«Un camarade vient de nous quitter»

31/08/2024 mis à jour: 07:39
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Par Daho Djerbal (*)
Professeur d’histoire à la retraite

C’est avec une très grande tristesse que la rédaction de la revue NAQD a appris le décès, suite à une sévère et fulgurante maladie, de notre collègue et ami Mustapha El Bahi, professeur de Mathématiques à l’Université d’Alger-Bab Ezzouar.

Mustapha El Bahi est le digne héritier de la grande épopée des premières années de l’indépendance et de la lutte menée par les premières générations de diplômé.e.s algérien.ne.s qui ont jeté les bases d’une université algérienne performante, formatrice dans toutes les disciplines, des cadres qui ont bâti et dirigé les premières instituions économiques, administratives et sociales de l’Algérie indépendante.

Digne successeur des pionniers, Touri, Allab, El Kolli, Bekhoucha et  Mostefaï, Djebbar, Benzerga, Khelladi, Khelif, Bendib, et tant d’autres, Mustapha El Bahi a été aussi un des premiers enseignants dans les mathématiques appliquées aux Probabilités et Statistiques.

Membre fondateur de la première section syndicale UGTA de la Fac centrale puis de celle de l’USTHB, et enfin de celle du CNES historique, nous l’avons connu de toutes les batailles pour les droits des travailleurs, employés administratifs et techniques, ainsi que des enseignants et chercheurs.

Durant les années 1970, avant l’ouverture du mastodonte de Bab Ezzouar, avec sa détermination et sa force de conviction devenues proverbiales, il a réussi à mobiliser une grande partie des travailleurs et enseignants de la Fac centrale, et en particulier du département de Mathématiques, et à remplir les amphis C et Matiben lors des AG de la section syndicale.

Le 17 octobre 1988, il a été parmi les organisateurs et animateurs du grand rassemblement des enseignants des universités d’Alger et région. Ce jour-là, près de 500 enseignants d’Alger et région (Blida, Boumerdès...) se sont rassemblés pour dénoncer la répression et la torture.

Pendant ce rassemblement, les premiers témoignages des enseignants torturés et des citoyens de Staoueli sont entendus. Les débats ont porté sur la démocratisation de la vie civile en général et de l’Université en particulier.

Après avoir analysé les causes et les implications de l’intifadha d’Octobre, les Universitaires rassemblés le 17 Octobre ont constaté la faillite du système en place qui se traduisait dans les faits par la crise des institutions politiques, la dégradation de la vie économique, sociale et culturelle du pays, l’absence de projet de société et l’étouffement de toute forme d’expression libre et démocratique.

Plus tard, dans les années 1990, très proche compagnon de Redouane Osmane, fondateur du SNEA-AD (Syndicat national des étudiants algériens autonome et démocratique) en 1987 et porte-parole de la Coordination des lycées d’Alger, puis dirigeant du Conseil des lycées d’Algérie, il a toujours milité pour la création d’un front uni des travailleurs, toutes catégories confondues.

C’est le 1er mai 2019 que l’on s’était retrouvés avec d’autres camarades du syndicat CNES historique de l’USTHB dans les marches de la Grande Poste  qui ont marqué le Hirak. Avec le décès prématuré de notre camarade Mustapha El Bahi vient de nous quitter un compagnon de lutte. Avec lui, un pan de l’histoire de l’université algérienne engagée dans la lutte pour l’édification d’une société juste et démocratique vient de se fermer.
Repose en paix camarade El Bahi.
Toutes nos condoléances à sa famille et à ses proches. D. Dj.

(*) Membre fondateur du premier syndicat enseignants-travailleurs de l’université d’Alger (1972)
Directeur de la revue NAQD

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