La première visite d’un chef de la diplomatie indienne sur le sol pakistanais depuis près d’une décennie amorce «un dégel» des relations entre les deux ennemis historiques, a déclaré hier le ministre pakistanais de l’Information, au deuxième jour d’un sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à Islamabad, rapporte l’AFP.
L’Inde et le Pakistan s’opposent depuis leur partition en 1947 en deux Etats distincts à la fin de la colonisation britannique. Les deux voisins, dotés de l’arme nucléaire, se sont livrés trois guerres majeures et connu de nombreux conflits localisés. «Ni nous, ni eux n’avons réclamé de réunion bilatérale», a indiqué le ministre pakistanais de l’Information, Attaullah Tarar, en marge du sommet, estimant toutefois que la présence en elle-même du ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, était un signe de «dégel» entre les voisins. «Hier, lorsque les dirigeants ont été accueillis et se sont serré la main, un signal positif a été envoyé au monde entier», a-t-il ajouté.
M. Jaishankar et le Premier ministre pakistanais, Shehbaz Sharif, se sont salués mardi, le visage sombre, au début d’un dîner officiel organisé en l’honneur des dirigeants venus assister au sommet de l’OCS, un groupe de dix nations créé par la Chine et la Russie avec pour objectif de discuter de la sécurité mutuelle et de la coopération politique et militaire entre ses pays membres.
Les relations entre les deux pays étaient particulièrement tendues depuis 2019 et la décision du Premier ministre indien, Narendra Modi, de révoquer l’autonomie limitée dont jouissait le Cachemire.
Source de tension permanente, ce territoire himalayen, à majorité musulmane, est géographiquement divisé entre l’Inde et le Pakistan qui en revendiquent tous deux la souveraineté. La décision de N. Modi, populaire en Inde, avait conduit le Pakistan à suspendre ses relations commerciales avec son voisin et lourdement dégradé les liens diplomatiques avec New Delhi.
Pour un Afghanistan «stable»
Les deux pays rivaux s’accusent depuis régulièrement d’espionnage et de soutien aux rebelles du territoire de l’autre.
Dans un discours prononcé hier, le chef de la diplomatie indienne, M. Jaishankar, a souligné l’importance de la «confiance mutuelle, de l’amitié et des liens existants en tant que voisins». «Si les activités transfrontalières sont définies par le terrorisme, l’extrémisme et le séparatisme, elles ne permettront pas le développement d’échanges commerciaux, énergétiques et humains», a-t-il ajouté.
Les Premiers ministres des Etats membres que sont la Chine, la Russie, le Belarus, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizstan, participent eux aussi au sommet de l’OCS axé sur des questions commerciales, humanitaires et sociales.
Le Premier ministre pakistanais, Shehbaz Sharif, a interpellé hier ces dirigeants pour garantir la «sécurité mutuelle» des membres de l’OCS et coopérer pour aboutir à un «développement durable et prospère» dans la région. Il a notamment appelé ses alliés régionaux à agir contre des militants se réfugiant sur le sol afghan pour préparer des attaques contre ses voisins. «La communauté internationale doit intervenir» pour faire pression sur le gouvernement taliban et «veiller à ce que le sol afghan ne soit pas utilisé à des fins terroristes contre ses voisins», a-t-il déclaré alors que le Pakistan connaît une recrudescence d’attaques.
Ces actions sont orchestrées par les talibans pakistanais, formés au combat en Afghanistan et se réclamant de la même idéologie, depuis le retour au pouvoir en 2021 des talibans chez son voisin. Islamabad affirme que ces militants s’y réfugient désormais, ce que Kaboul réfute. M. Sharif a estimé qu’un «Afghanistan stable» pourrait offrir des «opportunités commerciales» et pour les exportations dans la région qui «profiteraient à tous les membres».
L’Afghanistan a le statut d’observateur à l’OCS mais n’a pas été invité aux sommets depuis que le gouvernement taliban a remplacé la République en 2021 et imposé une application ultra-rigoriste de la loi islamique. Si aucun pays au monde n’a officiellement reconnu le gouvernement taliban, celui-ci a connu une série de percées diplomatiques ces derniers mois.