L’Afrique de l’Ouest a vu se succéder les coups de force en moins de deux ans : putsch le 18 août 2020 à Bamako, nouveau pronunciamiento le 24 mai 2021, putsch le 5 septembre 2021 à Conakry, et putsch le 24 janvier 2022 à Ouagadougou.
Les dirigeants de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) se réuniront lors d’un sommet demain à Accra au Ghana. Ordre du jour : ils doivent statuer sur les sanctions concernant le Mali, la Guinée et le Burkina Faso, trois pays théâtre de coups d’Etat. Les leaders ouest-africains, qui entendent peser pour un retour rapide des civils au pouvoir, vont se pencher sur les vigoureuses mesures de rétorsion commerciales et financières infligées au Mali depuis janvier, et sur celles, moins lourdes, du Burkina Faso et de la Guinée.
Le Mali, pays pauvre et enclavé, exsangue d’un conflit qui dure depuis plus d’une décennie, est confronté à un embargo sur les transactions commerciales et financières, hors produits de première nécessité. Le Burkina, autre pays sahélien pris dans la tourmente djihadiste, et la Guinée ne sont pour l’heure que suspendus des organes de la Cédéao. Mais les juntes en place entendent y rester trois ans et exposent leur pays à un durcissement des sanctions. D’âpres négociations sont en cours depuis des mois entre la junte militaire au Mali et la Cédéao, mais elles n’ont jusque-là pas abouti à un compromis.
Instabilité
Lors du dernier sommet, le 4 juin, aucune décision n’a été prise sur les sanctions à l’encontre des régimes putschistes, et la Cédéao s’est donné un mois de plus pour négocier et s'entendre sur une levée ou un maintien des sanctions. De son côté, le médiateur Goodluck Jonathan, ancien président du Nigeria, s'est rendu hier à Bamako pour rencontrer les autorités militaires.
Celles-ci ont annoncé mercredi un calendrier électoral fixant la présidentielle à février 2024, le référendum constitutionnel à mars 2023, et les législatives entre octobre et novembre 2023. Il vient compléter l’adoption, le 17 juin, d’une nouvelle loi électorale : autant de pré-requis indispensables pour la Cédéao dans l’optique d’une levée des sanctions infligées le 9 janvier au pays pour stopper le projet des militaires de gouverner cinq années.
Un potentiel point de blocage dans les négociations peut néanmoins subsister dans la porte désormais ouverte, par la nouvelle loi électorale, d’une candidature d’un militaire à une élection présidentielle. L’Afrique de l’Ouest a vu se succéder les coups de force en moins de deux ans : putsch le 18 août 2020 à Bamako, nouveau pronunciamiento le 24 mai 2021, putsch le 5 septembre 2021 à Conakry, et putsch le 24 janvier 2022 à Ouagadougou.
Au Burkina Faso, la Cédéao a nommé un médiateur, l’ancien président du Niger Mahamadou Issoufou, malgré son «inquiétude» devant les 36 mois prévus pour la transition. Il était attendu hier à Ouagadougou.
Un calendrier électoral, présenté par la junte aux partis mercredi, doit lui être proposé. Il «porte sur deux aspects : la restauration de la sécurité et l’organisation des élections pour le retour à un ordre constitutionnel normal», a dit le Premier ministre Albert Ouedraogo. Pour l’ancien parti au pouvoir, la présentation de ce calendrier est, selon son président Alassane Bala Sakandé, «du spectacle pour la Cédéao».
En Guinée, pays qui a refusé jusqu’alors la venue d’un médiateur, la junte a acté une durée de transition de 36 mois. Un délai qualifié d’«impensable» par le chef de l’Etat sénégalais Macky Sall, président en exercice de l’Union africaine (UA). «La Cédéao va devoir prendre des mesures», a-t-il déclaré.
L’organisation a exprimé lors du dernier sommet «ses graves inquiétudes» devant les tensions politiques, et pressé les autorités d’établir un cadre de dialogue avec les acteurs politiques et la société civile.
Lundi, comme un premier pas, le gouvernement a reçu les principales formations politiques en vue d’engager un dialogue. Plusieurs partis ont conditionné leur participation à la nomination d’un médiateur ouest-africain.