mouvement qui va englober les Maghrébins mais surtout les Algériens. 

Et c’est Abdelkader Hadj Ali, membre du Comité exécutif de l’Union inter-coloniale qui recruta les premiers adhérents à l’ENA dont Hadj Messali dont ils seront les deux présents au nom de l’ENA au Congrès anti-impérialiste tenu durant l’hiver 1927. Hadj Messali, en tant qu’affilié à une confrérie, ne pouvait admettre l’idée d’indépendance que dans l’esprit de l’Islam. 

En ce moment, l’Emir Chakib Arslan, qui vulgarisait à partir de la Suisse un certain arabo-islamisme, fait connaissance en 1935/36 avec Messali qui s’engageait, quant à lui, dans un projet de société sur la base d’une constituante souveraine au suffrage universel. En fait, la culture politique de la génération de Messali n’avait idée de se lancer dans l’insurrection armée jusqu’au moment où le FLN déclare au monde sa Révolution un 1er Novembre 1954.

Alors que le PCF voulait satelliser l’ENA, résolument patriotiquement algérienne, en 1928, Hadj Ali disparait laissant place à Messali Hadj qui s’identifia avec son combat indépendantiste.

En 1933, il crée la «Glorieuse Etoile» dissoute peu après en 1934. Messali commença une série de séjours dans les prisons françaises. Le 27 janvier 1937,  le Gouvernement Blum interdisait l’ENA, et le 11 mars de la même année, Messali fonde son Parti, le PPA (Parti du peuple algérien) en transférant son siège à Alger avant d’être arrêté et condamné à deux ans de prison ferme avec des compagnons, tels Moufdi Zakaria qui venait en 1936 de composer l’hymne du PPA :  (voir texte arabe)
 

LE MOUVEMENT NATIONAL DE LIBÉRATION

Au mois de septembre 1939, le PPA fut dissous et ses journaux El Oumma et Le Parlement algérien furent interdits. Messali Hadj, libéré en août, fut à nouveau arrêté en octobre et fut condamné en mars 1941 à seize ans de travaux forcés. Face à la répression, presque toute la direction du Parti fut décapitée. Mohamed Boudiaf, fonctionnaire aux impôts dans le Constantinois, et Mohamed Khider, syndicaliste dans le secteur des tramways à Alger, furent les militants du PPA et qui devinrent les chefs historiques du FLN au lendemain de la Révolution.
 

UNE NOUVELLE GÉNÉRATION D’HOMMES D’ACTION

Une nouvelle génération non émigrée prend les destinées du Parti en la personne de Lamine Debbaghine, médecin de formation dès 1942 en l’absence de Messali. Le PPA prend le-dessus dans l’animation des meetings à travers le pays. Messali fut détenu en 1943 puis transféré en résidence surveillée à Boghari, ensuite à In Salah et 1944 à Chellala. Il sera à nouveau orienté vers Paris pour revenir à Bouzeréah à l’approche des massacres de 1945. Il sera emprisonné à El Goléa puis à Brazzaville le 23 avril en 1945.
 

«RESSOURCEMENT NOVEMBRISTE ET DEVOIR DE MÉMOIRE»

Moufdi Zakaria, le poète de la Révolution, nous a laissé l’hymne «Kassamen» mais surtout celui intitulé «C’est Novembre» :(voir texte en arabe )
Soixante neuf ans après le déclenchement de la Révolution du 1er Novembre 1954, quels enseignements peut-on tirer de l’immortelle Guerre de libération nationale ? Les témoins et les acteurs de cette histoire n’ont pas tout dit ou du moins n’ont pas eu le recul pour le dire.
En ce moment où le monde arabe, ayant traversé des bouleversements systémiques du «Printemps arabe», certains daignent les qualifier de révolutions, ce concept semble être galvaudé et n’exprime pas le sens à donner à ces changements.
 

A VOUS QUI ÊTES APPELÉS A NOUS JUGER…

«A vous qui êtes appelés à nous juger...» C’est par cette phrase, pleine de significations et de symboles, que la proclamation du 1er Novembre 1954 s’adressa au peuple algérien et aux militants de la cause nationale sur le bien-fondé du déclenchement de la Révolution. La Toussaint était rouge ce 1er Novembre 1954 pour les Français d’Algérie. Tout a commencé lorsque quelques militants, anciens membres de l’OS, mise en place en 1946 et démantelée par la police en 1950, ont décidé de se regrouper et déclencher l’action insurrectionnelle.

Le MTLD était divisé en deux clans qui s’affrontaient sans merci. Les Centralistes, qui dénonçaient le culte de la personnalité de Messali Hadj et les partisans de ce dernier. Ne pouvant venir au bout de leurs querelles, quelques anciens de l’OS (Organisation Spéciale), ont crée le CRUA (Comité révolutionnaire pour l’unité et l’action), qui, au départ, était au nombre de cinq : Mohamed Boudiaf, Mostefa Benboulaïd, Larbi Ben M’Hidi, Rabah Bitat et Mourad Didouche puis les rejoint Krim Belkacem qui tenait le maquis en Kabylie.Ce comité rallie à son projet Ahmed Ben Bella, Aït Ahmed et Mohamed Khider qui étaient au Caire. Ce sont ces neuf hommes qui prendront l’initiative de l’insurrection armée. Entre Messalistes et Centralistes, la scission est consommée. Le 10 octobre 1954, les six membres du CRUA, présents à Alger, décident la lutte. Ils créent l’aile politique appelée FLN, et l’aile militaire appelée ALN. La date de l’insurrection est fixée au lundi 1er Novembre 1954, jour de la Toussaint chez les Français où les soldats en fête désertent les casernes.
 

 

LA DÉCLARATION DU 1er NOVEMBRE 1954, ACTE FONDATEUR

Mohamed Boudiaf et Mourad Didouche étaient chargés de rédiger la proclamation de Novembre, ou du moins, sous leur dictée que sont définis les buts et les moyens du nouveau mouvement. 

Deux mois plutôt, les Six s’étaient répartis les Zones ou Wilayas qu’ils venaient de créer. Mohamed Boudiaf, chargé de la coordination et de la liaison avec le Caire, avait été élu président. Le mouvement de rénovation, crée sous le nom du FLN, va offrir la possibilité à tous les patriotes de toutes les couches sociales  et de tous les partis d’adhérer individuellement à la cause nationale de libération pour la restauration de l’Etat algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques.
 

 

Par le Dr Boudjemaâ Haichour , Chercheur universitaire, ancien ministre      

 

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