S’il vous arrive d’évoquer le nom de Karman en milieu Tiaréti, beaucoup d’entre les présents supposeront que vous faites allusion à une contrée lointaine, en Iran par exemple. D’autres pensent à une commune dotée de l’autonomie administrative. Enfin ceux qui connaissent bien Tiaret et ses environs tranchent tout bonnement et affirment qu’il s’agit d’un trou isolé, ou mieux d’un lieu-dit perdu. Si vous dites que vous y habitez là on scrute tout ouvertement vos chaussures croyant y déceler des plaques de boue. En vérité, et pour votre gouverne, il s’agit tout simplement d’un « hai », d’une cité, d’un quartier urbain de la ville de Tiaret, excroissance à l’est distante d’environ 4 km du centre-ville ». Ce propos en liminaire à ce papier a été repris d’un texte qu’un défunt concitoyen, Djillali Khalifa, ex cadre de l’éducation décédé sous une prise en charge lamentable avait remis il y a quelques années à notre rédaction pour dire et décrire son point de chute, Karman, ex « Faidherbe » pour les anciens qui, bien qu’ayant grossi, point de vue urbanistique, démesurément, n’en constitue pas moins une autre priorité pour les autorités locales et à leur tête, le nouveau wali, monsieur Ali Bouguerra qui n’en a pas été depuis son installation à une première visite. Karman devrait-elle pour autant s’enorgueillir d’avoir secrété depuis ses murs l’actuel maire ?
Rien n’est moins sûr car rien n’a changé en profondeur quand bien même les autorités avaient détruit à l’aube des années 2000 cet autre centre de la honte, le centre de transit de triste mémoire. Certes, le centre de transit a été détruit et avec lui les malheurs de dizaines de familles mais ne voilà-t-il pas qu’un autre bantoustan des temps modernes est venu se greffer à la faveur du laxisme ambiant des assemblées populaires communales passées. Il s’agit de ce tristement célèbre aujourd’hui cité dite « faoudhaoui Karman », un qualificatif qui sied bien à céans. Historiquement parlant, ce lieu égaré ou plutôt négligé, fut un campement militaire, genre stalag/ oflag résultant de la 2ème guerre mondiale. Une sorte de réserve où furent parqués outrageusement tous les travailleurs indigènes ou anciens commis de colons. Ce lieu portait l’appellation de Faidherbe et ses habitations étaient conçues sous forme atypique au même titre que celles de la « cité Fronzy », actuelle cité Mohamed Bouhenni. Ce statut de réserve, après 60 ans d’indépendance semble lui coller toujours à la peau. Dans sa configuration urbanistique, Il s’agit d’un cul de sac n’ayant qu’une seule issue, servant aussi bien d’entrée que de sortie. En entrant à Karman vous n’êtes nulle part. Pour vous diriger vers d’autres lieux, il faut d’abord en sortir. Comme un cancrelat dans une carafe après moult essais vous arriveriez à émerger par où vous êtes entrés. Dès le seuil les essieux de votre véhicule seront soumis aux pires tourments. Crevasses, nids de poules ou carrément des tranchées sournoises vous accueillent en fanfare. Ceux qui présidaient aux destinées de ce lieu ont oublié de s’y intéresser longtemps avant de voir de nouveaux équipements publics d’envergure émerger. N’est-il pas actuellement le deuxième grand ensemble d’habitat type AADL ? Jusqu’à un passé récent, les élus ne s’y rendaient que rarement jusqu’a en oublier sa situation géographique ou à contrario en marge des élections municipales du fait d’un réservoir électoral des plus grands de Tiaret. Le délégué mis en place ne s’intéressait qu’à de menus travaux dont ceux pour apposer le cachet sur les documents d’Etat Civil. L’état de la cité et les besoins de la population ne l’intéressent nullement, il n’en fait même pas part à sa hiérarchie. Les fuites d’eau, les amoncellements d’immondices, l’éclairage public, les nids de poules et les dos d’ânes relèvent du domaine individuel. Que chacun pratique les travaux qui lui siéront et agréeront son égocentrisme. Les multitudes de dos d’ânes et d’extension illicites en font foi! La gestion administrative de cet appendice territoriale dépend en totalité et théoriquement des services centraux installés extramuros. « Allez à Tiaret ! » est le leitmotiv habituel du résidu administratif. La municipalité mère a créé une annexe et construit actuellement une nouvelle mairie qui ne sert strictement à rien. Le pseudo responsable nommé à la tête de cet édicule ne recueille aucune demande, aucune doléance, ne fait réparer rien, n’inspecte rien, en un mot il n’administre pas. Toutes vos doléances seront traitées avec morgue car selon eux, n’étant de nulle part vous n’avez droit à rien. Mêmes les taxieurs refusent de vous transporter, invoquant les quatre vingt dos d’ânes qui agrémentent les ruelles de la cité. La vie y est ponctuée par deux ruées : Le matin, tous les moyens de transport sont pris d’assaut par une population employée en dehors de la cité.