Union européenne : Les négociations sur la réforme de la politique migratoire reprennent

20/12/2023 mis à jour: 19:16
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La réforme prévoit un «filtrage» des migrants à leur arrivée en Europe

Les eurodéputés et représentants des Etats membres ont repris, hier, leurs négociations pour tenter de boucler un accord sur l’épineuse réforme du système migratoire européen qui inquiète les organisations de défense des droits humains.

La nouvelle séance de pourparlers, qui porte sur plusieurs textes du «Pacte sur la migration et l’asile», a commencé lundi et pourrait s’étaler jusqu’aujourd’hui. 

Ce pacte, présenté par la Commission européenne en septembre 2020, est une nouvelle tentative de refonte des règles européennes, après l’échec d’une précédente proposition en 2016 dans la foulée de la crise des réfugiés. L’objectif est une adoption finale de l’ensemble des textes avant les élections européennes de juin 2024, alors que la question de l’immigration accapare le débat politique dans de nombreux pays européens, sur fond de montée des partis d’extrême droite et populistes.

Une cinquantaine d’ONG, dont Amnesty International, Oxfam, Caritas et Save the Children, ont écrit une lettre ouverte aux négociateurs pour les alerter sur le risque de voir ce pacte migratoire aboutir à «un système mal conçu, coûteux et cruel».

La réforme discutée à Bruxelles conserve la règle actuellement en vigueur selon laquelle le premier pays d’entrée dans l’UE d’un demandeur d’asile est responsable de son dossier, avec quelques aménagements. Mais pour aider les pays méditerranéens, où arrivent de nombreux migrants, un système de solidarité obligatoire est organisé, en cas de pression migratoire. 

Les autres Etats membres doivent contribuer en prenant en charge des demandeurs d’asile (relocalisations) ou en apportant un soutien financier ou matériel. L’une des questions en discussion est celle des relocalisations, après un sauvetage de migrants en mer, point important pour l’Italie et sur lequel le Parlement insiste mais qui rencontre les réticences d’autres Etats membres.  
 

«Contraire à la Convention de Genève»

La réforme prévoit aussi un «filtrage» des migrants à leur arrivée et une procédure accélérée pour ceux qui sont statistiquement les moins susceptibles d’obtenir l’asile, afin de les renvoyer plus rapidement vers leur pays d’origine ou de transit. Cette procédure s’appliquera aux ressortissants de pays pour lesquels le taux de reconnaissance du statut de réfugié, en moyenne dans l’UE, est inférieur à 20%. 
Ce «tri» en «fonction de la nationalité» est «contraire à la convention de Genève qui prévoit des examens individuels», a dénoncé l’eurodéputé vert Damien Carême, qui estime que le pacte «va ouvrir des contentieux par centaines».

Le Conseil (Etats membres) a insisté pour que même les familles avec enfants de moins de 12 ans soient concernées par une telle procédure qui impliquera vraisemblablement une détention dans des centres situés près des frontières ou des aéroports. Le Parlement européen réclame «des garanties très fortes pour ces familles, une exigence d’avoir des lieux d’accueil adéquats», et attend des compromis de la part du Conseil sur l’accès des migrants à un Conseil juridique, explique l’eurodéputée française Fabienne Keller (Renew Europe).
Autre texte en pourparlers, un règlement sur les situations de crise et de force majeure, destiné à organiser une réponse en cas d’afflux massif de migrants dans un Etat de l’UE, comme au moment de la crise des réfugiés de 2015-2016. 

Il prévoit là encore une solidarité obligatoire entre les Etats membres et la mise en place d’un régime dérogatoire moins protecteur pour les demandeurs d’asile que les procédures habituelles, avec un prolongement possible de la durée de détention aux frontières extérieures du bloc. Les discussions portent sur la durée possible de cette procédure, que le Parlement souhaite réduire par rapport à celle préconisée par le Conseil. Pour Stéphanie Pope, experte des questions migratoires au sein de l’ONG Oxfam, ce règlement de «crise» dont peuvent se prévaloir les Etats membres, «restreint le droit d’asile et fait s’écrouler davantage les règles communes en matière de migration».

L’UE connaît actuellement une hausse des arrivées irrégulières ainsi que des demandes d’asile. Sur les onze premiers mois de l’année 2023, l’agence Frontex a enregistré plus de 355 mille traversées des frontières extérieures de l’UE, soit une hausse de 17%.  Les demandes d’asile, quant à elles, pourraient atteindre plus d’un million d’ici la fin 2023, selon l’Agence de l’UE pour l’asile (EUAA).
 

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