Le candidat de l’opposition Yamandu Orsi a remporté, avant-hier, l’élection présidentielle en Uruguay, une victoire marquant le retour au pouvoir de la gauche de l’emblématique ex-président José «Pepe» Mujica.
A 89 ans et en dépit d’une santé déclinante, ce dernier n’a pas ménagé sa peine pour mettre sa grande popularité au service de son poulain, un ancien professeur d’histoire de 57 ans issu comme lui d’un milieu rural modeste. Candidat de la coalition de gauche Frente Amplio, M. Orsi s’est, selon les résultats officiels définitifs, imposé par 49,8% des voix contre 45,9% pour son adversaire de centre droit Alvaro Delgado, homme du président sortant Luis Lacalle Pou, au pouvoir depuis 2020. «Je serai le président qui appellera encore et encore au dialogue national pour trouver les meilleures solutions, bien sûr en suivant notre vision, mais aussi en écoutant très attentivement ce que les autres nous disent», a promis le président élu, dont M. Mujica a vanté les talents de «négociateur».
M. Delgado, ancien vétérinaire issu du Parti National de droite, a rapidement concédé sa défaite, disant «saluer» M. Orsi au nom de «tous les acteurs de la coalition (gouvernementale)» qui l’ont soutenu. Des klaxons et des cris de joie ont résonné dans la capitale Montevideo, bastion du Frente Amplio, et des milliers de personnes sont descendues dans les rues pour célébrer la victoire de M. Orsi. «Je suis heureux! Le peuple a encore gagné», a déclaré après l’annonce de la victoire du président élu, Walkiria Paris, une retraitée de 63 ans enveloppée dans le drapeau du Frente Amplio. L’élection de M. Orsi, qui prendra ses fonctions le 1er mars, marque le retour de la gauche au pouvoir après une précédente séquence que quinze ans sous Tabaré Vazquez (2005-2010 et 2015-2020) et M. Mujica (2010-2015).
Dans ce pays de 3,4 millions d’habitants coincé entre Argentine et Brésil et considéré comme un havre de paix et de stabilité en Amérique du Sud, M. Orsi, un tenant de la gauche modérée, a assuré que sa victoire augurait d’un «changement» qui ne sera «pas radical».
Pendant la campagne, MM. Orsi et Delgado ont insisté sur la relance de la croissance et la réduction du déficit budgétaire. Ils se sont engagés à ne pas augmenter la pression fiscale et ont promis de lutter contre la criminalité liée au narcotrafic en augmentation. M. Orsi souhaite par ailleurs développer des échanges à l’échelle régionale. «Je tiens à féliciter (...) le président élu Yamandu Orsi, le Frente Amplio et mon ami Pepe Mujica», a réagi sur X le président du Brésil voisin, Luiz Inacio Lula da Silva. «C’est une victoire pour toute l’Amérique latine et les Caraïbes», a-t-il relevé. D’autres dirigeants latino-américains ont salué la victoire de M. Orsi, comme l’Argentin ultra-libéral Javier Milei qui a repartagé sur X un message du ministère argentin des Affaires étrangères félicitant le président élu. Si l’Uruguay affiche un niveau de vie élevé et de moindres niveaux de pauvreté et d’inégalités que dans le reste de l’Amérique du Sud, l’emploi et la sécurité ont été placés au centre des préoccupations de ce pays aux 12 millions de têtes de bétail. Malgré ses 89 ans, son combat contre le cancer et des difficultés à se déplacer, M. Mujica, un ex-guérillero qui avait été torturé sous la dictature militaire, a multiplié les apparitions et meetings pour attirer le vote des jeunes et indécis qui semblaient détenir la clé du scrutin.
Le président sortant Luis Lacalle Pou n’a pu se représenter malgré une cote de popularité de 50%, car la Constitution interdit de briguer un second mandat consécutif. Il a promis une transition
«ordonnée». Le 27 octobre, des élections parlementaires concomitantes au premier tour avaient vu le Frente Amplio remporter 16 des 30 sièges du Sénat et 48 des 99 sièges de la Chambre des dépu tés. Lors de sa campagne, M. Orsi avait souligné que ce résultat offrait à son camp les conditions pour «mener à bien les transformations dont le pays a besoin».