Visite du conseiller à la sécurité de la Maison-Blanche en Chine : Pékin appelle à des discussions «de fond»

28/08/2024 mis à jour: 15:35
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Le ministre des affaires étrangères chinois, Wang Yi, et le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken - Photo : D. R.

Les relations entre la Chine et les Etats-Unis restent tendues, avec pour pierres d’achoppement les différends commerciaux, l’expansion chinoise en mer de Chine méridionale et la question de Taïwan.

La Chine veut avoir avec les Etats-Unis des discussions «de fond», a averti hier à Pékin le chef de la diplomatie chinoise avant un entretien avec un conseiller du président américain, Joe Biden, sur fond de tensions bilatérales et régionales, rapporte l’AFP. Jake Sullivan, qui est arrivé ce même jour en Chine, est le premier conseiller à la Sécurité nationale de la Maison-Blanche à se rendre dans le pays depuis 2016.

Ce déplacement, qui doit s’achever demain, intervient quelques mois avant l’élection présidentielle américaine et dans un contexte tendu entre la Chine et plusieurs alliés des Etats-Unis en Asie. Le Japon, signataire d’un traité de sécurité avec les Etats-Unis, a déployé lundi des avions de chasse après l’incursion inédite d’un appareil militaire chinois dans son espace aérien.

Cet incident est considéré par Tokyo comme une «violation grave» de sa souveraineté. De leur côté, les Philippines, liées aux Etats-Unis par un traité de défense mutuelle, ont estimé hier que la Chine est le «plus grand perturbateur» de la paix dans la région, après une série d’accrochages en mer de Chine méridionale avec des navires chinois.

La Chine veut avec les Etats-Unis des discussions «de fond», a prévenu le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, avant un premier entretien avec Jake Sullivan. «Comme toujours, j’espère que cet échange sera non seulement stratégique, mais aussi de fond et constructif», a-t-il dit à son interlocuteur devant la presse.

Pressions militaires

Le responsable américain s’est pour sa part dit «impatient» d’entamer ces discussions. «Nous aborderons un large éventail de questions : celles sur lesquelles nous sommes d’accord et celles (...) sur lesquelles il existe encore des divergences», a souligné Jake Sullivan, dont la fonction est cruciale au sein de l’Exécutif américain.  
Jake Sullivan et Wang Yi se sont rencontrés à cinq reprises au cours des 18 derniers mois, dont une fois à Washington et une autre lors du sommet en novembre 2023 entre Joe Biden et Xi Jinping en Californie.

Les relations bilatérales entre leurs pays restent tendues, avec pour pierres d’achoppement les différends commerciaux, l’expansion chinoise en mer de Chine méridionale et la question de Taïwan. La Chine revendique cette île gouvernée par un système démocratique comme faisant partie de son territoire et a multiplié les intimidations à son encontre ces dernières années.

Les Etats-Unis vont «faire part de leur préoccupation concernant les pressions militaires, diplomatiques, et économiques accrues de la Chine envers Taïwan», selon une responsable américaine. «Ces actes sont déstabilisateurs et risquent de provoquer une escalade», a-t-elle souligné auprès de la presse.

La Chine «exprimera (ses) sérieuses inquiétudes, clarifiera sa ferme position et formulera des exigences fortes à propos de Taïwan», a de son côté mis en garde la télévision d’Etat chinoise. Les Etats-Unis n’ont pas de liens diplomatiques avec Taïwan, néanmoins ils sont leur principal fournisseur d’armes face à l’armée chinoise.

La Chine fustige régulièrement les Etats-Unis, qu’elle accuse de soutenir tacitement le courant indépendantiste. En juillet, la Chine a indiqué avoir suspendu des discussions avec les Etats-Unis sur le contrôle des armes et la non-prolifération nucléaire, précisant que cette décision venait en représailles à des ventes d’armes par Washington à Taïwan. Pékin dénonce régulièrement les ventes d’armes américaines à l’île et toute action de Washington donnant à Taïwan un semblant de légitimité internationale.

En juin, les Etats-Unis ont approuvé deux ventes de matériel militaire à Taïwan d’une valeur totale d’environ 300 millions de dollars (274 millions d’euros). Jake Sullivan discutera en outre de la question de la mer de Chine méridionale, où les tensions entre la Chine et les Philippines se sont intensifiées ces derniers mois autour de revendications territoriales.

