Une patiente recouvre la parole après une greffe du larynx

22/11/2023 mis à jour: 18:58
AFP
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Une femme vient de bénéficier de la première greffe de larynx en France, une intervention présentée lundi à Lyon par l'équipe médicale qui espère pouvoir répéter cette "prouesse" prochainement AFP/Archives JEFF PACHOUD

«Cela me fait bizarre de parler à nouveau.» Une femme vient de bénéficier de la première greffe de larynx en France, une intervention présentée lundi à Lyon par l’équipe médicale qui espère pouvoir répéter prochainement cette prouesse rare au niveau mondial. Identifiée sous son seul prénom, Karine, la patiente, âgée de 49 ans respirait par trachéotomie depuis une vingtaine d’années, sans pouvoir parler, à cause des complications liées à une intubation après un arrêt cardiaque en 1996.

 Quelques jours après la greffe, réalisée les 2 et 3 septembre à Lyon, elle a pu prononcer quelques mots. Elle suit depuis des séances de rééducation des cordes vocales, de la déglutition et de la respiration avec une orthophoniste, dans l’espoir de recouvrer durablement l’usage de la parole. Son traitement immunosuppresseur a été renforcé à la suite d’un début de rejet mais elle a pu rentrer chez elle dans le sud de la France le 26 octobre. 

Elle n’a pas participé à la présentation de l›intervention, mais a expliqué par écrit s›être portée volontaire, il y a dix ans, pour retrouver une vie normale.

«Mes filles ne m’avaient jamais entendue parler», écrit-elle en assurant être armée de courage et de patience pour faire face aux douleurs et au travail de réapprentissage.

Le professeur Philippe Céruse, chef du service ORL et chirurgie cervico-faciale de l’hôpital de la Croix-Rousse, a lui aussi fait preuve de détermination avant de coordonner cette greffe inédite en France. L’idée de cette intervention a germé lors de la première greffe mondiale de larynx, réalisée en 1998 à Cleveland, aux Etats-Unis, sur un homme qui avait perdu ses cordes vocales dans un accident de moto. Le chirurgien se renseigne mais en reste là, jusqu’en 2010, quand, un peu par hasard, il rencontre lors d’une conférence un confrère colombien qui a reproduit cette greffe très délicate sans jamais rien publier. 

Le Dr Luis Fernando Tintinago Londono l’invite une semaine à Cali pour lui montrer comment prélever un larynx, «l’un des aspects les plus complexes car cet organe est innervé par de tout petits nerfs et vascularisé par de toutes petites artères et veines qui s’entrecroisent», comme l’explique le professeur Céruse. Pendant la décennie suivante, il s’entraîne avec une équipe d’experts, obtient les autorisations, commence à chercher des patients éligibles. En 2019, Karine est identifiée. 

Mais le Covid interrompt tout. Entre-temps, deux greffes du larynx sont recensés par la littérature médicale, une en Californie en 2010 et une en Pologne en 2015. C’est peu car ces opérations ne sont pas prioritaires: un larynx dysfonctionnel est très handicapant mais ne met pas en danger la vie des patients.

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