Silence, on liquide l’Entreprise !

09/02/2022 mis à jour: 06:01
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Dans les Etats démocratiques, l’alternance au pouvoir s’articule fondamentalement autour de deux paramètres primordiaux sur lesquels les acteurs politiques sont attendus, de pied ferme, lors des rendez-vous électoraux : la courbe de la création d’emploi et celle du chômage, synonymes, selon les cas, de croissance économique ou de récession, et la maîtrise de l’inflation et son corollaire, l’amélioration du pouvoir d’achat. 

En tant que moteurs de la croissance, les créateurs de richesses que sont les chefs d’entreprise et tous les acteurs économiques voire, plus globalement, toutes les forces vives de la nation qui contribuent à la prospérité du pays, par-delà leurs sensibilités politiques, sont adulés, courtisés, écoutés et associés aux grandes et petites décisions intéressant la marche de l’économie. Sous ces latitudes où les notions de responsabilité dans la gestion des affaires de l’Etat et de la parole publique sont des valeurs sacrées, la fermeture d’une entreprise, même à capitaux étrangers, impliquant la mise au chômage de salariés nationaux provoque un branle-bas de combat, une mobilisation des gouvernements et des syndicats pour préserver les droits des travailleurs et l’outil de travail. En revanche, dans les économies rentières, comme celle de l’Algérie qui vit exclusivement des recettes des hydrocarbures, les entreprises sont souvent créées sur la base d’un volontarisme politique, sans rapport avec les réalités économiques et sociales du pays, avec les exigences du développement national. 

On l’a encore vu avec le désenchantement suscité auprès de nombreux jeunes entrepreneurs par le dossier des start-up face aux entraves de toutes sortes rencontrées sur le terrain par les porteurs de projets. Devant l’adversité, beaucoup ont mis la clé sous le paillasson ; un rêve qui s’est transformé en cauchemar pour nombre d’entre eux. Les petites et moyennes entreprises, qui sont considérées dans les pays développés comme le moteur de la croissance économique et industrielle, naissent et disparaissent dans l’indifférence totale chez nous. Le taux élevé de mortalité et la faible longévité de beaucoup d’entre elles constituent de sérieux motifs d’inquiétude qui découragent toute velléité d’investissement. 

La responsabilité de l’Etat dans la marche de l’économie ne se limite pas à la délivrance du registre du commerce. L’Exécutif a le devoir d’accompagner l’entreprise, indépendamment de son statut, public ou privé, de créer l’environnement propice à son développement pour être au rendez-vous des défis en matière de création d’emploi et de richesses. Le président Abdelmadjid Tebboune a placé l’année 2022 sous le signe de l’amorce du «décollage économique». 

Est-il possible de bâtir une économie forte et pérenne sur un champ de ruines ? Quand on voit toutes ces entreprises publiques et privées, relevant de tous les secteurs d’activités – parfois des fleurons de l’industrie algérienne – y compris les médias, menacées de liquidation, sans perspective de relance en vue, on ne peut être que pessimiste. Sous le règne de Bouteflika, l’économie était l’otage du politique, l’investissement était libéré ou bloqué sur la base de calculs politiciens et clientélistes, d’appétits de transferts de rentes, de règlements de comptes et de tentations de représailles pour réprimer des inimitiés politiques avérées ou supposées. 

Rompre avec ces pratiques nécessite plus que des opérations de ravalement de façade. Un changement systémique s’impose pour affranchir la décision économique du diktat du pouvoir politique.

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