Sommet de l’Asean+3 : Pékin met en garde contre une «nouvelle guerre froide»

07/09/2023 mis à jour: 05:02
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Photo : D. R.

«Des désaccords et des disputes peuvent surgir entre les pays à cause de malentendus, d’intérêts divergents ou d’interférences externes», a déclaré Li Qiang. Et de poursuivre : «(…) Ce qui est essentiel à présent est de ne pas choisir un camp, de s’opposer à la confrontation entre blocs, et d’empêcher une nouvelle guerre froide».

Le Premier ministre chinois Li Qiang a appelé hier les grandes puissances à maintenir leurs différends sous contrôle et mis en garde contre les risques d’ «une nouvelle guerre froide», au cours du sommet en Indonésie où sont réunis les représentants des grandes puissances et des dirigeants d’Asie du Sud-Est, rapporte l’AFP.

Pékin a exprimé précédemment des inquiétudes face à la politique américaine visant à encourager la formation de blocs régionaux dans son voisinage, comme le Quad (USA, Japon, Australie et Inde) ou l’alliance militaire Aukus (Australie, Etats-Unis, Royaume-Uni). Le responsable chinois a appelé à s’opposer à toute confrontation entre blocs à un sommet de l’Asean+3 réunissant le Premier ministre japonais Fumio Kishida, le président sud-coréen Yoon Suk Yeol et les dirigeants de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est.

«Des désaccords et des disputes peuvent surgir entre les pays à cause de malentendus, d’intérêts divergents ou d’interférences externes», a déclaré Li Qiang. «Pour maintenir ces différends sous contrôle, ce qui est essentiel à présent est de ne pas choisir un camp, de s’opposer à la confrontation entre blocs, et d’empêcher une nouvelle guerre froide», a-t-il poursuivi.

Après une réunion des dirigeants de l’Asean mardi, le groupe régional a tenu à Jakarta plusieurs sommets successifs mercredi avec la Chine, le Japon, la Corée du Sud et les Etats-Unis, et le Canada, offrant ainsi l’occasion aux grandes puissances de courtiser ou de faire pression sur le bloc de 10 pays.

La vice-présidente américaine, Kamala Harris, remplace le président Joe Biden à cette occasion, et le Premier ministre chinois Li Qiang remplace le président Xi Jinping. Aujourd’hui, Jakarta accueille le sommet de l’Asie de l’Est qui devrait couvrir les grands enjeux géopolitiques avec 18 pays présents, dont la Russie et l’Inde.

Au cours de sa rencontre avec les dirigeants de l’Asean, Kamala Harris les a remerciés pour «leur engagement commun en faveur des règles et normes internationales (...) et des problèmes régionaux». Les dirigeants japonais et chinois ont évoqué la question du rejet des eaux de la centrale nucléaire de Fukushima.

Fumio Kishida a expliqué la position japonaise et appelé à une relation bilatérale «constructive et stable», tandis que le responsable chinois a insisté pour une attitude responsable de Tokyo sur ces rejets qui inquiètent les pays de la région. «Mais ce n’était pas une discussion tendue», a indiqué un diplomate présent à la réunion.

Le président sud-coréen a de son côté demandé à ses partenaires de refuser toute coopération potentielle avec la Corée du Nord, qui mène des négociations sur des ventes d’armes avec la Russie, selon Washington.

«Toute tentative de nouer une coopération militaire avec la Corée du Nord, qui agit pour saper la paix dans la communauté internationale, doit immédiatement cesser», a déclaré le dirigeant du Sud, cité par un responsable de la Présidence selon l’agence Yonhap. Hôte du sommet de l’Asean, l’Indonésie a déclaré mardi que les pays du groupe ne devaient pas servir d’intermédiaire aux grandes puissances, alors que Washington et Pékin continuent de s’opposer sur les questions de Taïwan, de la mer de Chine méridionale et de l’intervention russe en Ukraine.

Des sujets qui fâchent

La Birmanie constitue aussi un sujet important lors des rencontres avec la Chine, un allié diplomatique clé de la junte. Mardi, les dirigeants d’Asie du Sud-Est ont fermement condamné les violences et les attaques contre les civils en Birmanie, accusant directement la junte. Kamala Harris a indiqué que Washington «continuerait à faire pression sur le régime pour mettre fin aux violences horribles, et pour libérer tous ceux qui sont injustement détenus ainsi que pour rétablir la Birmanie sur le chemin d’une démocratie inclusive».

La cheffe de la diplomatie indonésienne Retno Marsudi a admis que le plan de paix élaboré en 2021 pour résoudre la crise n’a apporté aucun progrès significatif, la junte refusant notamment d’engager le dialogue avec ses opposants. L’Asean a par ailleurs confirmé mardi que la présidence tournante du bloc du Sud-Est asiatique pour 2026 a été retirée à la Birmanie, et attribuée aux Philippines.

La Birmanie a renoncé à présider l’Asean en 2006, face à la menace de boycott des Etats-Unis, de l’Union européenne et d’autres puissances internationales pour protester contre la junte de l’époque. De son côté, la junte birmane a fustigé hier la déclaration «unilatérale» des dirigeants de l’Asean qui ont condamné les violences contre les civils en Birmanie.

L’armée au pouvoir «rejette» le texte de l’Asean, dont les décisions sont «biaisées» et «unilatérales», a écrit le ministère des Affaires étrangères, dans un communiqué publié par le journal d’Etat Global New Light of Myanmar. Naypyidaw appelle l’Asean à respecter «les principes fondamentaux de la Charte de l’Asean, notamment la non-interférence dans les affaires internes des Etats membres».

La Chine a déclenché l’alarme chez plusieurs membres de l’Asean la semaine dernière en publiant une nouvelle carte officielle revendiquant la souveraineté sur la majorité de la mer de Chine méridionale. La Malaisie, le Vietnam, les Philippines et le Japon ont officiellement dénoncé ce document.

Certains dirigeants de l’Asean ont exprimé des inquiétudes à propos «des terres regagnées sur la mer, d’activités et d’incidents graves» dans la mer de Chine méridionale, selon un communiqué de la présidence de l’Asean publié hier. Mais les membres du groupe régional devraient éviter de confronter directement Pékin.

Le président philippin Ferdinand Marcos a mis en garde, dans un communiqué mardi soir, contre les ambitions «hégémoniques» dans la zone maritime stratégique, où les tensions se multiplient, soulignant que le moindre incident pourrait avoir «de très graves conséquences pour tous».

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