Un sommet des dirigeants d'Afrique de l'Ouest s'est ouvert, hier à Abuja, la capitale du Nigeria, dans un contexte politique tendu après la décision des régimes militaires du Niger, du Mali et du Burkina de s'unir au sein d'une «confédération», rapporte l’AFP.
Les trois pays ont annoncé samedi la formation de cette confédération. Leur premier sommet, organisé comme un défi la veille de celui de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), met cette dernière une nouvelle fois à l'épreuve, après la décision plus tôt cette année du Mali, du Burkina et du Niger de quitter l'organisation. La Cédéao est également confrontée à la violence persistante des djihadistes, à des problèmes de financement et à des difficultés pour rassembler une force régionale.
Le bloc ouest-africain affaibli n'a pas encore réagi après l'adoption par le Niger, le Mali et le Burkina d'un traité établissant une «Confédération des Etats du Sahel», samedi à Niamey. Mais le chef de la commission de la Cédéao, Omar Alieu Touray, a prévenu hier que les trois pays risquaient l'«isolement diplomatique et politique» et la perte de millions d'euros en investissements.
La rupture va également aggraver l'insécurité régionale et entraver l'établissement d'une force régionale, a ajouté A. Touray avant que la Cédéao ne tienne une session à huis clos à Abuja. «En dehors des nombreuses menaces liées à la paix et à la sécurité ainsi que les défis liés à la pauvreté, notre région est également confrontée aux risques de désintégration», a-t-il constaté.
Les dirigeants militaires actuels du Niger, du Mali et du Burkina sont arrivés au pouvoir par des coups d'Etat ces dernières années et ont annoncé en janvier leur départ commun de la Cédéao. Les trois pays ont rompu avec la France, ancienne puissance coloniale, faisant partir les troupes françaises qui étaient stationnées chez eux.
Le général Abdourahamane Tiani, le leader nigérien, a appelé samedi à construire «une communauté éloignée de la mainmise des puissances étrangères». Il a aussi affirmé que les peuples des trois pays ont «irrévocablement tourné le dos à la Cédéao», rejetant les appels du bloc à rentrer dans les rangs.
Fêlures
Le retrait des pays du Sahel de la Cédéao a été alimenté en partie par leurs accusations selon lesquelles Paris manipulait l'organisation régionale et ne fournissait pas un soutien suffisant aux efforts anti-djihadistes. Le sommet de dimanche à Abuja intervient suite à l'appel de plusieurs présidents ouest-africains pour la reprise du dialogue. Il s'agit de la première réunion de ce type pour le nouveau président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, qui a déclaré en mai que la réconciliation est possible.
Les liens entre le Niger et la Cédéao se sont détériorés à la suite du coup d'Etat de juillet 2023 qui a porté le général Tiani au pouvoir. La Cédéao a alors imposé des sanctions et menacé d'intervenir militairement pour rétablir le président évincé, Mohamed Bazoum. Les sanctions ont été levées en février, mais les relations restent glaciales.
A la veille du sommet de la Cédéao, les ministres de la Défense et des Finances des pays membres se sont penchés sur le financement d'une «force régionale de lutte contre le terrorisme et de rétablissement de l'ordre constitutionnel», proposée de longue date par la commission de la Cédéao. Le projet prévoit la création d'une unité initiale de 1500 hommes, et une proposition visait à rassembler ensuite une brigade de 5000 soldats, pour un coût d'environ 2,6 milliards de dollars par an.
La Cédéao a déjà lancé des interventions militaires par le passé, mais sa menace de le faire après le coup d'Etat au Niger s'est évanouie. Alors que le bloc est confronté à des défis régionaux, Omar Alieu Touray a averti que sa «situation financière s'amenuise». Des informations ont également fait état d'un désaccord sur la possible reconduction du président nigérian Bola Ahmed Tinubu à la présidence de la Cédéao. Un conseiller en communication du président nigérian, Bayo Onanuga, a déclaré que «si certains pays souhaitent qu'il reste parce que la région a été confrontée à une crise, les pays francophones veulent le siège».
Certains pays francophones devaient envoyer leurs ministres des Affaires étrangères au sommet de dimanche au lieu de leurs dirigeants. Le ministre des Affaires étrangères du Bénin a déclaré que le président Patrice Talon ne serait pas présent «pour des raisons d'agenda» et a nié tout différend, affirmant que P. Talon soutenait la reconduction de A. Tinubu dans ses fonctions.