50e édition du festival du cinéma américain de Deauville : Kate Winslet en pionnière du photojournalisme dans Lee

07/09/2024 mis à jour: 20:10
AFP
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Kate Winslet incarne la célèbre photographe dans le film Lee.

Projeté au Festival de Deauville avant sa sortie en France le 9 octobre, le film explore une période charnière de la vie de cette femme puissante (1907-1977), ex-mannequin qui photographia les camps de concentration, dont le cliché la montrant, nue, dans la baignoire d’Hitler à Berlin, est entré dans la légende.  
 

«Lee a vécu plusieurs vies, et notre plus gros défi était de savoir quelle période décisive de son parcours mettre en avant», explique, dans le dossier de presse, Kate Winslet, soucieuse d’éviter le piège du biopic pour une figure aussi complexe. Premier long métrage de l’expérimentée cheffe-opératrice Ellen Kuras Eternal Sunshine of A Spotless Mind, Lee se déploie d’abord dans l’insouciance bourgeoise et bohème de la Riviera française en 1938. Autour de Lee Miller, ancienne compagne de Man Ray devenue photographe de mode, l’amour est libre, l’alcool abondant et personne ne daigne voir que l’Europe est au bord du précipice. Sa petite troupe compte le poète Paul Eluard, son épouse Nusch (Noémie Merlant) et la rédactrice de mode Solange d’Aye (Marion Cotillard).  Lee Miller rencontre alors le collectionneur d’art Roland Penrose (Alexander Skarsgår), s’installe à Londres avec lui et se démène pour partir en France en 1944 et rendre compte - appareil Rolleiflex en bandoulière - de l’horreur de la guerre.


Croyez-le !  

Les obstacles pour une femme sont légion, et Lee Miller, qui travaille pour l’édition britannique de Vogue, doit braver les interdits. «Elle était en colère  parce que les femmes n’étaient pas officiellement autorisées dans les zones de combat», se rappelait fin mai pour l’AFP, son fils unique, Antony Penrose. Avec son confère et ami du magazine Life David Scherman (campé à contre-emploi par l’humoriste américain David Samberg), Lee Miller frôle la mort, photographie les mutilés de guerre, les premières épurations en France et parvient jusqu’au front Est, dans une Allemagne tout juste vaincue. La reporter y photographie des familles de nazis suicidés et, surtout, pénètre dans les camps de concentration de Dachau et Buchenwald, où elle découvre des convois remplis de cadavres et les survivants décharnés. «Au lieu de prendre des photos de loin, Lee n’a pas hésité à grimper à bord du train rempli de cadavres», souligne Kate Winslet. La caméra d’Ellen Kuras ne s’arrête pas à la porte des camps. Le film montre des déportés en uniforme rayée et reconstitue l’intérieur des camps nazis, un choix frontal et risqué qui tranche par exemple avec l’approche plus oblique du récent «Zone d’intérêt», Grand Prix du jury à Cannes en 2023. A son retour à Londres, Lee Miller, marquée dans sa chair, veut montrer ces atrocités au monde mais se heurte au refus du Vogue britannique. 

C’est l’édition américaine du magazine qui publiera son photoreportage sous le titre  Believe it (Croyez-le). «Les gens n’y croyaient pas. C’est fou comme on a dissimulé pendant très longtemps des pans entiers de la Shoah. Il y avait une véritable volonté de maquiller les faits, mais Lee s’y est refusée catégoriquement. Cela l’a ruinée totalement», souligne Kate Winslet.  

Pour camper cette femme libre, torturée et opiniâtre, l’actrice britannique de 48 ans ne recule devant rien : elle se dénude sans dissimuler ses rondeurs et assume cernes et rides pour rendre compte de l’épuisement physique et psychique de son double de cinéma. La star de Titanic, du Liseur ou de Noces rebelles va même jusqu’à se grimer pour interpréter une Lee Miller vieillissante, accro à la boisson et aux médicaments, qui déroule, de mauvaise grâce, le fil de son existence devant un intrigant journaliste. «Elle était guidée par la compassion et je pense que ça l’a consumée», dit son fils. «Il n’y avait plus rien pour la faire avancer et elle n’arrivait pas à sortir de sa tête toutes les choses qu’elle avait vues». 

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