Tunisie : Des centaines de manifestants réclament «le départ» des migrants

05/05/2024 mis à jour: 16:09
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Les manifestants ont défilé dans le centre de la localité d’Al Amra, à environ 40 kilomètres de Sfax - Photo : D. R.

La Tunisie est l’un des principaux points de départ, avec la Libye, de l’émigration clandestine vers l’Italie. Ces dernières semaines, la police a détruit des abris dans plusieurs campements, suite à des signalements de riverains excédés.

Plusieurs centaines de personnes ont manifesté hier près de Sfax, dans le centre de la Tunisie, pour réclamer «le départ» et l’évacuation «rapide» des milliers de migrants d’Afrique subsaharienne installés dans cette région, rapporte l’AFP. Les manifestants ont défilé dans le centre de la localité d’Al Amra, à environ 40 kilomètres au nord de la métropole de Sfax. «La situation à Al Amra n’est pas acceptable.

Les autorités doivent trouver une solution», a déclaré sur place le député Tarek Mahdi, déplorant «une forte présence» de migrants originaires d’Afrique subsaharienne dans cette localité. Mi-septembre, des milliers de migrants ont construit des abris dans des campements de fortune après avoir été évacués du centre de Sfax et, depuis, d’autres les ont rejoints dans des oliveraies, où ils attendent de pouvoir embarquer clandestinement pour l’Italie, à partir de plages situées à une quinzaine de kilomètres.

Vendredi, plusieurs centaines de migrants originaires d’Afrique subsaharienne ont été évacués de force de campements, installés devant des agences onusiennes à Tunis, puis «déportés vers la frontière algérienne», a indiqué un porte-parole du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES) Romdhane Ben Amor.

«Au moins 300 migrants, dont des réfugiés et demandeurs d’asile, des femmes et des enfants, ont été évacués par la force la nuit dernière», a indiqué Romdhane Ben Amor, soulignant que «des dizaines d’autres ont pris la fuite auparavant, par crainte d’opérations de déportation».

Sans confirmer les évacuations, le ministère de l’Intérieur a diffusé un communiqué mentionnant des «opérations de sécurité» destinées à «faire face à des atteintes à la sécurité publique, à la protection des biens publics et privés». Le ministère a aussi diffusé une vidéo montrant des policiers extraire des migrants de tentes et en détruire certaines et des agents d’entretien ramassant des déchets et remettant en ordre un parc.

Sur une autre séquence, des dizaines de migrants marchent en rangs serrés en pleine nuit dans une rue, vers une destination inconnue, sous contrôle étroit de la police. 

«Hordes»

Selon le FTDES, une ONG tunisienne, trois campements improvisés, installés depuis au moins l’été dernier devant les sièges du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) et de l’Organisation mondiale des migrations (OIM) ainsi que dans un jardin dans la zone du Lac, ont été vidés de leurs occupants.

Entre 500 et 700 personnes y vivaient sans eau courante, ni électricité, ni sanitaires, beaucoup après avoir été chassées de leur logement et travail au cours des mois ayant suivi un violent discours antimigrant en février 2023 du président tunisien Kaïs Saïed. Il y dénonçait l’arrivée de «hordes de migrants clandestins» d’Afrique subsaharienne dans «le cadre d’un complot pour changer la composition démographique» du pays.

A proximité du siège de l’OIM, des éboueurs en train de nettoyer les lieux. Des sources humanitaires ont confirmé l’évacuation à cet endroit qui a eu lieu vers 2h GMT, selon des policiers.

Des autocars encadrés par la police ont emmené les personnes pour «les transférer vers la frontière algérienne», selon des témoignages recueillis par le FTDES. «Mais un certain nombre ont réussi à s’enfuir avant d’arriver dans la région de Beja (nord-ouest), proche de l’Algérie», selon R. Ben Amor.

Le FTDES «est inquiet sachant que parmi eux il y a des populations vulnérables (...), des gens ayant besoin d’assistance médicale, qui vivaient déjà dans des conditions inhumaines depuis des mois», a-t-il ajouté.

Selon le porte-parole, ces opérations font directement suite à une réunion jeudi à Rome des ministres de l’Intérieur d’Italie, Tunisie, Algérie et Libye. La cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni a effectué récemment en Tunisie une visite pour renforcer la coopération bilatérale dans la lutte contre l’immigration clandestine.

La Tunisie est l’un des principaux points de départ avec la Libye de l’émigration clandestine vers l’Italie. Mme Meloni sera la tête de liste de son parti d’extrême droite Fratelli d’Italia aux élections européennes de début juin où le dossier migratoire sera très débattu.

 

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