Les alliés ont annoncé le transfert imminent de F-16 de fabrication américaine, de nouveaux systèmes de défense antiaérienne, un engagement financier d’au moins 40 milliards d’euros en aide militaire, et le caractère «irréversible» de la trajectoire d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Le sommet des 75 ans d’existence de l’OTAN a pris fin jeudi à Washington avec de nouveaux engagements en faveur de l’Ukraine.
Pendant près de trois jours, les dirigeants des 32 pays de l’Alliance atlantique ont multiplié les gages de soutien à l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie. «Un grand succès», s’est félicité, jeudi soir, le président américain, 81 ans, lors d’une conférence de presse particulièrement attendue, selon des propos rapportés hier par l’AFP. Quelques minutes plus tôt, il commettait une gaffe monumentale, annonçant «le président Poutine» alors qu’il accueillait le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
La capacité physique et la fraîcheur mentale du président américain, candidat à sa réélection en novembre, n’ont pas cessé de hanter les couloirs du gigantesque Centre de conventions où s’est déroulé ce sommet de l’OTAN à Washington.
Et les marques de soutien de nombre de dirigeants de l’Otan, du président français, Emmanuel Macron, au chancelier allemand Olaf Scholz, n’ont pas suffi à effacer les interrogations sur la capacité de Joe Biden à conduire son camp démocrate à la victoire en novembre.
«Il nous arrive à tous de faire des lapsus», a ainsi affirmé à la presse E. Macron. «J’ai vu comme à chaque fois un Président qui est aux affaires, en charge, précis sur les dossiers, qu’il connaît bien», a-t-il ajouté, estimant que la réunion de Washington a surtout permis de prendre des «décisions importantes» en faveur de l’Ukraine.
Les alliés ont annoncé le transfert imminent de F-16 de fabrication américaine, de nouveaux systèmes de défense antiaérienne, un engagement financier d’au moins 40 milliards d’euros en aide militaire, et le caractère «irréversible» de la trajectoire d’adhésion de l’Ukraine à l’Otan.
Le président ukrainien V. Zelensky, invité d’honneur de ce sommet, a dit espérer que les cinq systèmes de défense antiaérienne promis par l’OTAN arrivent en Ukraine «le plus vite possible». Il a aussi demandé jeudi aux pays de l’OTAN qu’ils lèvent les restrictions sur l’usage de leurs armes sur le sol russe.
«Si nous voulons gagner, si nous voulons l’emporter, si nous voulons sauver notre pays et le défendre, nous devons lever toutes les restrictions», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse, aux côtés du secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg. Plusieurs pays de l’OTAN imposent des restrictions à l’usage des armes qu’ils fournissent à l’Ukraine, ce qui l’empêche de frapper des positions russes, d’où partent régulièrement des attaques contre ses villes et ses infrastructures.
Ces pays, comme l’Allemagne, redoutent une escalade du conflit avec la Russie. Les Etats-Unis ont assoupli leurs restrictions, mais sans laisser carte blanche aux forces ukrainiennes. «Nous évaluons sur une base quotidienne» jusqu’où les Ukrainiens peuvent frapper sur le territoire russe, a assuré J. Biden devant la presse.
Le président ukrainien s’est, par ailleurs, dit confiant que son pays rejoindra un jour l’Otan, alors que les pays alliés ne lui ont pas lancé d’invitation. «Nous faisons et continuerons à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que le jour vienne où l’Ukraine sera invitée et deviendra membre de l’Otan, et je suis convaincu que nous y parviendrons», a-t-il dit.
Les dirigeants de l’OTAN se sont également dits inquiets de l’aide apportée par la Chine à la Russie dans son intervention en Ukraine. Ils ont évoqué ce sujet lors d’une réunion jeudi avec leurs partenaires d’Asie-Pacifique. Dans une déclaration inhabituelle, les alliés ont fait part de leurs «profondes préoccupations», dénonçant le «rôle décisif» de la Chine aux côtés de la Russie, depuis l’intervention russe en Ukraine en février 2022.
L’OTAN accuse la Chine de fournir des équipements à double usage, civil et militaire, à la Russie, comme des micro-processeurs, lui permettant ensuite de fabriquer des armes contre Kiev. Jeudi, le ministère chinois des Affaires étrangères a rétorqué, dénonçant une campagne de «préjugés, de dénigrement et de provocation» de la part des alliés.