La situation au Moyen-Orient figurera également à l’ordre du jour. La Chine critique régulièrement le soutien des Etats-Unis envers Israël, tandis que Washington presse Pékin d’utiliser ses relations avec l’Iran pour appeler Téhéran à la retenue.

Ce déplacement de Jake Sullivan intervient avant l’élection présidentielle américaine de novembre.  En cas de victoire, il est attendu de l’actuelle vice-présidente Kamala Harris, candidate pour succéder à Joe Biden, qu’elle conserve un dialogue avec la Chine tout en maintenant une politique de pression. Son adversaire, l’ex-président Donald Trump, a promis d’adopter une ligne plus dure s’il revenait à la Maison-Blanche.

Alors que Jack Sullivan est à Pékin, le gouvernement japonais a condamné hier l’incursion la veille d’un avion militaire chinois dans son espace aérien, dénonçant «une violation grave» de sa souveraineté. «La violation de notre espace aérien par un avion militaire chinois est non seulement une violation grave de notre souveraineté, mais aussi une menace pour notre sécurité, et est totalement inacceptable», a déclaré le porte-parole du gouvernement, Yoshimasa Hayashi, au lendemain de l’incident survenu en mer de Chine orientale.

L’ire nippone

Selon le ministère japonais de la Défense, un avion «espion de type Y-9» de l’armée chinoise a pénétré dans l’espace aérien japonais lundi à 11h29 locales (02h29 GMT) pendant environ deux minutes, au large des îles Danjo, dans le département de Nagasaki. «Nous nous abstenons de donner une réponse précise quant à l’objectif de l’action de l’avion chinois. Toutefois, les activités militaires récentes de la  Chine à proximité du Japon ont tendance à s’étendre et à devenir de plus en plus actives», a déclaré Y. Hayashi lors d’un point presse.

Quelques heures plus tard, la Chine a réagi en indiquant «vérifier» les faits. «Les autorités compétentes chinoises sont en train de se renseigner et de vérifier», a déclaré Lin Jian, un porte-parole de la diplomatie chinoise, interrogé sur le sujet. «Les deux parties maintiennent la communication par les canaux de travail existants.

Je tiens également à souligner que la Chine n’a aucunement l’intention d’envahir l’espace aérien d’un quelconque pays», a-t-il ajouté. Dès lundi, le vice-ministre japonais des Affaires étrangères, Masataka Okano, a convoqué l’ambassadeur par intérim de la Chine, auprès duquel il a «émis une ferme protestation», tout en appelant à des mesures pour éviter la répétition de ce type d’événement, selon un communiqué.

Le diplomate chinois a répondu que l’affaire serait portée à la connaissance de Pékin, selon le ministère. «Le gouvernement continuera à suivre de près les activités militaires de la Chine et prendra toutes les mesures possibles pour assurer une surveillance vigilante», a encore déclaré le porte-parole du gouvernement nippon.

Le Japon «s’oppose à toute tentative unilatérale de modifier le statu quo par la force ainsi qu’à toute action qui accroît les tensions en mer de Chine méridionale, y compris l’obstruction à la liberté de navigation et au survol», a déclaré en fin de journée hier son ministère des Affaires étrangères dans un  communiqué, prônant «le respect de l’Etat de droit».

L’influence économique et militaire croissante de la Chine dans la région Asie-Pacifique et ses revendications, en particulier concernant Taïwan qu’elle considère comme une de ses provinces, inquiètent les Etats-Unis et leurs alliés. Pékin revendique la mer de Chine méridionale, par laquelle transitent chaque année des milliards de dollars de commerce, presque dans sa totalité, malgré une décision de la Cour internationale datant de 2016 selon laquelle ses revendications ne reposent sur aucune base juridique.

Pacifiste depuis des décennies, le Japon a augmenté ses dépenses de défense, en se dotant de capacités de «contre-attaque» et en assouplissant les règles sur les exportations d’armes. Tokyo fournit également des financements et des équipements tels que des navires de patrouille aux pays de la région et a conclu en juillet un pacte de défense avec les Philippines. 
 

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