Les députés sénégalais ont ouvert hier le débat sur une réforme qui pourrait rendre à nouveau éligibles deux figures de l’opposition, Khalifa Sall et Karim Wade, sept mois avant la présidentielle où ils figureraient parmi les principaux candidats, rapporte l’AFP.
Les députés doivent se prononcer sur une modification du code électoral qui en l’état empêche MM. Sall et Wade de concourir en raison de leur condamnation passée dans des affaires financières distinctes. Cette condamnation les avait empêchés de concourir à la présidentielle de 2019 contre le sortant et futur vainqueur Macky Sall (sans parenté avec Khalifa).
Le texte appelé à être soumis au vote permettrait, selon les termes du débat samedi, aux personnes condamnées et ayant bénéficié ensuite d’une amnistie ou d’une grâce, ce qui est le cas de MM. Sall et Wade, de figurer sur les listes électorales et donc de se présenter aux élections.
Karim Wade, 54 ans, collaborateur et ministre de son père président de 2000 à 2012, a été condamné en 2015 à six ans de prison ferme pour enrichissement illicite. Détenu plus de trois ans, il a été gracié en 2016 par le président Sall, mais a dû s’exiler. Khalifa Sall, 67 ans, maire de Dakar à partir de 2009, a été reconnu coupable du détournement d’environ 2,5 millions d’euros des caisses municipales, et condamné en 2018 à cinq ans de prison. Emprisonné en 2017, il a recouvré la liberté en 2019, lui aussi à la faveur d’une grâce présidentielle. MM. Wade et Sall ont dénoncé les procédures menées contre eux comme une machination visant à les éliminer politiquement. Une réhabilitation électorale des deux hommes est présentée par le pouvoir et une partie de l’opposition comme susceptible de contribuer à atténuer les vives tensions qu’a connues le Sénégal.
Le pays qui se distingue par sa relative stabilité dans une région troublée a vécu depuis 2021 plusieurs épisodes de contestation meurtrière liée au bras de fer entre l’opposant Ousmane Sonko et le pouvoir. L’incertitude sur une candidature du président sortant à un troisième mandat et sur l’éligibilité de MM. Sall et Wade a contribué aux tensions.
Le président Sall a annoncé début juillet qu’il ne briguerait pas sa succession. Après plus de deux ans de confrontation ouverte avec les autorités, Ousmane Sonko a été placé en détention lundi sous différents chefs d’inculpation, et sa candidature à la présidentielle semble désormais irréaliste. Le président Sall a accepté que l’éligibilité de Khalifa Sall et de Karim Wade soit discutée lors d’un dialogue ouvert fin mai avec une partie de l’opposition et destiné précisément à faire baisser la température. Les participants au dialogue, boycotté par Ousmane Sonko, se sont accordés pour modifier le code électoral.
Par ailleurs, l’avocat français Juan Branco, recherché par le Sénégal en lien avec des troubles récents dans ce pays, a été arrêté ont indiqué hier plusieurs responsables policiers sénégalais. Ces responsables, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat en l’absence de communication officielle sur un sujet transnational, n’ont pas fourni de précisions sur les circonstances de l’arrestation. Des médias sénégalais ont évoqué une arrestation entre le Sénégal et Mauritanie, alors que Me Branco cherchait selon eux à quitter discrètement le pays où il était entré subrepticement quelques jours auparavant.
Une source proche du dossier a également rapporté son arrestation du côté mauritanien, mais la situation de l’avocat restait floue samedi en milieu d’après-midi. Me Branco s’est fait un nom au Sénégal en prenant part à la défense d’Ousmane Sonko, opposant engagé depuis 2021 dans un bras de fer avec le pouvoir et la justice.
La confrontation a donné lieu depuis plus de deux ans à plusieurs épisodes de violences meurtrières. Il a annoncé une plainte en France et une saisine de la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye contre le président Macky Sall pour «crimes contre l’humanité» en juin. Le parquet sénégalais a annoncé le 14 juillet avoir ouvert une enquête judiciaire et requis un mandat d’arrêt contre lui en s’appuyant sur ses écrits et ses propos. Me Branco a cependant causé la surprise dimanche en faisant irruption «inopinément» dans une conférence de presse des avocats sénégalais d’Ousmane Sonko à Dakar, deux jours après l’arrestation de l’opposant. Il a été refoulé quelques mois auparavant à l’aéroport alors qu’il tentait d’entrer au Sénégal. La ministre sénégalaise des Affaires étrangères Aïssata Tall Sall n’a pas démenti jeudi devant la presse des informations selon lesquelles Me Branco était cette fois entré par la frontière terrestre avec la Gambie.