Tunisie : Début du vote pour un Parlement diminué, la participation comme enjeu

30/01/2023 mis à jour: 10:49
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Photo prise le 29 janvier 2023 à Ettadhamen, une banlieue de Tunis, montrant un homme au doigt marqué d’encre après avoir voté au second tour des législatives en Tunisie

Une petite dizaine d’électeurs se sont présentés dans les deux premières heures de vote près du Musée du Bardo à Tunis. Les électeurs ont jusqu’à 18h (17hGMT) pour départager 262 candidats pour 131 sièges (sur 161 députés). Les regards sont braqués sur la participation après 11,2% de votants au premier tour le 17 décembre, soit près de 90% d’abstention, un record depuis l’avènement de la démocratie dans le pays berceau du Printemps arabe il y a 12 ans. A 11h, «4,71%, soit 369 561 des 7,85 millions» d’inscrits avaient voté, a annoncé le président de l’autorité électorale Isie, Farouk Bouasker, estimant ce taux «meilleur qu’au premier tour» au même moment. Ce scrutin législatif marque l’ultime étape de réformes imposées depuis un an et demi par le président Kaïs Saïed pour revenir à un système hyper-présidentialiste, similaire à celui d’avant la révolution de 2011 et la chute du dictateur Ben Ali. Jugeant le pays ingouvernable, M. Saïed s’est emparé de tous les pouvoirs le 25 juillet 2021. Il a réformé la Constitution l’été dernier pour abolir le système parlementaire hybride en vigueur. Malgré les nombreux SMS envoyés aux électeurs par l’Isie et des débats à la télévision et la radio, les experts prévoient une faible affluence. Même divisée en trois blocs, l’opposition dont Ennahdha, le parti d’inspiration islamiste qui dominait le Parlement sur la dernière décennie, est unanime pour boycotter un scrutin qui illustre, selon elle, une «dérive dictatoriale». Autre facteur de démotivation de l’électorat: la majorité des candidats sont inconnus et toute affiliation politique est interdite. «Je n’ai pas confiance dans la classe politique. Saïed pouvait faire un changement radical. Il accapare tous les pouvoirs et il n’a rien fait», déplore Omrane Dhouib, un boulanger abstentionniste de 37 ans, interrogé près du Bardo. A l’inverse, Belhassen Ben Safta, chauffeur de taxi de 60 ans, préfère voter: «Il ne faut jamais laisser à l’ancien système (Ennahdha) la possibilité de revenir. Ils sont les responsables de notre misère». Dans ce bureau, la moitié des 8000 inscrits sont des jeunes mais rares sont ceux qui ont fait le déplacement. Houssine Azouri, un retraité de 65 ans vote «pour tourner la page». «Ca suffit cette phase de transition», lâche-t-il. Selon des experts, une partie de la population adhère à l’idée de M. Saïed que les blocages venaient des partis politiques et approuvent sa limitation des pouvoirs du futur Parlement, qui pourra très difficilement renverser le gouvernement et jamais ne pourra destituer le président.

Plongeon du pouvoir d’achat

L’attention des 12 millions de Tunisiens est ailleurs. «Je ne vote jamais. Tous les secteurs économiques souffrent et Saïed ne s’y intéresse pas», dénonce Mohamed Abidi, un serveur de 51 ans dans le centre-ville. Les Tunisiens voient leur pouvoir d’achat plonger avec une inflation supérieure à 10% et affrontent des pénuries de denrées subventionnées comme le lait, le sucre ou l’huile. Pour les économistes, elles s’expliquent par des ruptures d’approvisionnement car l’Etat manque de liquidités pour régler ces achats centralisés. La croissance est poussive (moins de 3%), le chômage élevé (plus de 15%), la pauvreté s’accroît et plus de 32 000 Tunisiens ont émigré clandestinement l’an passé. Motif d’inquiétude supplémentaire: des négociations avec le FMI pour un prêt de 1,9 milliard de dollars, clef d’autres aides étrangères, piétinent depuis des mois. L’agence de notation américaine Moody’s a dégradé d’un nouveau cran samedi la note de la dette tunisienne jugeant «plus élevé» le risque de non remboursement de certains emprunts. Le blocage des pourparlers vient, selon les experts, de désaccords entre le président Saïed et son gouvernement sur le programme proposé pour obtenir le prêt du FMI. M. Saïed «semble hésiter à accepter», selon Youssef Cherif du Columbia Global Centers, des réformes impopulaires comme la levée des subventions sur les produits de base et une restructuration des entreprises publiques surendettées et aux effectifs pléthoriques.

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