Même si la célébration du 42e anniversaire du 20 Avril 1980 intervient, cette année, dans un contexte particulier, caractérisé notamment par l’absence de l’engouement d’antan pour marquer cette occasion, il n’en demeure pas moins que le Printemps berbère reste un repère et un catalyseur incontestable pour la revendication identitaire.
Ainsi, après plus de quatre décennies de combat, des acquis ont été arrachés grâce particulièrement à l’engagement des générations de militants qui ont maintenu la pression sur les décideurs jusqu’à la reconnaissance de tamazight comme langue nationale, en 2022, durant les événements de Kabylie qui ont fait 128 morts, et officielle, en 2016. Il s’agit ainsi d’un long parcours «émaillé» de sacrifices.
Ainsi, on ne peut pas aujourd'hui évoquer le 20 Avril 1980 sans revenir sur la genèse de cette date et revisiter l'itinéraire du Printemps amazigh et l’origine de ce mouvement fondateur, qui a vu le jour suite à l’interdiction de la tenue de la conférence que devait animer, le 10 mars 1980, l'anthropologue et écrivain Mouloud Mammeri sur la poésie kabyle ancienne, à l’université de Tizi Ouzou. La nouvelle s’est propagée comme une traînée de poudre. «Cette conférence avait été annoncée par voie d’affichage depuis plusieurs jours, à l’intérieur du centre universitaire de Tizi Ouzou.
Le recteur, bien qu’hostile à cette présence, avait toléré l’organisation de cette conférence par le comité de la cité universitaire de Oued Aïssi, qui était reconnu par l’administration. Dans la nuit de dimanche à lundi, à minuit, un mystérieux appel téléphonique de ‘‘quelqu’un’’ se faisant passer pour le recteur prévient Mammeri de l’annulation de sa conférence.
Le matin, Mammeri s’est entendu démentir au téléphone par M. Arab, responsable du Cous, lui-même, toute interdiction ou report de la conférence», souligne Mohamed Attaf dans son livre Identité et combat. Journal d’une revendication, où il a relaté les raisons de cette interdiction, comme il est revenu aussi sur la répression policière qui s’est abattue sur la région.
Le lendemain, une marche de protestation est organisée dans les rues de Tizi Ouzou pour dénoncer cette décision et réclamer, par la même, la reconnaissance de l’identité berbère ainsi que le respect des libertés démocratiques. Des émeutes ont eu lieu, raconte-t-il, à Bordj Menaïel, Dellys et Ouadhias, entre autres. Les forces de l’ordre ont investi les cités universitaires pour matraquer de manière féroce, a-t-il décrit, des étudiants qui ont refusé de surseoir à leur grève.
Dès lors, des affrontements ont éclaté entre de jeunes manifestants et les forces de l’ordre, notamment au chef-lieu de wilaya. La contestation a gagné les usines et l'hôpital de Tizi Ouzou, qui ont été paralysés par des actions de protestation.
Des collégiens et des lycéens ont rejoint le mouvement en se mettant en grève et occupant leurs établissements, à l’image du lycée Amirouche. Des centaines de blessés ont été dénombrés durant les manifestations de ces journées de répression. Vingt-quatre personnes sont arrêtées, dont Saïd Sadi, Rachid Halet, Rachid Aït Ouakli, Mohamed Naït Abdellah, Maâmar Berdous, Djamel Zenati, Saïd Khellil et Mustapha Bacha. Elles ont été accusées d’«atteinte à la sûreté de l’Etat».
Ces détenus seront libérés au mois de juin de la même année, suite à une grande mobilisation citoyenne. Deux mois plus tard, c’est la tenue du séminaire de Yakouren pour capitaliser les avancées du mouvement et affiner ses lignes directrices.
Cette rencontre avait pour but «d’engager le dialogue qui avait empêché tout débat démocratique sur la question culturelle». Les participants à ce rendez-vous avaient également mis l’accent, dans leur rapport de synthèse, sur «l’identité réelle du peuple algérien et la reconnaissance officielle de ses deux langues : tamazight et l’arabe algérien».
Ils ont également soulevé le problème de la liberté d’expression. Depuis, le Printemps berbère est commémoré dans une ambiance de contestation et de capitalisation des acquis du combat identitaire.
Toutefois, ces dernières années, la célébration du 20 Avril ne suscite plus beaucoup d'enthousiasme. Des militants et des animateurs du MCB estiment que cela est lié aux dissensions qu’a connues ce mouvement et son éclatement en plusieurs tendances.
D’autres, par contre, précisent que le militantisme a abouti à de grands acquis qu’il faut préserver et enrichir dans le cadre d’un travail scientifique pour la promotion de la langue et la culture amazighes.