Transplantation d’organes en Algérie : Tant de demandeurs face à tant d’obstacles

12/07/2022 mis à jour: 20:36
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Photo : D. R.

En dépit de tout un arsenal juridique, le champ de la greffe d’organes demeure très limité en Algérie, poussant plusieurs malades à s’orienter vers des cliniques à l’étranger, où les interventions sont très coûteuses.

En dépit du nombre important des greffes rénales réalisées ces dernières années, la transplantation d’organes en Algérie connaît de sérieux problèmes et reste encore très en retard, nécessitant une véritable volonté politique pour relancer cette activité au sein des CHU et des établissements spécialisés.

De nombreux obstacles ont été débattus par des experts juridiques, médicaux et religieux, lors d’une rencontre organisée jeudi dernier au siège de la cour de justice de Constantine. Le but du conclave, intitulé «Le cadre législatif, médical et religieux du prélèvement, de la conservation et de la transplantation d’organes humains», est de décortiquer les moyens déployés jusqu’à présent ainsi que les obstacles freinant l’avancement de la greffe, face au trafic d’organes signalé en parallèle dans le monde entier.

En plus des croyances religieuses soulevées par quelques intervenants, certaines failles et contradictions ont été dévoilées dans des lois régissant ce volet médical. Enseignante en droit et responsable du laboratoire des études juridiques appliquées de l’université Frères Mentouri (Constantine 1), Dr Karima Mahrouk n’a pas hésité à recommander au législateur algérien d’établir «un texte juridique spécifique pour la transplantation d’organes. Cela se fera indépendamment de la loi sur la protection de la santé, à l’instar d’autres pays».

Elle a insisté également sur la détermination des organes concernés par la greffe, sans exposer aux risques le donneur, qui devrait, à son tour, bénéficier d’une «assurance spéciale», vu que ce donneur est la personne la plus exposée au danger.

Développer les greffes à partir de donneurs décédés

«Je propose également d’adopter le système de la carte de don d’organes, tout comme la carte de don du sang. Il faut aussi actualiser le rôle de l’Agence nationale des greffes, avec une liste d’attente nationale comme on le fait en France. Cela bien sûr avec plus de sensibilisation au profit des citoyens», a-t-elle souligné.

De son côté, le magistrat Halim Guiza, juge d’instruction au pôle pénal spécialisé de Constantine, a estimé que le législateur algérien a encadré les interventions de prélèvement et de transplantation, intervenant avec des règles pénales pratiquement dans les différentes phases de l’opération. Par ailleurs, le même magistrat a tenu à mettre sous la lumière les repères culturels et religieux de la société algérienne, pris en considération par le législateur.

De ce fait, selon ses dires, «cette comparaison avec les pays européens ne devrait pas avoir lieu, surtout que chaque société a ses spécificités». A propos des contradictions et des failles signalées dans certains textes réglementaires, M. Guiza précise qu’il s’agit de «petites failles qui n’ont pas d’impact».

En dépit de tout cet arsenal juridique, le champ de la greffe d’organe demeure très limité en Algérie, poussant plusieurs malades à s’orienter vers l’étranger, via les publicités des cliniques de la Turquie ou autres pays sur les réseaux sociaux. Un désespoir qui favorise et alimente facilement le réseau du trafic d’organes.

De ce fait et vu que le risque zéro n’existe pas, particulièrement pour un donneur vivant, Pr Souheila Zemouchi, chef du service néphrologie, dialyse et suivi des greffés à l’établissement hospitalier spécialisé Daksi de Constantine, a insisté sur le développement des transplantations à partir de donneurs décédés.

Pour argumenter sa vision et l’importance de la greffe en Algérie, Pr Zemouchi a rappelé qu’en 2019 le nombre des transplantations rénales a atteint 270 à l’échelle nationale, avant une importante baisse en 2020, avec seulement 94 greffes. Durant le premier semestre de l’année 2021, le nombre des greffes rénales a connu une hausse avec 223 interventions.

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