Situation économique : L’Afrique tient le coup

22/01/2023 mis à jour: 00:37
AFP
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Il y a onze mois, tous les rapports économiques évoquaient les «gros nuages» qui menaçaient le continent. Et ils sont venus de tous les côtés : la persistance du choc économique dû à la pandémie de Covid-19, le ralentissement de la croissance, les impacts du changement climatique, l’inflation au plus haut depuis plus d’une décennie et finalement la guerre en Ukraine. 

Si l’on pouvait redouter un «ouragan de famines» ou des troubles sociaux, toutes ces prédictions ne se sont manifestées que de façon marginale. Voilà qu’en ce début d’année, les grandes institutions revoient à la hausse ou rectifient leurs prédictions de croissance. A commencer par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, qui ont annoncé que l’Afrique devrait globalement échapper à la récession mondiale avec une croissance du PIB certes en baisse, mais non loin des 4% (3,7%).

Des prévisions non loin de celles des économistes de la Banque africaine de développement, «la croissance moyenne estimée du produit intérieur brut (PIB) réel a ralenti, passant de 4,8% en 2021 à 3,8% en 2022, et devrait se stabiliser à 4% en 2023-2024», viennent-ils d’annoncer, saluant «la résilience économique des pays africains», malgré les incertitudes mondiales. C’était à l’occasion de la publication du tout nouveau rapport de la BAD, intitulé «Les performances et perspectives macroéconomiques de l’Afrique» et présenté le 19 janvier au siège de l’institution à Abidjan, en Côte d’Ivoire. 

Des économies africaines résilientes

Alors que la BAD indique également que «l’inflation moyenne des prix à la consommation a augmenté de 0,9 point de pourcentage pour atteindre 13,8% en 2022, contre 12,9 % en 2021», et que «15 millions de personnes supplémentaires sont tombées dans l’extrême pauvreté en Afrique» à cause de la hausse des prix mondiaux de l’énergie et des produits alimentaires en 2022, l’Afrique ne s’est pas désintégrée. Dans le détail, toutes les régions africaines ont connu une croissance en 2022 : l’Afrique centrale en tête, grâce aux cours favorables des matières premières (+4,7%), devant l’Afrique du Nord (+4,3%), l’Afrique de l’Est (+4,2%), l’Afrique de l’Ouest (+3,8%). L’Afrique australe est légèrement décrochée avec une croissance de 2,5%, à cause notamment des faibles performances de l’Afrique du Sud plongée dans une grave crise énergétique alors que le pays est la locomotive de la sous-région. 

Des risques mondiaux 
et régionaux

Avec 54 pays à différents stades de croissance, différentes structures économiques et diverses dotations en ressources, les effets des chocs mondiaux varient toujours en fonction de la région et du pays, a pointé Akinwumi Adesina, le président de l’institution panafricaine, qui a présenté ce nouveau rapport devant un parterre de décideurs économiques et politiques avec l’ambition de fournir des données plus actualisées et qui reflètent au plus près la réalité du continent. «Le ralentissement de la demande mondiale, le durcissement des conditions financières et la perturbation des chaînes d’approvisionnement ont donc eu des répercussions différentes sur les économies africaines», a-t-il poursuivi. Le rapport émet une réserve sur les perspectives compte tenu des risques mondiaux et régionaux actuels. Ces risques comprennent la flambée des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, le durcissement des conditions financières mondiales et l’augmentation connexe des coûts du service de la dette intérieure. 

Les changements climatiques, avec leurs effets néfastes sur l’approvisionnement en denrées alimentaires et le risque potentiel d’un changement de politique dans les pays où se tiendront des élections en 2023, représentent des menaces tout aussi redoutables. 

Ou encore les conflits régionaux qui s’accélèrent, notamment au Burkina Faso, en République démocratique du Congo, en Ethiopie, au Mali et au Mozambique. Sans oublier les risques politiques dus aux élections nationales prévues en 2023. 

Des conditions financières plus difficiles à l’international

Mais l’urgence, c’est surtout la dette. Ainsi la BAD d’alerter sur le niveau d’endettement des Etats africains, toujours plus alarmant. Vingt-trois pays africains étaient soit en situation de surendettement, soit à haut risque de l’être en septembre 2022. La question revient avec persistance ces dernières années, et la Banque panafricaine veut porter ce dossier à l’international. Car le resserrement des conditions financières mondiales pourrait accroître les vulnérabilités de plusieurs pays africains. Et ce dans un contexte où beaucoup d’Etats disposent de marges de manœuvre budgétaire limitées. Il faut souligner qu’avant même l’apparition de la pandémie mondiale, les Etats africains étaient déjà accablés par des déficits budgétaires et un endettement inquiétant. 

Le rapport préconise des mesures pour «réduire les déficits budgétaires structurels et l’accumulation de la dette publique», ainsi qu’une «coordination efficace des actions budgétaires et monétaires» et «la stimulation du commerce intra-africain». Pour ce qui est de la dette, la BAD souhaiterait un appui des pays riches à ceux à faibles revenus, qui pourrait se matérialiser par des délais supplémentaires accordés pour rembourser les dettes, ou la réaffectation des réserves du FMI, les fameux Droits de tirage spéciaux (DTS), aux pays qui en ont le plus besoin. Une demande légitime pour l’institution, car le resserrement des conditions financières mondiales exerce une pression sur les monnaies nationales africaines. «Comme dans de nombreux pays émergents, le durcissement des conditions financières et l’appréciation du dollar américain ont eu des conséquences désastreuses pour la plupart des économies africaines. Ils ont augmenté le coût du service de la dette existante et accru le risque de surendettement», appuient les économistes de la BAD. 

L’exemple dans tous les esprits est celui du Ghana. Le pays, autrefois cité en exemple pour sa stabilité et sa croissance élevée, ne cesse de s’enfoncer dans la crise. Avec une inflation historique de plus de 50%, l’effondrement du cours de la monnaie locale, des prix à la pompe qui ont doublé et une dette dont le remboursement avale la moitié des revenus de l’Etat, le Ghana est aux prises avec une grave crise économique. Sa pire, depuis des décennies. C’est surtout la chute du cours de la monnaie (le cedi), dévaluée de plus de 50% par rapport au dollar américain, qui a contribué à augmenter la valeur de la dette de 6 milliards de dollars. Autant de faits qui auraient dû inciter le pays à se tourner vers l’initiative de suspension du service de la dette, mis en place par le G20 pour aider les pays vulnérables dans le contexte pandémique. Les autorités ont craint une dégradation de leurs notes de crédit par les agences de notation internationales. Une réticence d’autant plus compréhensive que le processus au sein de ce cadre prend du temps. A ce jour, seul le Tchad a trouvé un accord avec ses créanciers, la Zambie devrait également en bénéficier, quant à l’Ethiopie, les discussions ont connu un coup d’arrêt à cause du conflit dans le Tigré.

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