En marge de ce sommet, la Maison-Blanche a annoncé que les Etats-Unis allaient déployer de façon ponctuelle, à partir de 2026, des nouveaux armements en Allemagne, permettant des frappes plus lointaines que les systèmes américains actuellement positionnés en Europe.
La France, l’Allemagne, l’Italie et la Pologne ont aussi signé jeudi à Washington une lettre d’intention portant sur le développement et la production de capacités dans le domaine des frappes de longue portée. Ces annonces et le renforcement du soutien de l’OTAN à l’Ukraine ont été considérés à Moscou comme la preuve d’un engagement «direct» de l’OTAN en Ukraine et un retour «à la guerre froide».
«Conflit direct»
De son côté, le président turc Recep Tayyip Erdogan a mis en garde jeudi contre un «conflit direct». «J’ai dit franchement que l’OTAN ne devrait jamais être autorisée à participer à la guerre en Ukraine», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse organisée à l’issue du sommet du 75e anniversaire de l’OTAN.
Il a indiqué que la Turquie, rare membre de l’OTAN à ne pas s’associer aux sanctions contre la Russie, soutient «l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Ukraine», affirmant néanmoins que «la diplomatie ne devait pas être exclue et que les négociations ne signifiaient pas nécessairement une capitulation». Il a jugé jeudi la perspective d’un «conflit direct entre l’OTAN et la Russie préoccupante», selon des propos rapportés par l’agence officielle turque Anadolu.
Ankara, qui dispose de l’une des principales armées de l’Otan, située sur son front oriental, s’est tenu jusqu’à présent à équidistance de Moscou et de Kiev depuis le début de l’intervention russe. Le chef de l’Etat turc a cependant estimé, l’an dernier, que l’Ukraine «mérite pleinement» d’intégrer l’OTAN dont il a relevé jeudi l’importance en tant qu’organisation internationale.
«Nous ne pensons pas que l’Organisation de coopération de Shanghai soit une alternative à l’Otan», a-t-il indiqué. «De même, nous ne considérons pas les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) comme une alternative à toute autre structure», a-t-il également prévenu.
Le président turc a annoncé en 2022 son intention de rallier l’Organisation de coopération de Shanghaï (OCS) qui réunit plusieurs pays aux relations tendues avec l’Occident, dont la Russie, la Chine et l’Iran. Il a participé la semaine dernière à son sommet à Astana, au Kazakhstan, en tant que «partenaire de dialogue» et y a rencontré le président russe Vladimir Poutine.
Par ailleurs, le Premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orban a rencontré jeudi l’ancien président américain Donald Trump en Floride, à l’issue du sommet de l’OTAN à Washington et au terme d’un périple de V. Orban à Kiev, Moscou, puis Pékin où il voulait chercher une voie de résolution au conflit en Ukraine.
«Nous avons discuté des moyens de faire la paix», a déclaré V. Orban dans un message publié jeudi soir sur X, accompagné d’une photo de la rencontre entre les deux dirigeants dans la résidence de Mar-a-Lago de M. Trump. «La bonne nouvelle du jour : il va résoudre le problème !» a-t-il ajouté, sans donner plus de détails sur la rencontre.
La Hongrie occupe depuis le 1er juillet la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne (UE), une fonction de coordination des travaux législatifs qui n’autorise pas à s’exprimer au nom des Européens sur la scène internationale.
Au sommet de Washington, le dirigeant hongrois, qui ne s’est guère épandu devant la presse, est apparu isolé, mis en cause par nombre de dirigeants européens qui ont dénoncé son déplacement à Moscou la semaine dernière, où il s’est entretenu avec le président Vladimir Poutine.
«C’est son choix, il l’a fait souverainement, mais en faisant ses visites, il ne nous a en rien engagés parce qu’il ne nous a en rien informés au préalable et n’a reçu aucun mandat», a souligné vendredi devant la presse E. Macron, à l’issue d’un sommet de l’Otan.
La veille, le président finlandais Alexander Stubb a déclaré ne voir «vraiment aucune utilité à aller discuter avec des régimes autoritaires» et le président du Conseil européen, Charles Michel, a ajouté n’être «pas du tout d’accord avec cela». L’ombre de Donald Trump a plané tout au long du sommet de l’OTAN et la visite de Viktor Orban intervient sur fond d’interrogations sur le maintien de la candidature de Joe Biden à un second mandat en novembre.