C’est une occasion, «d’honorer et de mettre en valeur ces intellectuels algériens, ces militants de la plume et du verbe au service de la libération nationale, à travers des portraits qui reviendront sur des parcours plus au moins atypiques des personnages choisis par les conférenciers», selon le Pr Tidjet Mustapha, directeur du CRLCA.
Le thème a été développé à travers plusieurs communications autour d’hommes de lettre qui ont activement participé à l’effort de lutte contre le colonialisme, comme Mouloud Mammeri, Imache Amar, Mouloud Feraoun ou Jean El Mouhoub Amrouche. Dr Kamel Medjedoub, chercheur au CRLCA, qui a présenté une conférence intitulée : «Jean El Mouhoub Amrouche, le poète-médiateur de la cause algérienne», décrit un homme «engagé pour l’indépendance algérienne, artisan du dialogue qui a abouti aux accords d’Évian et un intellectuel révolté contre l’oppression coloniale».
Une révolte qui lui a coûté les représailles de l’administration coloniale. «En novembre 1959, il a été exclu de la radio, sur injonction du Premier ministre français Michel Debré. Trois ans, plus tôt, en 1956, sa belle-famille, des anciens pieds-noirs d’Alger, lui a écrit une lettre pour lui dire qu’elle ne veut plus de lui à cause de son ralliement, depuis le début, à la cause algérienne», rappelle-t-il. C’est cette face très peu connue du grand public que cherche à mettre en avant l’orateur, pour montrer comment «l’enfant d’Ighil Ali a accompagné intellectuellement la cause nationale jusqu’aux accords d’Évian». En effet, ajoute l’orateur, «El Mouhoub a surtout joué un rôle important dans l’aboutissement des accords d’Évian. Il a pu sensibiliser De Gaulle sur la condition des populations algériennes et la nécessité d’aller vers des négociations.
En 1956, et selon le témoignage de Reda Malek (à l’occasion d’un colloque en 2008 à Alger, rapporté dans Liberté par Abdenour Abdeslam, président du colloque), il a été sollicité par Abane Ramdane en personne pour aider à engager ces négociations. Donc, sollicité par le FLN et par de Gaulle, il s’est imposé comme le médiateur en qui reposait beaucoup d’espoir. Il a voyagé entre plusieurs capitales du monde (Genève, Tunis, le Caire…) où il a rencontré des dirigeants du FLN jusqu’à arriver à un accord entre les parties». Bien qu’il soit naturalisé français et portant un prénom chrétien, El Mouhoub est né « sujet français, donc Algérien comme tous les autochtones colonisés. À l’état-civil, il est inscrit sous son seul prénom kabyle, El Mouhoub, qu’il a tout le temps revendiqué comme témoin de son algérianité ».
Le conférencier veut pour preuve les différents ouvrages, déclarations publiques et lettres rédigées par l’écrivain où il revendique son appartenance et son engagement, que même des combattants et hommes politiques algériens de premier rang lui reconnaissent, à l’image de «Krim Belkacem, signataire des accords d’Évian et Ferhat Abas, président du GPRA. Mieux encore, ce dernier en 1946, à sa sortie de prison, son premier souhait a été de rencontrer Jean Amrouche et de l’associer à notre combat ».
Dr. Saïd Chemakh de l’université de Tizi Ouzou a, quant à lui, développé une communication autour d’un autre intellectuel, en l’occurrence, Mouloud Mammeri. Son intervention dévoile les actions et le rôle de Mouloud Mammeri pendant la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962). Les gens connaissent Mammeri l’écrivain, le militant berbériste, mais, remarque le conférencier, «on oublie qu’il était parmi les premiers à s’engager activement dans la politique et en faveur de la libération de l’Algérie ».
Saïd Chemmakh s’appuie dans sa recherche sur les témoignages de Tahar Oussedik, membre du Front de libération nationale, sur des lettres écrites par Mouloud Mammeri, dont quelques-unes ont été adressées à l’ONU pour soutenir la cause algériennes. On sait aussi l’engagement de Mammeri pour la révolution à travers des contributions publiées dans les colonnes du journal L’espoir. L’intellectuel a participé à ce combat avec sa plume pour dénoncer les exactions de l’armée coloniale et l’asservissement, ce qui lui a valu d’être « recherché et sa maison plastifiée par l’armée coloniale, avant qu’il ne soit exfiltré du territoire algérien pour se réfugier au Maroc ».