Sommet européen sur de nouvelles sanctions contre la Russie : Les 27 à la recherche d’un compromis

31/05/2022 mis à jour: 02:33
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Photo : D. R.

Budapest a conditionné son feu vert à des garanties sur son approvisionnement. «Nous avons besoin d’une garantie que nous pourrions recevoir du pétrole par la mer ou d’ailleurs», a déclaré le Premier ministre hongrois, Viktor Orban. «D’abord, nous devons trouver des solutions et après, les sanctions», a-t-il averti, fustigeant le «comportement irresponsable» de la Commission européenne qui a préparé le paquet de sanctions.

Réunis depuis hier en sommet à Bruxelles, les dirigeants des 27 vont discuter d’un compromis mis au point dans la matinée, qui permettrait d’adopter un sixième paquet de sanctions de l’Union européenne (UE) contre Moscou, rapporte l’AFP. Compromis paralysé jusqu’à présent par l’opposition de Budapest au projet d’embargo pétrolier.

Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, a affirmé en arrivant à ce sommet de deux jours qu’il n’y a «pas de compromis» acceptable «pour l’instant» concernant un embargo européen sur le pétrole russe, exigeant des «garanties» pour l’approvisionnement de son pays. «Il n’y a pas de compromis du tout pour l’instant.» Il a jugé que cette exemption était une «bonne solution».

«Ce qui nous pose problème, c’est si quelque chose arrivait à l’oléoduc transportant le pétrole russe, ce dont les Ukrainiens et d’autres ont parlé», a-t-il expliqué. Dans ce cas, «nous avons besoin d’une garantie que nous pourrions recevoir du pétrole par la mer ou d’ailleurs». «D’abord, nous devons trouver des solutions et après, les sanctions», a averti le dirigeant hongrois, fustigeant le «comportement irresponsable» de la Commission européenne qui a préparé le paquet de sanctions.

Ce nouveau projet prévoit l’adoption «sans délai» du nouveau train de sanctions, incluant un embargo sur le pétrole russe d’ici la fin de l’année, «avec une exemption temporaire pour le brut acheminé par oléoduc», afin de lever le veto de la Hongrie, inquiète pour ses approvisionnements.

L’extension de l’embargo aux acheminements par oléoduc sera ensuite discutée «dès que possible», selon le texte. «Je pense qu’on va vers un accord sur un sixième paquet de sanctions», a déclaré à son arrivée le président français, Emmanuel Macron, dont le pays occupe la présidence tournante de l’UE.

La Hongrie, pays enclavé sans accès à la mer et qui dépend pour 65% de sa consommation du pétrole russe acheminé par l’oléoduc Droujba, s’oppose à un embargo à moins de bénéficier d’une exemption d’au moins quatre ans pour s’y préparer et de près de 800 millions d’euros de financements européens pour adapter ses raffineries.

Pour «une approche réaliste»

L’unanimité est requise pour l’adoption des sanctions. Le projet sera soumis pour discussion aux chefs d’Etat et de gouvernement. Jusqu’à présent, l’absence totale de perspective d’accord sur de nouvelles sanctions menace de parasiter le sommet.

Selon un diplomate, un accord sur un embargo progressif, cantonné au pétrole transporté par bateau (soit les deux tiers des achats européens de pétrole russe) pourrait être formellement entériné, «probablement cette semaine» après le sommet. Des négociations auront lieu ensuite pour cesser aussi les importations via l’oléoduc Droujba (un tiers des approvisionnements européens), dont la branche nord dessert l’Allemagne, l’Autriche et la Pologne, et la branche sud la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie.

Mais aucun calendrier n’est prévu, donc «les garanties sont un peu faibles», note un diplomate, redoutant que le Premier ministre hongrois joue la montre. Berlin et Varsovie devraient en outre s’engager à arrêter, même s’ils n’y sont pas contraints, leurs importations par Droujba, selon des sources européennes.

Pour Moscou, il est plus facile de trouver d’autres acheteurs pour ses exportations par tankers que par oléoduc. La Bulgarie, très dépendante du pétrole russe, a assuré vouloir «envoyer un signal fort», a déclaré hier le Premier ministre bulgare, Kiril Petkov.

La Première ministre estonienne, Kaja Kallas, se montrait circonspecte. «Je ne pense pas que nous parviendrons à un accord aujourd’hui. Nous essaierons d’y parvenir d’ici le sommet de juin», a-t-elle averti, plaidant pour «une approche réaliste». «Quand certains pays ont des préoccupations légitimes sur leur approvisionnement, il faut trouver des solutions», a reconnu le Premier ministre belge, Alexander De Croo.

«Les dirigeants ne peuvent fournir qu’une direction politique, car les questions sont trop techniques pour être tranchées lors du sommet», selon un diplomate. «Il faut faire très attention à préserver le marché commun», a mis en garde un autre diplomate. Plusieurs Etats redoutent qu’une exemption pour nombre de pays ne fausse les conditions de concurrence pour leurs achats de pétrole.

Paralysé jusqu’alors par le blocage de la Hongrie, le sixième paquet de sanctions préparé par la Commission et en négociations depuis un mois prévoit aussi un élargissement de la liste noire de l’UE à une soixantaine de personnalités, dont le chef de l’église orthodoxe russe, le patriarche Kirill. Il comprend également l’exclusion de trois banques russes du système financier international Swift, dont Sberbank, principal établissement du pays.

Le sommet doit aussi aborder les conséquences de la crise alimentaire liée à la guerre, la transformation énergétique du continent pour se passer du gaz russe, une proposition d’aide financière jusqu’à neuf milliards d’euros à l’Ukraine en 2022 et le financement de sa reconstruction.

Par ailleurs, le président serbe, Aleksandar Vucic, a annoncé dimanche que son pays a signé avec Moscou une extension pour trois ans de son accord d’approvisionnement en gaz russe à bas prix. C’est «de loin le meilleur deal en Europe», a-t-il affirmé, après un entretien téléphonique avec son homologue russe, Vladimir Poutine.

La Serbie, qui est candidate pour rejoindre l’UE, est restée proche du Kremlin depuis l’invasion de l’Ukraine. Si le pays a condamné l’agression russe aux Nations unies, il s’est ainsi refusé à s’aligner sur les sanctions européennes contre Moscou, qui continue à lui fournir du gaz à prix d’ami. Avec ce nouvel accord, la quasi totale dépendance de la Serbie à l’égard de la Russie est réaffirmée, et ce, d’autant plus que Moscou détient une part majoritaire dans la compagnie nationale serbe de pétrole et de gaz.

Les détails de ce nouveau contrat, notamment en termes de prix et de volumes de gaz fournis, seront communiqués «dans les jours qui viennent», après avoir rencontré les dirigeants de Gazprom, a précisé le président serbe.

Actuellement, la facture «est presque trois fois moins élevée que partout en Europe, et cet hiver ce sera 10 à 12 fois moindre», selon le président serbe. Le pays reçoit pour le moment 6 millions de mètres cubes par jour du géant russe Gazprom à 251 euros le millier de mètre cube. Aleksandar Vucic a également indiqué avoir discuté avec Vladimir Poutine d’une extension des capacités de stockage dans son pays. 

 

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