Tchad : Le principal opposant a été «exécuté» par les militaires

02/03/2024 mis à jour: 02:53
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L’opposant Yaya Dillo tué mercredi 28 février à N’Djamena

Yaya Dillo Djérou, principal opposant à la junte au Tchad, tué mercredi dans l’assaut par l’armée du siège de son parti, a été «exécuté à bout portant» par les militaires, a affirmé  le secrétaire général de son mouvement, Robert Gamb, selon des propos recueillis par l’AFP.
 

Le ministre de la Communication Abderaman Koulamallah a immédiatement réfuté cette accusation, assurant que l’opposant, recherché par les forces de l’ordre, «avait refusé de se rendre et avait tiré sur les  militaires» lors de cet assaut qui a fait quatre morts dans les rangs de l’armée et trois dans le camp de Y. Dillo. 

«C’est une exécution, ils ont tiré à bout portant sur lui pour l’exécuter  car il était devenu gênant», a assuré R. Gamb, secrétaire général du Parti socialiste sans frontières (PSF), à deux mois de l’élection présidentielle à laquelle Y. Dillo voulait se présenter.
 

Depuis jeudi, une photo circule parmi des groupes de réseaux sociaux proches de la famille de Y. Dillo, mais non authentifiée à ce stade, montrant un gros plan sur la tête de la dépouille mortelle d’un homme ressemblant trait pour trait à Y. Dillo, un petit orifice très net entouré d’un halo noir en plein milieu de la tempe.
 

Depuis jeudi, le PSF et les autres responsables des principaux partis d’opposition assurent que Y. Dillo a été victime d’un «assassinat» pour l’écarter de la présidentielle prévue le 6 mai. «Nous n’avons exécuté personne», a assuré A. Koulamallah . «Il s’est opposé à son arrestation, il y a eu un échange de balles, il n’y a pas eu d’exécution», a ajouté le ministre, également porte-parole du gouvernement nommé par  Mahamat Déby. «On ne peut pas attaquer avec tout un arsenal de guerre un opposant seul dans un bureau» et «qui n’avait pas d’arme», a protesté R. Gamb.
«Confiscation du pouvoir»
 

Mardi, l’Agence nationale de gestion des élections (ANGE) a annoncé que l’élection présidentielle au Tchad se tiendra le 6 mai, un scrutin qui mettra fin à une période de transition qui aura duré trois ans. A 37 ans, Mahamat Idriss Déby Itno a été proclamé par l’armée le 20 avril 2021 président de la transition, à la tête d’une junte de 15 généraux, après la mort de son père Idriss Déby Itno, mortellement blessé par des rebelles au front. Il a immédiatement promis de rendre le pouvoir aux civils en organisant  des élections 18 mois plus tard, échéance finalement repoussée de deux ans. 

La  fin de la transition au Tchad a alors été décalée au 10 octobre 2024.  «Au-delà de cette date (du 10 octobre), le pays tombera dans un vide juridique, synonyme d’un chaos prévisible. Il est donc impératif de tenir les  élections avant», a déclaré le président de l’ANGE, Ahmet Bartchiret. «L’ANGE a arrêté un chronogramme réaliste et réalisable qui s’articule notamment autour des points ci-après : le 6 mai 2024, tenue du premier tour de  l’élection présidentielle», a-t-il déclaré. 

Mahamat Déby s’était pourtant engagé auprès de l’Union africaine à ne pas se présenter mais mi-décembre, une nouvelle Constitution adoptée par référendum, à 86%, l’y a finalement autorisé.
 

L’opposition, qui a appelé à boycotter le référendum, a contesté les résultats évoquant «une confiscation du pouvoir». Les forces d’opposition craignent la perpétuation d’une «dynastie Déby» dans ce pays d’Afrique centrale. Avant son fils, Idriss Déby Itno, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat, avait dirigé le pays d’une main de fer de 1990 jusqu’à sa mort en 2021. Les candidats qui souhaitent se présenter devront déposer leurs dossiers de candidature au plus tard le 15 mars, mais devront surtout affronter Mahamat Déby, investi par le Mouvement patriotique du salut (MPS), parti majoritaire fondé par son défunt père. Soumaine Adoum, porte-parole de Wakit Tama, principale plateforme d’opposition citoyenne, a dénoncé «un délai très court» et «des élections taillées sur mesure». 

En cause, la nomination directe par le président des membres de l’ANGE, du Conseil constitutionnel et de la Cour suprême, organes chargés du contentieux électoral et de la validation des résultats. R. I.

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