Des affrontements armés ont secoué hier la capitale sierra-léonaise Freetown, où des assaillants encore inconnus ont tenté de forcer une armurerie militaire et fait sortir de nombreux détenus de prison, poussant le gouvernement à décréter un couvre-feu dans tout le pays, rapporte l’AFP. «Le gouvernement garde le contrôle et est maître de la situation», a déclaré le ministère de l’Information dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux.
Il a assuré que les forces de sécurité avaient repoussé à la périphérie de Freetown les responsables des affrontements armés. «Le calme règne dans l’essentiel de la ville, qui est sous le contrôle des forces de sécurité», a-t-il dit.
Les accès au centre de Freetown ont été bloqués par un déploiement massif de forces de sécurité. Cependant, les coups de feu semblaient avoir cessé à la mi-journée au moins dans certaines parties de la ville. L’aviation civile a demandé aux compagnies aériennes de reprogrammer leurs vols après la levée du couvre-feu, tout en assurant que l’espace aérien restait ouvert. Le gouvernement n’a rien dit sur les assaillants. La nature des événements reste peu claire, même s’ils réveillent le spectre d’une nouvelle tentative de coup d’Etat dans une Afrique de l’Ouest qui en a connu une série depuis 2020.
La Sierra Leone, pays anglophone, a traversé une crise politique à la suite d’élections présidentielle et générales contestées en juin 2023. La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a parlé, dans un communiqué, de tentative de faire main basse sur des armes de l’armurerie, mais aussi de «troubler la paix et l’ordre constitutionnel», langage communément employé pour les coups de force politique. La représentation locale de l’Union européenne s’est dite «inquiète» et a appelé à «respecter l’ordre constitutionnel».
Freetown s’est réveillée avant le lever du jour au son des détonations. Le gouvernement a indiqué que des individus avaient tenté de prendre d’assaut l’armurerie de la caserne de Wilberforce, une des principales du pays. «Ils ont tous été repoussés», a dit le ministère de l’Information. «Un couvre-feu national est instauré avec effet immédiat à travers tout le pays pour permettre aux forces de sécurité de continuer à rechercher les suspects», a-t-il indiqué. «Nous conseillons vivement à nos concitoyens de rester chez eux», a-t-il affirmé, un appel répercuté par l’Union européenne (UE) et la représentation du Royaume-Uni. Des vidéos aériennes tournées par l’AFP montrent des rues désertées.
Des heurts ont ensuite été rapportés près de la caserne de Morray Town, où se trouve la Marine, et en d’autres points de la capitale. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux ont montré des groupes d’hommes, mais aussi de femmes, présentés comme des détenus, s’éloigner dans les rues, de maigres effets à la main pour certains.
«Tolérance zéro»
Le gouvernement a reconnu que les gardiens avaient été surclassés par les assaillants et avaient préféré opérer une «retraite tactique». Il a démenti l’une des nombreuses rumeurs circulant dans la ville sous tension, à savoir une tentative de prise de contrôle de la télévision nationale, un classique des coups d’Etat. La télévision d’Etat a diffusé le message du gouvernement assurant que la situation était sous contrôle. «Nous restons déterminés à protéger la démocratie en Sierra Leone et je presse tous les Sierra-Léonais de s’unir autour de cette responsabilité collective», a déclaré le président Julius Maada Bio sur X (ex-Twitter) dans la matinée, avant de garder le silence. «Nous condamnons dans les termes les plus vigoureux la tentative de saisie forcée pendant la nuit de la caserne et de l’armurerie Wilberforce», a dit l’ambassade des Etats-Unis dans un message sur les réseaux sociaux. «Les Etats-Unis continuent de soutenir tous ceux qui œuvrent pour une Sierra Leone pacifique, démocratique, saine et prospère», a-t-elle ajouté.
La Cédéao a exprimé son soutien au gouvernement en place, et appelé à l’arrestation des responsables des événements. «La Cédéao réitère son principe de tolérance zéro pour les changements anticonstitutionnels de gouvernement», a-t-elle déclaré.
Julius Maada, élu une première fois en 2018, a été réélu en juin dès le premier tour, avec 56,17% des voix, selon les résultats publiés par la commission électorale, mais contestés par l’opposition.