Le chef de l’Eglise catholique arrive à Marseille vendredi 22 septembre pour assister aux Rencontres méditerranéennes autour de la brûlante question des migrants, en présence des évêques du pourtour de la Méditerranée, dont des représentants des diocèses algériens.
Pour l’archevêque de Marseille Jean-Marc Aveline, «la France ne peut pas détourner le regard», affirme-t-il à la radio France Bleu. Pour celui dont on dit qu’il est l’un des plus proches du pape François, qui débarque dans sa ville vendredi, «Marseille est plus qu’une ville, c’est un message. Dans toute identité, il y a toujours une part d’altérité. Et c’est grâce à ça qu’on peut être accueillant à l’autre».
Le pape avait d’ailleurs expliqué en août : «J’irai à Marseille, pas en France.» Loin d’une visite d’Etat, il envisageait ce déplacement sous un jour particulier, celui de la question migratoire. Il déclarait alors : «Le problème qui me préoccupe, c’est le problème méditerranéen, c’est pourquoi je vais en France. L’exploitation des migrants est criminelle», avait insisté le pape de 86 ans.
Assister aux rencontres du 18 au 24 septembre autour des thèmes comme les inégalités économiques, les migrations et le changement climatique, auxquelles le pape est invité, était pour le souverain de l’Eglise catholique une manière d’appuyer là où ça fait mal : l’exil hasardeux de personnes des pays du sud de la Méditerranée vers un hypothétique avenir dans les contrées européennes où ils sont loin d’être les bienvenus.
Les yeux tournés vers Lampedusa
Coïncidence malheureuse, la migration vers l’île italienne de Lampedusa s’est accrue en août et tout récemment à la mi-septembre, soulevant une agitation politique en Europe pour évaluer cette situation et la stopper. L’Allemagne a dénoncé la politique européenne en la matière, refusant d’accueillir son «quota» de migrants ; l’Italie, gouvernée par l’extrême-droite, faisant état de sa panique alors qu’elle a été élue pour contrer l’immigration illégale.
Quant à la France, les extrémistes de droite s’en donnent à cœur joie et le ministre de l’Intérieur Gerald Darmanin est parti à Rome, pour apporter son soutien à la première ministre Giorgia Meloni et montrer du doigt le gouvernement tunisien «censé bloquer les départs depuis l’Afrique du Nord», selon l’accord avec l’Union européenne… Une manière aussi pour lui de brûler la politesse aux extrémistes de droite européens qui ont fait leur chemin de croix vers l’île italienne.
Une prière à la mémoire des migrants disparus en mer
A côté de ce moment médiatico-politique, le pape a, depuis longtemps, lancé un message humanitaire et fraternel. Il l’avait d’ailleurs fait à Lampedusa, au début de son pontificat, le 8 juillet 2013. Il avait tenu un langage fort critique, fustigeant l’égoïsme face à la détresse : «La culture du bien-être nous rend insensibles aux cris d’autrui (et) aboutit à une globalisation de l’indifférence», avait-il énoncé lors d’une messe.
«Nous ne sommes plus attentifs au monde dans lequel nous vivons, nous n’avons plus soin de ce que Dieu a créé (…) Nos frères et sœurs cherchaient à sortir de situations difficiles pour trouver un peu de sérénité et de paix, un endroit meilleur pour eux et leur famille mais ils ont trouvé la mort.»
Dix ans après, le pape François à Marseille va dribler avec les mauvais sentiments, au Vélodrome, «temple» marseillais du football, lors d’une messe ouverte au public, après une prière à la mémoire des migrants.
L’un des moments forts sera ce recueillement devant la stèle pour les marins et migrants morts en mer, à côté de Notre-Dame-de-la-Garde, la célèbre «bonne mère» marseillaise. Le pape avait déclaré, en août : «La Méditerranée est un cimetière. (…) Voilà pourquoi je vais à Marseille.»
«Le pape nous force à regarder la méditerranée»
Pour Mgr Aveline, qui accueillera le pape avec la Première ministre Elisabeth Born, «le contexte politique s’est beaucoup chargé ces dernières semaines. Mais après tout, c’est pas mal ! Cela permet à l’Église non pas de donner des leçons mais d’être au service de la voix de ceux qu’on n’entend pas d’habitude. (…) On ne résout pas les problèmes de l’immigration en disant simplement qu’il faut accueillir.
Certes, il faut accueillir, il faut accueillir, en vue du bien commun. C’est le bien commun des migrants, mais aussi le bien de tous.» Et l’archevêque d’insister pour dire que «le pape nous force à regarder la Méditerranée», avec un temps d’avance sur ce que pensent beaucoup de ses ouailles.
C’est ce que révèle un sondage, la semaine dernière. Le journal Le Figaro en livrait les principaux enseignements : «C’est vers des mesures plus répressives que les regards se tournent. Ce sont celles qui rencontrent un plus large soutien, qu’il s’agisse de l’inscription des étrangers menacés d’expulsion au fichier des personnes recherchées pour rendre plus efficaces les obligations de quitter le territoire (82%), de la mise en place de quotas votés annuellement par le Parlement (81%), la possibilité de s’exprimer par référendum sur le sujet (75%), l’obligation des demandeurs d’asile à formuler leur demande dans leur pays d’origine ou un pays tiers (73%) ou encore la suppression de l’Aide médicale d’État pour la remplacer par une Aide médicale d’urgence (72%)».
Le pape et ses évêques de la Méditerranée, réunis en plénière, en preux chevaliers de l’altruisme, seraient-ils donc en décalage avec l’état d’esprit général ? La visite papale sera à ce propos riche en enseignements alors que l’un des débats politiques en France tourne justement autour d’une énième loi sur l’immigration.