La session est ouverte mais sans représentant officiel des trois principaux concernés : le Mali, le Burkina Faso et la Guinée.
Les dirigeants des pays membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) se sont réunis, hier à Accra, pour réexaminer leur plan d’action face aux juntes arrivées au pouvoir par la force au Mali, en Guinée et au Burkina Faso, rapporte l’AFP.
«Nous avons décidé de réexaminer le sujet pendant ce sommet ordinaire», a déclaré le président ghanéen Nana Akufo-Addo à l’ouverture de la session en présence des dirigeants de la plupart des 15 pays membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), mais sans représentant officiel des trois principaux concernés.
«La Cédéao reste engagée à accompagner ces nations sœurs à revenir à un ordre constitutionnel et démocratique normal. Nous allons entendre les médiateurs sur les derniers développements dans ces pays pour prendre les décisions appropriées», a-t-il dit, avant le début des travaux à huis clos.
Les chefs d’Etat ouest-africains doivent notamment se prononcer sur le Mali, qui subit depuis le 9 janvier de sévères mesures de rétorsion commerciales et financières et qui a accepté récemment des pré requis indispensables à leur levée. Le Burkina, autre pays sahélien pris dans la tourmente jihadiste, et la Guinée ne sont pour l’heure que suspendus des organes de la Cédéao. Mais les juntes en place entendent y rester trois ans et exposent leur pays à un durcissement des sanctions.
Depuis deux ans, l’Afrique de l’Ouest a vu se succéder les coups de force des colonels et lieutenants-colonels : putsch le 18 août 2020 à Bamako, nouveau coup d’Etat parachevant le premier le 24 mai 2021, putsch le 5 septembre 2021 à Conakry, putsch le 24 janvier 2022 à Ouagadougou.
Les nouveaux hommes forts, le colonel Assimi Goïta au Mali, le colonel Mamady Doumbouya en Guinée et le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, se sont tous fait investir Président. Ils ont invoqué en la circonstance la gravité des crises multiformes auxquelles ils sont confrontés. Ils veulent à entendre leur discours obtenir le temps nécessaire pour faire aboutir ce qu’ils présentent comme un processus de «refondation» de leur Etat, et à l’organisation d’élections crédibles.
Une transition et des incertitudes
De son côté, la Cédéao multiplie les sommets, les médiations et les pressions pour accélérer le retour des civils à la direction de ces pays. La décision sur la levée de l’embargo sur les transactions commerciales et financières est très attendue au Mali, épuisé par dix ans de conflit, et où les négociations entre la junte et la Cédéao durent depuis des mois. Le médiateur Goodluck Jonathan, ancien président du Nigeria, s’est rendu la semaine dernière à Bamako.
Les autorités ont annoncé mercredi un calendrier électoral fixant la présidentielle à février 2024, le référendum constitutionnel à mars 2023, et les législatives entre octobre et novembre 2023. Il vient compléter l’adoption le 17 juin d’une nouvelle loi électorale et la mise en place d’une commission chargée de rédiger la nouvelle Constitution. Un obstacle dans les négociations suscite de l’inquiétude : la porte ouverte par la nouvelle loi électorale d’une candidature d’un militaire à une élection présidentielle.
La Guinée a mené cette semaine une intense campagne diplomatique pour apaiser les dirigeants ouest-africains et éviter de nouvelles sanctions. La junte a suscité l’ire de ses voisins en actant une durée de transition de 36 mois. Un délai qualifié d’«impensable» par le chef de l’Etat sénégalais, Macky Sall, président en exercice de l’Union africaine. «La Cédéao va devoir prendre des mesures», a-t-il dit.
Le Premier ministre de transition Mohamed Béavogui a reçu samedi le représentant spécial des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, Mahamat Saleh Annadif. Le message de la Guinée est de rassurer «les frères de la Cédéao», sur l’engagement du pays à mener une transition apaisée et inclusive, a souligné le gouvernement. Lundi, le gouvernement a aussi reçu les principales formations politiques en vue d’engager un dialogue. Plusieurs mouvements politiques ont conditionné leur participation à la nomination d’un médiateur ouest-africain.
Au Burkina Faso, la Cédéao a nommé un médiateur, l’ex-président nigérien Mahamadou Issoufou, malgré son «inquiétude» devant les 36 mois prévus pour la transition. En visite samedi à Ouagadougou, ce dernier a salué «l’ouverture au dialogue» des militaires et dit avoir «échangé sur le chronogramme de la transition» présenté mercredi aux leaders politiques.
Les autorités burkinabè prévoient les dates du 24 décembre 2024 pour un référendum constitutionnel et du 25 février 2025 pour la tenue d’élections législatives et présidentielle. Vendredi, les partis de l’ex-majorité du président Roch Marc Christian Kaboré renversé ont dénoncé l’agenda présenté par la junte comme une «manœuvre solitaire qui contraste avec les impératifs d’une transition inclusive et réussie», regrettant «l’absence de concertations en amont».