Déféré lundi dernier devant le tribunal militaire de Bilda, le général Athmane Belmiloud, ancien directeur central de la sécurité de l’armée, a été condamné dans deux affaires distinctes. La première concerne les délits d’«enrichissement illicite» et d’«abus de fonction», pour laquelle il a écopé d’une peine de 15 ans de prison, et la seconde en lien avec plusieurs accusations criminelles, qui lui ont valu une condamnation de 20 ans de réclusion.
Placé en détention au mois de juin 2020, après les nombreuses arrestations d’officiers de haut rang ayant suivi l’incarcération de l’ex-patron de la Sécurité intérieure, le général Wassini Bouazza, bras droit du défunt chef d’état-major de l’ANP, Gaïd Salah, le général Athmane Belmiloud, dit Kamel, ancien patron de la sécurité de l’armée, a été condamné, lundi dernier, par le tribunal militaire de Blida, à l’issue de deux procès, durant lesquels il a comparu seul pour des faits qui relèvent aussi bien du code pénal que du code militaire.
Dans la première affaire, l’officier était jugé pour deux délits : «enrichissement illicite» et «abus de fonction», liés aux biens qu’il a acquis durant une bonne partie de sa carrière de militaire à travers les wilayas où il a eu à exercer, et que le tribunal a estimé être «un patrimoine illicite».
Selon des sources sûres, le général a tout nié, mais le parquet a requis à son encontre une peine de 20 ans de prison, avant que le tribunal ne le condamne à 15 ans de prison et la confiscation de tous ses biens, à l’exception de deux, dont le domicile familial.
Beaucoup plus lourde, la seconde affaire, pour laquelle le général Belmiloud a comparu devant la même juridiction, concerne de nombreux chefs d’accusation qui vont «du non-respect aux consignes militaires» jusqu’à «la divulgation d’informations classées ‘‘secret défense’’», en passant par «le détournement», «l’atteinte au moral des troupes», «relation avec des personnes étrangères et leur introduction au service», «relation avec des éléments de mouvements séparatistes»...
En bref, des faits qui tombent aussi bien sous le coup du code pénal que du code militaire.
Lors de ce procès, qui a pris une bonne partie de la journée, une dizaine de témoins ont été appelés à la barre, majoritairement des officiers supérieurs, certains encore en poste et d’autres poursuivis dans d’autres affaires ou admis à la retraite.
Selon nos sources, les faits concernent, particulièrement, les enquêtes et les écoutes effectuées par le mis en cause lorsqu’il était, durant des années (2013-2018), à la tête du Centre principal militaire d’investigation (CPMI), dépendant de la DCSA, alors dirigée par le général Lakhdar Tireche, et qui ont ciblé de nombreux hauts cadres de l’institution.
Écoutes téléphoniques…
Lors du débat, apprend-on auprès des mêmes sources, le général s’est défendu en affirmant «avoir agi sur instruction de son chef», le général Lakhdar Tireche.
Ce dernier a été nommé à la tête de la DCSA en 2013, après le limogeage de son prédécesseur, le général Djebbar M’henna, et y restera jusqu’au mois d’août 2018, date à laquelle il a été débarqué, pour être remplacé par son subordonné, le général Athmane Belmiloud, mais pour une période d’à peine 3 mois, à l’issue de laquelle ce dernier a été démis de ses fonctions.
Nos interlocuteurs précisent que, lors de son audition, le général Lakhdar Tireche «a enfoncé» l’accusé au même titre que d’autres témoins, notamment des officiers supérieurs qui auraient été victimes d’abus, voire de poursuites judiciaires et d’incarcération sur la base de dossiers vides.
En fin de journée, le procureur, nous dit-on, s’est lancé dans «un sévère réquisitoire», avant de réclamer une peine de 20 ans de réclusion contre l’accusé. Le verdict est tombé tard dans la journée de lundi, avec une lourde condamnation de 20 ans de réclusion contre l’officier.
Il est important de rappeler que ce dernier avait fait couler beaucoup d’encre et de salive durant son règne à la tête du CPMI, mais aussi après avoir été promu pour diriger la Direction centrale de la sécurité de l’armée, dont il sera débarqué trois mois plus tard de manière brutale.
Durant sa détention, il a eu des malaises cardiaques, qui ont nécessité deux opérations chirurgicales, à l’hôpital militaire de Aïn Naâdja. Très affaibli, il avait même refusé de prendre ses médicaments, en signe de protestation contre les lenteurs de l’instruction et afin d’accélérer la programmation de ses deux procès.
Il fait partie de la trentaine d’officiers supérieurs à être incarcérés ou poursuivis durant ces deux dernières années.
Il faut dire que depuis l’arrestation, durant l’été 2018, des 5 généraux-majors, Saïd Bey, chef de la 2e Région militaire, Lahbib Chentouf, chef de la 1re Région militaire, Abderrazak Cherif, chef de la 4e Région militaire, Boudjemaa Boudouaouer, directeur central des finances au ministère de la Défense, et Menad Nouba, commandant de la Gendarmerie nationale, leur libération trois mois plus tard et leur incarcération après des condamnations à des peines de prison en 2019, de nombreux officiers supérieurs et des officiers se sont retrouvés, dès le début de la contestation populaire de février 2019, sous le coup de poursuites judiciaires par le tribunal militaire, suivis par d’autres durant les années 2020 et 2021.
Certains ont été condamnés et d’autres sont en attente de leur procès.