Une déclaration de Dmytro Kouleba à propos des différends historiques entre Kiev et Varsovie a provoqué en août une vague de commentaires négatifs à travers la Pologne, nouvel épisode de tensions avec cet allié clé de l’Ukraine face à la Russie.
Le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kouleba, une des grandes voix de son pays depuis le début de l’intervention russe, a présenté hier au Parlement sa démission, selon le président de l’assemblée, selon l’AFP. «Je (vous) demande d’accepter ma démission», a écrit, dans une lettre datée de mercredi, le populaire ministre de 43 ans, qui occupait ce poste depuis 2020. Le courrier a été publié sur les réseaux sociaux par le président du Parlement, Rouslan Stefantchouk.
Son départ intervient en plein remaniement du gouvernement ukrainien. Au moins six responsables politiques ukrainiens, dont des ministres, ont présenté leur démission mardi, selon le parti au pouvoir. Les députés qui doivent entériner la démission de D. Kouleba vont examiner sa demande ces prochains jours, a précisé Rouslan Stefantchouk.
Les parlementaires devraient l’accepter, sauf surprise, alors que les rumeurs sur un tel départ circulaient ces dernières semaines. Aucune raison n’a été donnée pour la démission du ministre, mais une source haut placée au sein de la présidence ukrainienne a récemment critiqué le fonctionnement de son ministère.
Par ailleurs, une déclaration de Dmytro Kouleba à propos des différends historiques entre Kiev et Varsovie a provoqué en août une vague de commentaires négatifs à travers la Pologne, nouvel épisode de tensions avec cet allié clé de l’Ukraine face à la Russie.
Selon des médias ukrainiens, D. Kouleba devrait être remplacé par son premier adjoint Andriï Sybiga, un ex-chef adjoint de l’administration présidentielle. La nomination de A. Sybiga comme numéro deux de la diplomatie ukrainienne en avril a été perçue comme un effort de la Présidence visant à mieux contrôler ce ministère clé.
Des sources au sein du pouvoir ukrainien ont assuré déjà que l’influence de Dmytro Kouleba, devenu le plus jeune chef de la diplomatie avec sa nomination à ce poste à seulement 38 ans, était limitée et qu’il était sous la tutelle du puissant chef de l’administration présidentielle Andriï Iermak. Moins connu et moins médiatique que le ministre sortant, A. Sybiga, 49 ans, est considéré comme un poids lourd de la diplomatie ukrainienne. Il a notamment occupé le poste d’ambassadeur en Turquie de 2016 à 2021.
Dmytro Kouleba était depuis deux ans et demi et le début de l’intervention russe un visage familier en Occident et ailleurs dans le monde, voyageant sans relâche pour convaincre les chancelleries de livrer les moyens militaires dont Kiev a besoin pour résister à l’armée russe.
Remaniement
Un peu plus tard dans la journée, le président Volodymyr Zelinsky a déclaré que son pays a «besoin d’une nouvelle énergie» après deux ans et demi de guerre avec la Russie, pour expliquer un grand remaniement ministériel en cours. «Certains d’entre eux ont été ministres depuis cinq ans, et nous avons besoin d’une nouvelle énergie», a-t-il indiqué, remerciant les responsables sortants lors d’une conférence de presse conjointe avec le Premier ministre irlandais Simon Harris à Kiev.
Ce remaniement ministériel est le plus large en Ukraine depuis le début de l’offensive russe en février 2022. Mardi, le directeur de l’opérateur du réseau électrique ukrainien, Ukrenergo, a été démis de ses fonctions, ont annoncé des membres du conseil de surveillance en dénonçant une décision motivée par «des raisons politiques».
Cette décision intervient alors que le réseau électrique ukrainien a été gravement endommagé par les bombardements russes, qui provoquent régulièrement des coupures de courant et font craindre un hiver difficile pour les Ukrainiens
Selon un communiqué de deux membres du conseil de surveillance d’Ukrenergo, son secrétaire général Daniel Dobbeni et Peder Andreasen, la décision de limoger le directeur de la compagnie, Volodymyr Koudrytsky, a été prise «par consentement mutuel» lors d’une réunion sur la protection des installations énergétiques des frappes russes. En réponse, MM. Dobbeni et Andreasen ont présenté leurs démissions, dénonçant un licenciement «prématuré», «sans motif raisonnable» et «motivé par des raisons politiques».
D’après des médias ukrainiens, V. Koudrytsky a été limogé officiellement au motif qu’il a échoué à protéger les infrastructures essentielles du pays contre les frappes russes. Ce dernier a démenti ces informations, assurant avoir construit des dizaines d’abris dans les stations ukrainiennes.
Il a dénoncé une «campagne visant à discréditer Ukrenergo». Il a dit espérer que son successeur sera sélectionné dans la «transparence». Ukrenergo n’a pas communiqué dans l’immédiat sur ce changement. Volodymyr Koudrytsky dirigeait l’entreprise depuis 2020.
Son limogeage fait suite à celui, en juin, d’un autre responsable en charge du réseau électrique, le ministre des Infrastructures Oleksandre Koubrakov. Ukrenergo a bénéficié depuis le début de l’intervention russe de plus de 1,5 milliard d’euros d’aide internationale pour restaurer son réseau endommagé, assurer son fonctionnement et le protéger.
Daniel Dobbeni et Peder Andreasen ont cependant affirmé dans leur communiqué avoir «ressenti des pressions politiques dès les premiers jours de (leur) travail», notamment pour «nommer au conseil d’administration des personnes dont les qualités professionnelles étaient discutables».
Avant l’annonce du limogeage du directeur d’Ukrenergo, les alliés occidentaux de l’Ukraine ont fait part de leur inquiétude quant à une telle décision. «Un tel événement pourrait compromettre notre capacité collective à soutenir Ukrenergo et d’autres mesures prioritaires pour la sécurité énergétique vitale de l’Ukraine», a réagi l’Union européenne (UE) dimanche dans une lettre adressée au Premier ministre ukrainien Denys Chmygal.
«La confiance établie par M. Koudrytsky dans les relations avec les Européens était peut-être le plus grand atout d’Ukrenergo», a de son côté regretté sur Facebook Sviatoslav Pavliouk, à la tête de l’Association des villes ukrainiennes économes en énergie.