Le président tunisien, Kaïs Saïed, a défendu hier son projet de Constitution controversé face aux accusations de dérive autoritaire, après avoir été désavoué par le juriste à qui il en a confié la rédaction.
Dans un message publié par la présidence de la République, relayé par l’AFP, il a affirmé que le projet de Constitution publié reflète «ce que le peuple tunisien a exprimé depuis la révolution (de 2011) jusqu’au 25 juillet 2021, lorsque elle a été remise sur le droit chemin». A cette date, K. Saied, après des mois de blocages politiques, a suspendu le Parlement et limogé le gouvernement pour s’arroger les pleins pouvoirs.
«La Constitution qui vous est proposée reflète l’esprit de la révolution et ne porte aucunement atteinte aux droits et aux libertés», a-t-il ajouté. Il a rejeté les accusations selon lesquelles la Constitution proposée ouvre la voie à «un retour de la tyrannie», affirmant que «rien ne peut être plus loin de la réalité». Il a appelé les Tunisiens à approuver le texte lors du référendum du 25 juillet, qui coïncidera avec le 1er anniversaire de son coup de force.
Chef de la «Commission nationale consultative pour une nouvelle République» chargée par le président Saied de rédiger une nouvelle Constitution, le juriste Sadok Belaïd a publiquement désavoué le texte publié par la Présidence. Dans une lettre, dimanche sur le journal Assabah, il a indiqué que le projet publié au Journal officiel «n’appartient en rien à celui que nous avons élaboré et présenté au Président».
Et d’ajouter : «En ma qualité de président de la Commission nationale consultative (...), je déclare avec regret, et en toute conscience de la responsabilité vis-à-vis du peuple tunisien à qui appartient la dernière décision, que la Commission est totalement innocente du texte.»
Selon lui, le projet publié par le Président «renferme des risques et des défaillances considérables». Il cite notamment un article sur le «péril imminent» qui garantit au chef de l’Etat «des pouvoirs très larges, dans des conditions qu’il détermine seul, ce qui pourrait ouvrir la voie à un régime dictatorial».
C’est justement en invoquant un article similaire qui figure dans la Constitution de 2014, que K. Saied s’est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet 2021 après des mois de blocages poli-tiques. Le juriste a aussi relevé «la non-responsabilité politique du président de la République» dans le texte publié, ce qui lui permet de gouverner sans garde-fou.
Le texte présenté par le président Saied confirme la présidentialisation attendue du régime en stipulant que le «président de la République exerce le pouvoir exécutif, aidé par un gouvernement dirigé par un chef de gouvernement» qu’il désigne. Ce gouvernement ne sera pas présenté au Parlement pour obtenir la confiance.
En outre, le président jouira de vastes prérogatives : il est le chef suprême des forces armées, définit la politique générale de l’Etat et entérine les lois. Il peut aussi soumettre des textes législatifs au Parlement, qui doit les examiner «en priorité». Le texte réduit considérablement le rôle et le pouvoir du Parlement et prévoit la mise en place d’une seconde chambre, «l’Assemblée nationale des régions».
Il ne comporte par ailleurs aucune mention de l’islam comme «religion d’Etat» contrairement aux précédentes Lois fondamentales.