Une réunion «d’urgence» a été provoqué, mardi dernier, par Rochdi Aouf, P/APC de Blida, pour que les travaux de réhabilitation de la mythique salle de théâtre de la ville soient accélérés. Portant le nom de Mohamed Touri au lendemain de l’indépendance du pays, le choix de cette appellation n’est pas fortuite puisque cet artiste - Martyr est un enfant de Blida. «Notre défi est que la salle Mohamed Touri soit opérationnelle de nouveau le 1er novembre 2023. Le taux d’avancement des travaux tourne autour de 65% actuellement», a-t-il lancé lors de la réunion en présence, notamment des élus de l’assemblée, des responsables de l’exécutif et des représentants du bureau d’études et de l’entreprise chargée des travaux. Pour Samir Aimeur, vice-président à l’APC de Blida chargé notamment de la culture, «la salle Mohamed Touri , anciennement Le Capitole est un précieux patrimoine de Blida qui mérite une attention toute particulière. Parmi mes priorités, figure ce lieu emblématique qui a vu défilé sur ses planchers plusieurs grosses pointures de la culture algérienne, voire universelle».
Un pan de l’histoire
Fragilisée par les aléas du temps, puisque datant de plus d’un siècle, et par manque d’entretien périodique, la salle de théâtre Mohamed Touri a failli céder il y a plusieurs années déjà. Les infiltrations des eaux de pluie l’ont rendu dangereuse pour le public, ce qui a nécessité sa fermeture le temps de travaux de réhabilitation. Mais ces derniers et l’étude technique ont non seulement duré dans le temps (4 ans) mais ont fait l’objet d’arrêt intempestives pour diverses raisons. «Nous sommes prêts à assumer le passif des assemblées précédentes, c’est notre devoir même. Le temps n’est pas à la polémique, mais au travail. Seulement, la conjugaison des efforts de tous est nécessaire...», insiste le P/APC de Blida. Après la réunion de travail consacrée au théâtre Mohamed Touri, les présents ainsi que des journalistes ont été conviés à visiter (en groupe) cette salle où l’échafaudage est omniprésent. Le souhait de plus d’un était surtout lié à la nécessité de préserver l’âme des lieux... Par ailleurs, plusieurs artistes de Blida ne cessent de réclamer l’ouverture d’un lieu qui a créé en eux une fibre artistique dès leur jeune âge et qui constituait, dans le passé, un véritable fleuron du théâtre en Algérie. «Il me semble que seule la ville de Blida ne dispose pas de salle de spectacles opérationnelle en Algérie !», se désole un artiste.
Un autre citoyen de la ville se rappelle des débuts des travaux, lorsque ces derniers ont été entamés mais abandonnés quelques temps après... «Vu que la toiture a été enlevée, la pluie a accentué la fragilisation de la baptise... Et pour sauver ce qui restait, la société civile a décidé, avec l’autorisation des responsables concernés, de bâcher le haut sans toit de cette salle, pour empêcher les eaux pluviales d’y pénétrer», témoigne-t-il. D’ailleurs, lors de la réunion provoquée par le P/APC , toutes les parties concernées abordaient un seul et épineux problème : le manque flagrant de coordination et chacun rejetait la balle à l’autre... «Ce temps est révolu. Conjuguons tous nos efforts pour la réussite de notre challenge et lutter contre un cancer qui s’est métastasé. Sinon, le nerf de la guerre est largement disponible. Un budget global de 20 milliards de centimes est consacré à ce projet de réhabilitation d’un lieu ô combien symbolique et qui nous tiens tous à cœur», martèle le premier magistrat de la ville de Blida. Pour l’histoire, la salle Mohamed Touri a connu une opération d’aménagement dans les années 1980 et a touché principalement l’élargissement de sa scène.
Après les événements d’octobre 1988 et l’ouverture du champ politique, la salle en question a abrité les meetings populaires et autres activités n’ayant aucune relation avec sa vocation initiale. Une «pression» qui n’était pas sans conséquences sur un lieu censé être dédié uniquement à l’art et à la culture. Présent à la réunion, un représentant du bureau d’études rassure de son côté que la réhabilitation en cours respectera le cachet de l’un des sites culturels les plus aimés par les Blidéens et garantira au public une sonorisation de qualité à travers sa dotation en équipement audio moderne et de qualité. «Pas pour nous vanter mais une chose est sûre, nous avons déjà réussi notre défi au théâtre national algérien ( TNA)», a-t-il rassuré.
Un baromètre de réussite
En 1926, son nouveau directeur était venu de l’Opéra de la ville française de Toulouse. Et cette infrastructure est devenue alors une salle de projection et de cinéma, et surtout un baromètre de réussite pour les artistes.
Un adage «artistique» résume la salle Mohamed Touri en une phrase : «Celui qui est applaudi par le public blidéen aura une carrière en or.» En effet, les artistes et les troupes théâtrales applaudis à Blida assureront le chemin vers la célébrité répétait souvent le grand Bechtarzi. «Ammi» Youcef, un octogénaire passionné par l’histoire de Blida, se souvient d’un temps où pour avoir de la notoriété, les artistes rêvaient de se produire à la salle Mohamed Touri. Il cite aussi de grands artistes qui y ont marqué leur passage, à l’instar du ténor César Vezzani, Marcel Khalifa, El Hadj M’hamed El Anka, Fadhila Dziria, Dahmane El Harrachi, El Hachemi Guerouabi, Mohamed Khaznadji, Ahmed Wahbi, Blaoui El Houari, le Syrien Djeddou Haki, le pianiste Manuel Samson, Dahmane Benachour, El Hadj El Mahfoud, Abdelkader Guessoum, la doyenne des femmes artistes la comédienne Keltoum, Azzeddine Medjoubi, Abdelkader Alloula, Hassan El Hassani, Mustapha Kateb, Mahieddine Bachtarzi, Sid Ali Fernandel, Fatiha Berber, Mohamed Touri dont la salle en question porte son nom... Aussi, et dans le cadre des échanges interculturelles entre l’Algérie et d’autres pays étrangers, le théâtre Mohamed Touri a vu le passage sur ses planches de plusieurs troupes théâtrales venues de la Tunisie, de la Libye, de l’Irak, de la Turquie, de la Chine, de la Bulgarie, du Canada, de la Russie, et de l’Inde (entre autres). Enfin, la gloire qu’a connue la salle Mohamed Touri et sa remarquable contribution dans le rayonnement de la culture algérienne mérite aussi une attention particulière de la part du ministère de la Culture. D’ailleurs, les citoyens de Blida espèrent que ce lieu soit classé au patrimoine national de par «sa richesse culturelle et artistique», d’autant qu’il porte le nom d’un martyr arrêté par les autorités françaises en 1956 pour ses œuvres anticoloniales et torturé jusqu’à sa mort en 1959.