L’Algérie commémore, aujourd’hui, la Journée nationale de l’émigration, marquant le 63e anniversaire du massacre du 17 Octobre 1961 à Paris, une page sombre de l’histoire de la France coloniale que l’Algérie refuse de déchirer ou de laisser sombrer dans l’oubli. Les historiens considèrent cet événement comme le crime d’Etat le plus violent en Europe occidentale dans l’histoire contemporaine.
En dépit de la réunion de tous les éléments qualifiant les crimes contre l’humanité commis par la France officielle, l’Etat français, qui en porte la responsabilité juridique depuis plus de six décennies, persiste dans son refus de reconnaître le «massacre de la Seine». Selon l’historien français Gilles Manceron, dans son livre La triple occultation d’un massacre, elle occulte ces crimes par un «silence organisé».
Les responsables successifs de l’Etat français n’ont pas réussi à traiter ce dossier ni aborder celui de la mémoire en général, de manière responsable et transparente et avec une lecture objective et sincère, comme le demande l’Algérie et tel que stipulé dans «la Déclaration d’Alger» signée en 2022 par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, et son homologue français, Emmanuel Macron. Au lieu de cela, la France a opté pour des déclarations provocatrices et une politique d’esquive, selon l’académicien français Olivier Le Cour Grandmaison.
Lors de sa dernière rencontre avec les médias, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, cité par l’APS, avait indiqué que la Commission mixte chargée des dossiers mémoriels «a joué son rôle au départ, mais son travail a été impacté par les déclarations politiques d’une minorité française hostile à l’Algérie».
Le président Abdelmadjid Tebboune a réitéré «la position indéfectible de l’Algérie réclamant la vérité historique et la reconnaissance des massacres commis par l’occupation française», affirmant que l’Algérie «n’acceptera pas les mensonges». Il a précisé, toutefois, que «la citation du défunt président Houari Boumediène : ''Tourner la page sans la déchirer'' reste de mise».
En mars dernier, la Chambre basse du Parlement français a adopté une proposition de résolution condamnant la répression sanglante et criminelle commise contre les Algériens sous les ordres du préfet de police Maurice Papon le 17 Octobre 1961 à Paris, et proposant l’inscription d’une journée de commémoration de ces massacres. Cependant, cette résolution a été amendée pour empêcher la France d’en porter la responsabilité juridique.
Grands sacrifices du peuple
Par la suite, la Chambre haute du Parlement a enregistré une proposition de droite évoquant de prétendus «massacres» contre les Français et les Européens à Alger et à Oran en 1962. Cela en dit long sur ceux qui éprouvent de la haine contre le peuple algérien et continuent de répandre leur venin à chaque évocation de l’histoire de l’Algérie, à travers des pratiques que le président du Conseil de la nation, Salah Goudjil, a qualifiées de «décadence politique» dans une précédente contribution médiatique.
La date du 17 Octobre 1961 demeurera «un témoignage de l’infamie coloniale et de l’un des chapitres des immenses sacrifices consentis par notre vaillant peuple pour la liberté et l’émancipation», comme l’a rappelé le président de la République lors d’une précédente occasion, où il a affirmé que la commémoration de la Journée nationale de l’émigration «nous offre l’opportunité de dire toute notre fierté des gloires et des épopées de notre histoire nationale, mais aussi de renouveler notre fidélité au serment fait aux chouhada».
En ce jour, le sanguinaire Maurice Papon, alors préfet de police de Paris, avec l’accord des autorités politiques, imposa un couvre-feu aux seuls Algériens, forçant le Front de libération nationale (FLN) à organiser plusieurs manifestations pacifiques à travers Paris pour protester contre cette mesure raciste. Ce jour-là, 30 000 Algériens manifestèrent, selon un rapport officiel de 1998 du conseiller d’Etat français, Dieudonné Mandeklern, qui fait état de 14 000 arrestations et de dizaines de morts.
Selon certains enquêteurs et historiens, sur la base de rapports confidentiels, 200 manifestants ont été violentés avant d’être abattus et jetés dans la Seine par les forces de l’ordre. Le nombre de disparus reste considérable et, à ce jour, le sort de nombreux Algériens demeure inconnu, selon l’historien Jean-Luc Einaudi. Et d’ajouter que «les corps des victimes ont été jetés dans la Seine, une image hideuse de la plus violente répression contre une manifestation de rue en Europe occidentale dans l’histoire contemporaine», selon les deux historiens britanniques Jim House et Neil Mac Master, dans leur ouvrage Les Algériens, la terreur d’Etat et la mémoire, publié en 2008. R. P.