Tiaret : Le développement et ses grands ratages

07/12/2022 mis à jour: 00:16
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Le centre-ville de Tiaret

La question aurait pu être éludée, d’autant que l’ex-chef de l’exécutif, Abdeslam Bentouati avait commandé un film documentaire pour exhiber les réalisations comme pour le brandir à l’adresse «des sceptiques qui empêchaient la machine de tourner» ; pensait-il. Film documentaire, genre Tiaret, vue d’en haut, réalisé par une équipe de jeunes cinéastes locaux  pour faire défiler les projets, pas tous, qui, aux yeux de ses  commanditaires  ont transformé Tiaret, pour ne citer que le chef-lieu, dans le modernisme et le futurisme. Le film documentaire de près d’une heure, réalisé par les frères Zerrouki, en plus d’avoir été projeté devant les honorables membres de l’ex-APW, à majorité FLN, sans débat, a été aussi présenté, une deuxième fois, devant les autres honorables élus de l’APC de Tiaret en marge de la journée dite de la commune. 

On ne va pas s’attarder sur le financement de ce produit médiatique ni l’objectif recherché quand aucun débat public n’a été entrepris, bien qu’il était envisagé avant l’avènement du hirak par cet ex-commis de l’Etat et depuis mis dans les tiroirs. Justement, c’est après le mouvement citoyen du 22 février 2019 que les langues se déliaient à propos du développement à Tiaret. Si le documentaire n’affiche aucun chiffre à mieux de situer l’effort consenti par l’Etat et fatalement par le contribuable, sur le terrain c’est des ratages qu’il s’agit. Tiaret, région foncièrement agricole, avec plus de 30 000 fellahs disposant de près de 400 000 ha de terres n’a pas vu orienter son principal barrage, Ben Khedda à Mechraa, pour l’irrigation, alors que les planificateurs tablaient sur une alimentation en eau depuis l’eau de mer dessalée depuis la Macta (le MAO). Ni l’agriculture ni les populations de 22 communes du Nord n’ont pu bénéficier de cette eau rêvée, alors que les nappes se raréfient. Alors que l’Algérie bénéficiait de la manne financière induite par les hydrocarbures, Tiaret n’avait pu bénéficier du MAO et voit ainsi ses chances de vouer son principal barrage pour l’irrigation d’appoint évaporer. Pour les besoins de l’étude, les officiels ont quand même déboursé un argent fou aux bureaux d’études, dont celui sud-coréen à plus de 50 milliards de dinars ! Premier grand ratage qui aurait pu soustraire la région de grands forages à coups de milliards pour combler les déficits structuraux en AEP pour le nord de la wilaya et un improbable transfert à partir de l’Albienne pour les populations du sud de la wilaya. L’eau de mer dessalée aurait pu permettre à l’agriculture de se développer et, par ricochet, induire une amenée d’eau pour le projet mort-né de la raffinerie de pétrole. Ce projet d’envergure, qui a englouti des milliards pour les besoins des travaux de terrassement, détruit 1300 ha de bonnes terres et d’autres milliards pour les besoins de l’expropriation, est une autre grande désillusion dans le registre de l’absurde. Les quelques unités qui se sont préparées pour la sous-traitance rongent depuis leurs freins. 

Sur le plan des travaux publics, Tiaret, qui devait être raccordée à l’autoroute Est-Ouest par une bretelle via Relizane, ne l’a pas été en dépit de tous les discours lénifiants et les attentes nourries. Une voie expresse qui devrait soulager les malades, surtout qu’on évacue à chaque fois vers la capitale de l’Ouest, Oran nonobstant les risques y afférents. 

En plus du réseau routier et principalement les voies devant désenclaver un peu plus la région, il y a les deux projets de lignes ferroviaires qui connaissent des taux de réalisation en déça des attentes. Même si la voie Saïda-Tiaret avance tant bien que mal, non sans générer beaucoup de retard, celle de Relizane-Tiaret-Tissemsilt est carrément à l’arrêt. 

La dernière sortie du gouvernement dans la wilaya voisine, Tissemsilt, même si elle génère un impact certain de par le dédoublement de la RN14 n’en laisse pas moins un goût d’inachevé de voir toute cette région du Sersou boucler et valoir par ricochet un total désenclavement et de meilleures perspectives, quand on sait que Tiaret, qui aspirait à être un pôle régional en matière d’industrie mécanique (existence d’unités publiques, telles la SNVI, Mercedes Benz, l’ENF (ex-SN Métal), l’usine d’assemblage du groupe TMC et d’autres PME/PMI de gros calibre, l’aéroport, trois grandes zones industrielles, nonobstant sa position géostratégique à équidistance entre sept wilayas des Hauts-Plateaux de l’Ouest. L’argent qui a coulé à flots n’a même pas servi à l’implant de services médicaux spécialisés en l’absence d’une faculté et d’un CHU que les Tiarétis appellent de toutes leurs forces. De par ce statut qui n’est d’aucun secours pour la région (plusieurs fois capitale). Celle de l’émir Abdelkader à Tagdempt, de la dynastie rostomide et lieu où le célèbre père de la sociologie moderne, Abderrahmane Ibnou Rostom, rédigea ses fameux prolégomènes ou Kitab El Ibar, Tiaret n’en tire aucune gloire. Aujourd’hui, la capitale du Sersou dispose d’une ville universitaire de plus de 35 000 étudiants et la région pour être attractive, comme le souhaitaient tous les experts et devraient susciter un intérêt particulier par le gouvernement, car le salut est aussi par le passage… d’un programme spécial tant les ratages à l’ombre des «indjazates» en ont fait l’impasse. 

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