1922/2016 Brahim Chergui chef politique de la zone autonome d’Alger : Fin stratège et organisateur racé

18/01/2025 mis à jour: 01:06
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Photo : D. R.

Il y a neuf ans, Le 7 janvier 2016, nous quittait Si Brahim Chergui, alias Si H’mida, chef politique de la Zone autonome d’Alger, qui a commencé à militer très jeune, au début des années quarante, pour gravir les échelons grâce à son dévouement, sa perspicacité et sa combativité, et devenir cadre du parti PPA/MTLD.

Sadek Kéramane, l’étudiant qui a troqué les amphis contre l’idéal de liberté et était sous son autorité en 1956, en garde l’image d’un homme super actif. «On se voyait pratiquement tous les jours. C’est lui, qui nous a appris à être méfiants, vigilants et à faire attention à la filature. Il était constamment en alerte, en train de mettre en place des structures. Assurément, c’était un bon organisateur.»

Son camarade de lutte Hachem Malek ne dit pas autre chose. «Chergui est un homme fonctionnel, d’une sévérité légendaire, assez nerveux, constamment en éveil et en action, et qui ne revient jamais en arrière. C’est un homme qui frappe par sa personnalité et son intuition. Les rendez-vous, par exemple, se faisaient sur l’horloge de référence de la mosquée. On n’attendait pas plus de deux minutes. Et si par malheur, on ratait le rendez-vous, on savait ce qui nous attendait. Une ponction pécuniaire.»

Pour le moudjahid Abderrahmane Baha, qui a longtemps milité à Kouba, son quartier, «Chergui était dur mais juste, sévère, à cheval sur les principes. Il était strict sur le respect des horaires et des rendez-vous. Sous sa direction, on avait commencé à organiser à grande échelle des tracts, qu’on ramenait de l’imprimerie du Ruisseau au sein de l’usine de limonade de Kalafat».

L’indépendance acquise, Chergui quitta la politique pour se consacrer à sa famille, entre son domicile à Kouba et ses fréquentes virées au cœur d’Alger, notamment au café Tlemçani, point de ralliement hebdomadaire des anciens moudjahidine, surtout ceux qui avaient de hautes responsabilités dans la hiérarchie de l’organisation indépendantiste. Personnellement, je me rappelle de ces rencontres fort instructives, tous les samedis, où se donnaient rendez-vous les survivants du Mouvement national. Ces rassemblements étaient autant de pages d’histoire, auxquels j’ai eu le privilège d’assister et desquels j’ai beaucoup appris.

M. Chergui y délivrait ses idées et déroulait ses points de vue et observations, dans des propos à la fois limpides et éclairants. Un discours, qui est en effet un dédale de connaissances, qui s’emboîtent et le font passer, sans encombres, d’un sujet à l’autre sans problème.

Autodidacte parfait, Si Brahim s’est nourri à l’école de la vie, en se forgeant à la force des bras et des convictions. C’était agréable de le voir  attabler avec ses compagnons de lutte, périodiquement, au café Tlemçani, près de l’amirauté, deviser sur la Guerre de Libération et le PPA, mais pas que. Il avait le don d’être convaincant. Ce qui obligeait les présents à une écoute soutenue. 

L’attention, que son propos exige, vous laisse toujours en alerte. Ses paroles, sans esbroufe, franches et concises, vont toujours à l’essentiel. Il était la simplicité incarnée. Cette vertu, si rare de nos jours, il l’affectionnait, avec en plus, un devoir d’exigence, car il avait appris de la vie qu’elle peut être une souffrance, si on ne prend pas soin d’elle.

Par-delà les souffrances de la lutte armée, Si Brahim a vécu dans sa chair  les calomnies et les ragots racontés à son sujet, faisant accroire qu’il aurait «vendu» son ami Ben M’hidi. Cette scandaleuse rumeur, dont il a identifié l’origine, l’a sérieusement affecté, même s’il s’en tient à la vérité et aux témoignages éloquents de Ben Khedda, qui avait déclaré : «Je l’affirme avec la plus ferme certitude, Chergui ne savait pas où se cachait Ben M’hidi. A aucun moment, cet homme, qui s’est acquitté loyalement de ses obligations envers l’organisation, n’a fourni à ses bourreaux une quelconque adresse.»

L’histoire a fini par supplanter les mensonges. D’autres témoignages de personnalités sont venus, dans le sillage de l’ancien président du GPRA, conforter Si Brahim, qui est parti le cœur léger, avec le sentiment du devoir patriotique accompli, avec les honneurs de la patrie reconnaissante. Paix à son âme.

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