Statut des magistrats : Le SNM tire à boulets rouges sur le ministre de la Justice

14/02/2022 mis à jour: 23:21
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Gronde dans le corps des magistrats / Photo : B. Souhil

Dans son communiqué rendu public à l’issue de la réunion de son bureau exécutif, le SNM s’est montré très offensif à l’égard de la chancellerie.

Remises au mois d’octobre dernier au ministre de la Justice, Abderrachid Tabi, les moutures des deux avant-projets de lois organiques relatives au statut de la magistrature et celui des magistrats ont visiblement été amputées de nombreux passages, suscitant la contestation du Syndicat national des magistrats (SNM).

Dans un communiqué, signé par son président, Issad Mabrouk, le syndicat a exprimé, à l’issue de la réunion de son bureau exécutif, «sa grande déception et son regret» face à ce qu’il qualifie de «travail des salles obscures qui a vidé, de manière scandaleuse, les propositions des commissions ministérielles» chargées de la réforme des deux lois organiques.

Le syndicat, faut-il le rappeler, a pris part aux travaux des deux commissions chargées de la réforme de deux lois, aux côtés des représentants de magistrats de la Cour suprême, du Conseil d’Etat, du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et des professeurs universitaires, ainsi que ceux du ministère de la Justice.

Contacté par El Watan, Issad Mabrouk explique : «Il était entendu que les propositions contenues dans les moutures présentées par les deux commissions soient prises en compte intégralement, vu que des engagements ont été pris à ce titre. Malheureusement, et à notre grande surprise, en examinant les documents finaux, nous avons constaté de nombreuses modifications, la suppression de tout ce qui est en rapport avec la garantie de la protection du magistrat et surtout le retour à la limitation des prérogatives du CSM. Cela est totalement contraire aux dispositions de la Constitution.»

Pour plus de précision, le président du syndicat indique : «La commission a proposé, par exemple, le rattachement de l’inspection générale au CSM, mais dans la mouture finale, celle-ci a été maintenue sous la coupe du ministère de la Justice. Ce qui démontre une absence de bonne foi. Il en est de même pour la proposition de lier la rémunération du juge au salaire minimum garanti.

Elle a été tout simplement supprimée. La commission a proposé aussi que le bureau permanent soit composé de 12 membres, mais ce nombre a été revu à la baisse pour le porter à 6, avec un mandat de 4 ans, alors que la commission a proposé une durée de 6 ans. Mieux encore, dans la mouture initiale, les poursuites pénales engagées contre les magistrats passent par le CSM, mais cette disposition a disparu de la mouture finale. En bref, il y a eu de nombreuses modifications et suppressions qui nous ont interpellées. Nous attendons la réponse des pouvoirs publics.»

«Absence de bonne foi»

Dans son communiqué rendu public à l’issue de la réunion de son bureau exécutif, le SNM s’est montré très offensif à l’égard de la chancellerie. «Cela démontre l’absence d’une réelle volonté politique», notamment en ce qui concerne «la protection du magistrat et le rôle du Conseil supérieur de la magistrature dans la garantie de l’indépendance de la justice», écrit le SNM, sous la signature de son président, Issad Mabrouk.

Il accuse «les services du ministère de la Justice», de «n’avoir pas respecté ses engagements à maintenir les propositions des commissions faites en toute responsabilité, objectivité et en adéquation avec les principes garantis par la Constitution (…). Ce qui porte atteinte à la crédibilité de l’Etat et vient à contre-courant des efforts du gouvernement qui a placé l’indépendance de la justice parmi ses priorités et qui est exprimé (…) travers son plan de travail pour l’exécution du programme du Président».

Poursuivant son réquisitoire contre la chancellerie, le syndicat estime que celle-ci s’est éloignée de la transparence en exposant le contenu des deux moutures, avant leur remise au Parlement, «ce qui prouve l’absence de bonne foi, lorsqu’il y a eu l’implication des magistrats dans l’élaboration des textes qui les régissent et le maintien de la mainmise du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire».

De ce fait, le SNM exhorte les «parties concernées» à prendre en compte «les anomalies» citées antérieurement par respect aux engagements officiels annoncés dans ce cadre, d’autant que le secteur vit une situation de «confusion dans l’exécution de ses fonctions».

Visiblement offusqué par l’interférence du ministère dans l’élaboration des deux principaux projets de lois organiques relatives aux statuts des magistrats et du CSM, le syndicat semble décidé à aller jusqu’au bout de sa contestation et déjà, il annonce un regroupement de ses membres de la région centre, au siège de la cour d’Alger, à la fin de la semaine prochaine. 
 

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