De vifs combats ont de nouveau éclaté hier dans le sud-ouest du Soudan à Al Fasher, théâtre d’un «assaut» des forces paramilitaires, décrié par Washington, rapporte l’AFP.
Al Facher est la seule capitale des cinq Etats du Darfour à ne pas être aux mains des Forces paramilitaires de soutien rapide (FSR), qui assiègent la ville depuis mai.
Le gouverneur de la région du Darfour, Mini Minawi, a indiqué, jeudi sur la plateforme X, que l’armée a repoussé «une large attaque» des FSR, mais celles-ci avaient affirmé avoir progressé et conquis des sites militaires dans la ville, capitale de l’Etat du Darfour-Nord.
L’émissaire américain pour le Soudan, Tom Perriello, s’est dit «extrêmement préoccupé par les nouvelles attaques des FSR», appelant les paramilitaires «à arrêter leur assaut», dans un message publié hier sur X. Se basant notamment sur des images satellites ayant permis de repérer des impacts dus à des bombardements aériens et à des tirs d’artillerie, le laboratoire en recherche humanitaire de l’université américaine de Yale a fait état «de combats à grande échelle sans précédent entre l’armée et les FSR».
«Peu importe l’issue de la bataille pour Al Facher, l’intensité actuelle des combats va probablement réduire à l’état de gravats ce qu’il reste» de la ville, a-t-il alerté vendredi dans un communiqué. La guerre entre l’armée et les FSR, qui a éclaté en avril 2023, a poussé le Soudan au bord de la famine, selon l’ONU, et fait des dizaines de milliers de morts. Certaines estimations font état de 150 000 personnes tuées, selon Tom Perriello. Des experts de l’ONU ont réclamé le «déploiement sans délai» d’une force «indépendante et impartiale» afin de protéger les populations civiles, ce que la diplomatie soudanaise a rejeté.
Embargo sur les armes
Mercredi, le Conseil de sécurité de l’ONU a prolongé d’un an l’embargo sur les armes à destination de la région soudanaise du Darfour, embargo dont les violations sont régulièrement dénoncées.
Dans une résolution adoptée à l’unanimité, le Conseil étend jusqu’au 12 septembre 2025 le régime de sanctions en place depuis 2005, qui vise uniquement le Darfour : sanctions individuelles (gel des avoirs, interdiction de voyage) qui ne concernent aujourd’hui que trois personnes, et embargo sur les armes.
«La population du Darfour continue de vivre dans le danger et le désespoir (...). Cette adoption leur envoie le message important que la communauté internationale reste attentive à leur détresse», a commenté l’ambassadeur américain adjoint, Robert Wood. Et même si les sanctions ne concernent pas tout le pays, leur renouvellement «va restreindre les mouvements d’armes vers le Darfour», et «aider» à «remettre le Soudan sur le chemin de la stabilité et de la sécurité», a-t-il estimé. Les Nations unies et les humanitaires craignent que la guerre ne dégénère en de nouvelles violences ethniques, notamment au Darfour, déjà ravagé il y a plus de 20 ans par la politique de la terre brûlée menée par les Janjawids, les miliciens arabes depuis enrôlés dans les FSR. Dans ce contexte, Jean-Baptiste Gallopin, de Human Rights Watch, a déploré une «occasion manquée» par le Conseil, l’appelant à «étendre» l’embargo sur les armes à tout le pays. Alors que le Soudan réclame toujours la levée des sanctions onusiennes, la Chine et la Russie, qui se sont abstenues lors du dernier renouvellement en mars 2023, ont cette fois voté pour. Cela «pourra en partie juguler le flux constant d’armes illégales vers le champ de bataille», a estimé l’ambassadeur chinois adjoint, Dai Bing, notant malgré tout que les sanctions n’étaient «pas une fin en soi» et ne pouvaient «remplacer la diplomatie».
Dans leur rapport annuel publié en janvier, les experts chargés par le Conseil de surveiller le régime de sanctions ont dénoncé les violations de l’embargo sur les armes, pointant du doigt plusieurs pays, dont les Emirats arabes unis accusés d’envoyer des armes aux FSR. L’ambassadeur soudanais, Al Harith Idriss Al Harith Mohamed, estimant que maintenir l’embargo conduit à un «déséquilibre» des forces en présence au Darfour, a de nouveau accusé mercredi les Emirats de «jouer un rôle clé dans la poursuite de cette crise». Une accusation rejetée par son homologue émirati, Mohamed Issa Hamad Mohamed Abushahab, qui a décrit une «tentative cynique de détourner l’attention des faiblesses des forces armées soudanaises».