Avant le vote des députés séparatistes, l’Azerbaïdjan a qualifié la désignation d’un nouveau président comme «une nouvelle étape extrêmement provocatrice».
La région disputée du Nagorny-Karabakh s’est dotée hier d’un nouveau président séparatiste, dans un contexte de tensions croissantes entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, rapporte l’AFP.
Les députés de ce territoire montagneux, peuplé majoritairement d’Arméniens mais reconnu internationalement comme faisant partie de l’Azerbaïdjan, ont élu par 22 voix contre une Samvel Shahramanian, 45 ans, jusqu’alors chef du conseil de sécurité du gouvernement séparatiste. Il succède à Arayik Haroutiounian qui a démissionné le 1er septembre.
Avant le vote des députés séparatistes, l’Azerbaïdjan a qualifié la désignation d’un nouveau président comme «une nouvelle étape extrêmement provocatrice». «Il s’agit d’une violation claire de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan et ce n’est en aucun cas admissible ni tolérable», selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères de Bakou.
Alliée de Bakou, la Turquie a déclaré qu’elle «ne reconnaît pas cette élection illégitime qui constitue une violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan». «Cette étape constitue une violation flagrante du droit international y compris les résolutions du Conseil de sécurité et les principes de l’OSCE» (Organisation de la coopération et de la sécurité en Europe), a poursuivi le ministère turc des Affaires étrangères dans un communiqué.
De son côté, l’Union européenne (UE) a indiqué qu’elle «ne reconnaît pas le cadre constitutionnel et juridique» dans lequel le vote s’est déroulé. Mais Bruxelles a appelé «les Arméniens du Karabakh à se consolider autour d’un leadership de facto capable et désireux de s’engager dans des discussions axées sur l’obtention de résultats avec Bakou».
A son tour, le chancelier allemand Olaf Scholz a exprimé «ses profondes inquiétudes» concernant les tensions croissantes entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan lors d’un entretien téléphonique avec son homologue arménien.
Le dirigeant allemand a pointé les «tensions qui ont régulièrement augmenté ces dernières semaines, en particulier le déploiement d’unités militaires», a indiqué son porte-parole Steffen Hebestreit, dans un communiqué diffusé à Berlin. «Le gouvernement allemand appelle avec insistance à s’abstenir de toute escalade militaire», a déclaré O. Scholz, actuellement en Inde pour le sommet du G20, jugeant que le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan «ne peut être résolu que par la voie diplomatique».
Le chef de l’Exécutif allemand a par ailleurs réclamé un accord rapide «sur l’approvisionnement humanitaire des habitants du Nagorny-Karabakh, y compris l’ouverture du corridor de Latchine». Le président français Emmanuel Macron s’est également entretenu avec Nikol Pachinian la veille, et a appelé à un règlement «par la seule voie diplomatique».
Deux guerres
La popularité de A. Haroutounian a décliné notamment avec des pénuries suscitées par la fermeture début juillet par l’Azerbaïdjan de la seule route reliant le Nagorny-Karabakh à l’Arménie. «Les difficultés qui surgissent dans le pays ont érodé de manière significative la confiance dans le gouvernement et en particulier en le président», a-t-il déclaré avant de démissionner.
Cette élection intervient alors que les tensions vont croissant entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, deux pays rivaux du Caucase qui s’accusent mutuellement d’attaques transfrontalières ces derniers mois. L’Arménie a accusé jeudi l’Azerbaïdjan de préparer une «provocation militaire» en massant ses soldats le long de leur frontière commune et près du Nagorny-Karabakh.
Elle va accueillir la semaine prochaine des exercices militaires communs avec les Etats-Unis, un nouveau signe de ses efforts de s’éloigner de son allié traditionnel russe. Vendredi, le ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères a dénoncé «une nouvelle manipulation politique mensongère».
L’Arménie et l’Azerbaïdjan se sont livré deux guerres pour la souveraineté du Nagorny-Karabakh. Durant la période soviétique, cette région bénéficiait d’un statut d’autonomie au sein de la république socialiste soviétique d’Azerbaïdjan. Lors de l’implosion de l’URSS en 1991, le Haut-Karabakh proclame son indépendance, déclenchant la première guerre arméno-azerbaïdjanaise (1991-1994).
En occupant sept districts adjacents de l’enclave, Erevan se place alors en situation de protecteur de l’entité sécessionniste, tout en exerçant de facto une tutelle sur son gouvernement local. Bakou dénonce une violation du droit international, qui reconnaît les frontières soviétiques comme base des nouveaux Etats indépendants.
Fort du soutien militaire de la Turquie, l’Azerbaïdjan décide en septembre 2020 de récupérer les territoires perdus. D’où la deuxième guerre entre Bakou et Erevan, en 2020, qui s’est soldée par une défaite de l’Arménie, qui a dû céder des territoires à l’Azerbaïdjan dans et autour du Nagorny-Karabakh. Le processus de paix est depuis au point mort, malgré les efforts de médiation de la Russie, un pays à l’influence historique dans cette région, des Européens et des Etats-Unis.