Le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane est arrivé hier à Ankara pour sa première visite officielle en Turquie, rapporte l’AFP. Visite qui ouvre une nouvelle ère dans les relations turco-saoudiennes, empoisonnées par l’assassinat, fin 2018, à Istanbul du journaliste Jamal Khashoggi.
Arrivé à Ankara au terme d’une tournée régionale entamée lundi en Egypte, Mohammed Ben Salmane, dit «MBS», effectue son retour en force sur la scène internationale. Le prince héritier a été largement isolé après l’assassinat en octobre 2018 de Jamal Khashoggi, tué et démembré dans les locaux du consulat saoudien à Istanbul où il était venu chercher des documents nécessaires à son mariage avec sa fiancée turque.
A l’époque, le président turc a accusé les «plus hauts niveaux du gouvernement saoudien» d’avoir commandité l’assassinat. L’affaire semble enterrée. MBS a été accueilli personnellement hier par le président Erdogan. Les deux dirigeants n’ont fait aucune déclaration, et aucune conférence de presse n’est prévue, selon la présidence turque. Plusieurs accords doivent être signés au cours de la visite, a affirmé un haut responsable turc.
«Tel un mendiant »
Erdogan, qui jouera sa réélection l’an prochain et doit réparer une économie turque en crise, s’était rendu en Arabie Saoudite pour y discuter avec «MBS» des moyens de «développer» les relations entre leurs deux pays. Trois semaines plus tôt, les autorités turques avaient décidé de clore le procès de l’assassinat de Jamal Khashoggi et de renvoyer l’encombrant dossier aux autorités saoudiennes, ouvrant la voie au rapprochement avec le royaume saoudien.
Riyad et Ankara se sont brouillés en 2013. A l’époque, le président Erdogan avait soutenu face au maréchal Al Sissi le président égyptien déchu Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, bête noire de l’Arabie Saoudite. Le blocus imposé en 2017 par l’Arabie Saoudite au Qatar, allié d’Ankara, puis l’affaire Khashoggi l’année suivante ont scellé la discorde.
Mais à moins d’un an de l’élection présidentielle prévue mi-juin 2023, le président Erdogan multiplie les initiatives pour normaliser les relations avec plusieurs pays de la région, l’Arabie Saoudite mais aussi Israël et les Emirats arabes unis, en quête d’investissements et de flux touristiques.
Après deux décennies à la tête de l'Etat turc, il est confronté à la dégringolade de la livre turque (-44% face au dollar en 2021 et -23% depuis le 1er janvier) et à une inflation (73,5% sur un an en mai) qui ravage le pouvoir d’achat des Turcs, rendant sa réélection incertaine. «Vous avez renvoyé le dossier Khashoggi à l’Arabie Saoudite contre de l’argent, tel un mendiant», a fulminé mardi le chef du principal parti de l’opposition turque, Kemal Kilicdaroglu.
«Si Jamal avait une tombe, il se retournerait dedans», a réagi hier Hatice Cengiz, la fiancée de Khashoggi au moment de son assassinat. MBS recevra mi-juillet en Arabie Saoudite le président américain, Joe Biden, une visite qui devrait consacrer sa réhabilitation internationale.