Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme a fait part hier de sa «profonde inquiétude» face aux atteintes aux libertés en Tunisie, et en particulier la liberté de la presse, selon l’AFP citant un communiqué.
Volker Türk a aussi indiqué aux autorités qu’il souhaite se rendre en Tunisie pour les rencontrer mais, selon une porte-parole du Haut-Commissariat, aucune date n’a encore pu être fixée. «Il est troublant de voir la Tunisie, un pays qui autrefois portait tant d’espoir, régresser et céder le terrain gagné en matière de droits humains durant la dernière décennie», a regretté V. Türk.
La répression s’étend et cible maintenant les journalistes indépendants, «qui sont de plus en plus harcelés et empêchés de faire leur travail», a-t-il déclaré. «J’exhorte la Tunisie à changer de cap.»
Au cours des trois derniers mois, les autorités tunisiennes ont à cinq reprises utilisé une législation aux termes vagues pour interroger, arrêter et condamner six journalistes, souligne le Haut-Commissariat. Depuis juillet 2021, le Bureau des droits de l’homme des Nations unies en Tunisie a documenté 21 cas de violations présumées des droits de l’homme contre des journalistes, y compris des poursuites devant des tribunaux civils et militaires.
Par ailleurs, l’opposante tunisienne Chaïma Issa, dont un juge a ordonné la libération hier, restera finalement en prison, le parquet ayant rejeté la décision de la libérer, ont indiqué ses avocats. Un juge au pôle judiciaire antiterroriste a ordonné la libération de Me Issa, détenue depuis février pour des soupçons de «complot contre la sûreté de l’Etat», mais l’appel interjeté par le parquet a suspendu l’exécution de cette décision, ont précisé les avocats. Arrêtée le 22 février, Chaïma Issa, 43 ans, est l’une des figures du Front de salut national (FSN), principale coalition d’opposition contre le président Kaïs Saïed. Elle a été arrêtée avec une vingtaine d’autres opposants et des personnalités des milieux des affaires et des médias dans le cadre d’une enquête pour «complot contre la sûreté de l’Etat».
Le président Saïed a qualifié les personnes arrêtées de «terroristes». Certains ont été interrogés sur leurs rencontres et échanges téléphoniques avec des diplomates étrangers, d’autres sur des interviews accordées à des médias, selon leurs avocats. Des ONG locales et internationales ont dénoncé ces arrestations comme «une chasse aux sorcières », déplorant une volonté politique de «réprimer les voix libres».
Le 16 juin, Ahmed Néjib Chebbi, président et cofondateur du FSN a accusé le président Saïed de chercher à «criminaliser» toute forme d’opposition, avant d’être interrogé lui-même au pôle antiterroriste dans le cadre de l’enquête pour «complot contre la sûreté de l’Etat».
Depuis le 25 juillet 2021, le président Saïed, élu démocratiquement et à une large majorité en 2019, s’est emparé de tous les pouvoirs.