Il y a tout juste 70 ans, l’assassinat de six manifestants algériens le 14 juillet 1953 peut-il être abordé comme un prélude au 1er Novembre 1954 ? Plusieurs événements de lutte dans les années 1950 révèlent le degré d’engagement du mouvement national dans l’émigration.
Il y a eu six morts algériens lors de la tuerie du 14 juillet 1953 à Paris. Dans notre triste liste publiée lundi 10 juillet, nous avions omis Amar Tadjadit (1927 – Alger). Que la famille du martyr nous en excuse ! Ce militant est décédé avec ses compagnons Abdallah Bacha (né en 1928 –Alger) ; Larbi Daoui (1926 – Oran) ; Abdelkader Dranis ; Mohamed Isidore Illoul (1933 –Constantine).
Tous étaient des militants de la cause nationale. Aguerris et prêts à revendiquer coûte que coûte les droits pour les Algériens et l’indépendance pour le pays. Cette précision nous donne l’occasion de revenir sur cette époque prérévolutionnaire sur le territoire français avant que la Guerre de libération n’éclate en Algérie le 1er Novembre 1954. Avant ce 14 juillet 1953 funeste, les graines de la lutte étaient semées.
Le militant et historien de cette période Maurice Rajsfus écrit que cette tuerie n’est en rien hasardeuse : «Cela fait longtemps que l’on assassine en Algérie, dans le même temps que des Algériens sont réprimés et même tués sur le sol français.»
Dans son livre 1953, un 14 juillet sanglant (édition le Détour 2021), il cite quelques prémisses. Avec déjà en 1951, pour la manif’ du 1er Mai des drapeaux algériens sont brandis par les militants algériens, ce qui provoque des bagarres avec la police : «Il y a 68 blessés et des centaines d’arrestations.»
«LA POLICE INTERPELLE TOUS LES PASSANTS AYANT LE TEINT BASANÉ»
Même chose le 1er mai 1953, dans le Nord, à Anzin et Valenciennes, «la police intervient contre des cortèges où on brandit le drapeau algérien. Il y a 200 arrestations et 100 blessés parmi les Algériens». Et d’autres faits qui rappellent l’implication précoce de l’émigration algérienne dans le combat et déjà les comportements racistes de la police française.
Ainsi, le 19 septembre 1950, 3000 Nord-Africains manifestent contre la non-parution du journal L’Algérie libre. 1127 personnes sont arrêtées : «La police interpelle tous les passants ayant le teint basané.» La même année 1950, le 4 décembre, «pour protester contre l’arrestation de deux des leurs, 30 Nord-Africains attaquent un commissariat de police à Belleville». Le 3 avril 1951, «150 Nord-Africains sont arrêtés aux abords de la Maison de la mutualité, à Paris à l’occasion d’une manifestation interdite du MTLD. De violents heurts entre les CRS et des passants font plusieurs blessés».
UN ALGÉRIEN TUÉ LE 10 DÉCEMBRE 1952
On pourrait citer et conclure cette liste qui pourrait être rallongée, par le 10 décembre 1952. Maurice Rajsfus rapporte les faits suivants : «De nombreux Nord-Africains participent à la manifestation communiste contre la venue à Paris du général Matthieu Ridgway. Le militant algérien Hocine Belaïd est tué par la police près de la place Stalingrad.» Rajsfus en observateur et témoin parle dans son livre de «volonté meurtrière» : «La haine du ‘‘bougnoule’’ est toujours tenace chez nos policiers, et la pratique brutale de rigueur .»
Quel constat ferait-il aujourd’hui après la mort du jeune Nahel et l’épisode de fièvre lors des émeutes de la fin juin. ? Dans des circonstances différentes, mais avec un fond sur lequel les historiens ont matière à étudier les analogies.
France
De notre correspondant Walid Mebarek