Un rapport de l’«ONU Climat» est formel : L’accord de Paris menacé par le manque d’ambition

10/09/2023 mis à jour: 06:39
AFP
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Ce rapport constitue le premier bilan de tous les efforts accomplis ou non depuis 2015 par l’humanité pour respecter l’accord de Paris - Photo : D. R.

A l’exception d’une baisse en 2020, lorsque l’économie mondiale a ralenti en raison de la pandémie de Covid, les émissions de CO2 ont oscillé autour de 40 milliards de tonnes par an depuis 2019. Ce qui est beaucoup trop.

Le monde doit sortir des énergies fossiles polluantes, atteindre le pic de ses émissions de CO2 d’ici 2025 et faire « beaucoup plus, maintenant, sur tous les fronts » pour affronter la crise climatique, selon un rapport de l’ONU Climat qui sera au cœur de la COP28 de Dubaï dans trois mois. Ce nouveau rappel à l’ordre intervient au moment où les dirigeants des grandes nations du G20 se réunissent à New Delhi, avec peu d’espoir d’avancées ambitieuses sur la question climatique.

Les émissions de gaz à effet de serre des Etats-Unis et de l’Europe baissent depuis des années, tandis que celles de la Chine (1er émetteur) et de l’Inde continuent d’augmenter. Très attendu, ce rapport de 90 pages et 17 «enseignements clés» constitue le premier bilan de tous les efforts accomplis ou non depuis 2015 par l’humanité pour respecter l’accord de Paris et son objectif le plus ambitieux de limiter le réchauffement à 1,5°C.

Il constitue l’étape technique du premier «bilan mondial» (Global stocktake) de l’accord de Paris, que les pays signataires doivent conclure à la 28e conférence climatique de l’ONU, du 30 novembre au 12 décembre aux Emirats arabes unis, en s’accordant sur une décision politique à la hauteur des enjeux.

A fortiori après l’été le plus chaud jamais mesuré dans le monde, frappé de multiples canicules, inondations, incendies et autres événements météorologiques extrêmes favorisés par le changement climatique. Le réchauffement mondial a déjà atteint environ 1,2°C par rapport à l’ère pré-industrielle.

Puisant dans les alarmants rapports scientifiques du Giec, ce bilan sera donc la base indiscutable des âpres négociations de la prochaine COP, annoncée comme la plus grande jamais réunie (90.000 personnes attendues), avec l’avenir des énergies fossiles au coeur des débats: charbon, pétrole et gaz. «Le monde n’est pas sur la trajectoire pour atteindre les objectifs de long terme de l’accord de Paris», conclut sans surprise le rapport.

«Les principes fondamentaux de l’accord de Paris ne sont pas encore respectés par les 197 parties» mais «la charge de la réponse incombe à 20 pays» en premier lieu, a déclaré jeudi à l’AFP le chef de l’ONU Climat, Simon Stiell, en direction des dirigeants du G20 qui représentent 80% des émissions mondiales. «Bien que l’action se poursuive, il reste encore beaucoup à faire maintenant sur tous les fronts», résume le rapport.

En particulier, « développer les énergies renouvelables et sortir de tous les combustibles fossiles sans captage du CO2 (‘’unabated’’) sont des éléments indispensables d’une transition énergétique juste vers la neutralité carbone », affirme la synthèse, achevant de mettre la question des fossiles, non explicite dans l’accord de Paris, au coeur des négociations.

A l’exception d’une baisse en 2020, lorsque l’économie mondiale a ralenti en raison de la pandémie de Covid, les émissions de CO2 ont oscillé autour de 40 milliards de tonnes par an depuis 2019.

Le rapport rappelle que l’humanité doit atteindre le pic de ces émissions d’ici 2025. Ce pic a déjà été atteint dans les pays développés et dans quelques autres, mais elles continuent d’augmenter ailleurs. L’humanité doit «réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 43 % d’ici à 2030 et de 60 % d’ici à 2035 par rapport aux niveaux de 2019», et atteindre la neutralité carbone en 2050, rappelle encore le rapport.

Fenêtre qui se referme

Mais le temps presse. «Il existe une fenêtre, qui se referme rapidement, pour rehausser les ambitions et mettre en oeuvre les engagements existants afin de limiter le réchauffement à 1,5°C», prévient le bilan, rédigé par un expert sud-africain et son homologue américain, après des années de consultations avec les experts des pays membres de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CNUCC) et les observateurs des ONG environnementales.

En réponse, le rapport décrit une nouvelle fois les pistes pour multiplier les efforts en faveur de la finance, en premier lieu vers les pays en développement, aussi bien pour la transition énergétique que pour s’adapter aux conséquences du réchauffement. «Des milliers de milliards de dollars» sont nécessaires, alors que quelque 1.342 milliards de dollars par an (investissement et subventions) ont financé les énergies fossiles en 2019-2020.

Dans le même temps, l’action climatique avait atteint 803 milliards de dollars annuels, soit un tiers des besoins pour respecter l’accord de Paris, selon la synthèse.

Le président de la COP28 et de la compagnie pétrolière nationale émiratie, Sultan Al Jaber, a réagi en appelant à «tripler les énergies renouvelables d’ici à 2030, commercialiser d’autres solutions sans carbone, comme l’hydrogène, et développer un système énergétique exempt de tout combustible fossile sans captage de CO2 (‘’unabated’’)». «Ce rapport nous porte un nouveau coup terrible» et dit aussi «que tout n’est pas perdu», a commenté l’ambassadeur Fatumanava Pa’olelei Luteru, qui préside l’Alliance des petits Etats insulaires (Aosis): «mais nous devons être réalistes» et «cesser de faire passer les profits avant les gens».

«L’heure de vérité sonnera au début de l’année 2025, lorsque les pays devront mettre sur la table de nouveaux objectifs climatiques», conformément à l’accord de Paris, a rappelé Kaveh Guilanpour, du centre de recherches sur le climat C2ES. 

 


 

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