Alors que le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un poursuit sa visite en Russie, le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, déclare qu’il est prêt à le rencontrer « sans condition». La veille, la Maison-Blanche a indiqué que le conseiller à la Sécurité nationale, Jake Sullivan, s’était entretenu sur la rencontre Poutine-Kim avec ses homologues sud-coréen et japonais.
Le Japon a réitéré, hier, que son Premier ministre Fumio Kishida était prêt à rencontrer «sans condition préalables le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un, dont le récent rapprochement avec la Russie fait craindre une collaboration militaire entre les deux régimes isolés, rapporte l’AFP, citant le gouvernement.
«Le Premier ministre Kishida a exprimé sa détermination à rencontrer le dirigeant du Nord «à tout moment et sans condition préalable», a déclaré le porte-parole du gouvernement nippon, Hirokazu Matsuno, réitérant une position déjà exprimée par F. Kishida. «Nous aimerions organiser des discussions à un haut niveau» entre Tokyo et Pyongyang «sous le contrôle direct du Premier ministre, afin de parvenir à une rencontre au sommet dès que possible», a-t-il ajouté.
La ministre japonaise des Affaires étrangères, Yoko Kamikawa, a, de son côté, souligné jeudi un risque de «violation» des sanctions des Nations unies sur l’armement de la Corée du Nord. Les Etats-Unis ont, eux, prévenu qu’ils n’hésiteraient pas à imposer de nouvelles sanctions contre Pyongyang et Moscou, le cas échéant.
Pyongyang lorgne Moscou
De son côté, Kim Jong Un a effectué, hier, une visite des usines aéronautiques, notamment de production d’avions de chasse, poursuivant son déplacement en Russie.
Mercredi dernier, lors de son premier voyage officiel à l’étranger depuis la pandémie de la Covid, le dirigeant de Pyongyang avait retrouvé le président russe Vladimir Poutine sur le cosmodrome de Vostotchny (Est), dans l’objectif de renforcer les liens entre leurs deux pays, notamment militaires. Pour l’heure, rien n’a été communiqué officiellement au sujet d’un éventuel accord de livraison de matériel ou de collaboration militaire entre les deux pays isolés et sous sanctions internationales.
Après un accueil à la gare ferroviaire de Komsomolsk-sur-l’Amour, dans l’Extrême-Orient russe, par le gouverneur de la région de Khabarovsk, Mikhaïl Degtiarev, Kim Jong Un s’est notamment rendu dans l’usine aéronautique Youri Gagarine qu’avait déjà visitée, en 2002, son père, l’ex-dirigeant Kim Jong Il, a rapporté le gouvernement russe dans un communiqué.
Le numéro un nord-coréen, accompagné du vice-Premier ministre russe chargé de l’Industrie, Denis Mantourov, a pu inspecter des installations dédiées à la production d’avions de combat ainsi que de transport civil du constructeur Soukhoï, avant d’assister à une démonstration en vol d’un chasseur Su-35, selon la même source. «Nous voyons le potentiel pour une coopération, à la fois, dans le domaine de la construction aéronautique et dans d’autres secteurs», a dit le ministre russe, d’après le communiqué.
De son côté, le gouverneur local s’est dit, sur Telegram, «confiant qu’à travers des efforts communs, (nos) deux Etats continueront à défendre les idéaux de liberté et un monde multipolaire». «Aujourd’hui, nous nous tenons, ensemble, face à la pression de l’Occident collectif », a-t-il ajouté.
D’après V. Poutine, Kim Jong Un doit poursuivre son voyage à Vladivostok, grande ville située près des frontières chinoise et nord-coréenne, notamment pour assister à «une démonstration» militaire de la Flotte russe du Pacifique. En retrouvant V. Poutine, mercredi, Kim Jong Un a déclaré que le rapprochement avec Moscou constituerait la «priorité absolue » de la politique étrangère nord-coréenne.
Le président russe, qui a accepté une invitation de Kim Jong Un à se rendre en Corée du Nord, a, quant à lui, vanté le «renforcement futur de la coopération» avec ce pays, évoquant des «perspectives» de coopération militaire malgré les sanctions internationales visant Pyongyang à cause de ses programmes nucléaires et de ses missiles en développement. Washington a exprimé sa «préoccupation», affirmant que la Russie est intéressée par l’achat de munitions nord-coréennes pour soutenir ses opérations militaires en Ukraine, lancées en février 2022.
«Préoccupation» de Washington
Jeudi dernier, la Maison Blanche a indiqué que le conseiller à la Sécurité nationale, Jake Sullivan, s’était entretenu sur la rencontre Poutine-Kim avec ses homologues sud-coréen et japonais. «Ils ont souligné que toute exportation d’armes (...) serait une violation directe de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies», a détaillé un communiqué. Séoul a, pour sa part, mis «fermement en garde» contre toute transaction de ce type entre Moscou et Pyongyang.
«Si la Corée du Nord parvenait à un quelconque accord concernant le commerce d’armes (...) avec la Russie», cela «menacerait sérieusement la paix et la sécurité sur la péninsule coréenne», a réagi, vendredi, le ministre sud-coréen des Affaires étrangères, Park Jin, selon l’agence de presse Yonhap. Interrogé sur la prise éventuelle de sanctions supplémentaires, il a simplement ajouté : «Nous envisageons toutes les options possibles».
Après s’être tournée vers l’Iran pour lui fournir des centaines de drones explosifs, la Russie pourrait trouver des ressources utiles auprès de Pyongyang, qui dispose d’importants stocks de matériel soviétique et produit en masse des armes conventionnelles. «Moscou a besoin d’importations pour maintenir, sur le long terme, le niveau actuel d’intensité opérationnelle de son effort de guerre», a observé la Société allemande de politique étrangère (DGAP) dans une étude publiée la semaine dernière.
Les roquettes de calibre 122 mm destinées aux lance-roquettes multiples (MLRS) BM-21 «Grad» de l’époque soviétique, qui équipent les forces russes en Ukraine et figurent dans l’arsenal nord-coréen, sont notamment susceptibles d’intéresser la Russie. En échange, Pyongyang pourrait se voir fournir du pétrole et de la nourriture russes, voire un accès à des technologies spatiales. Moscou a évoqué une possible aide dans la construction de satellites, après deux récents échecs de la Corée du Nord à placer, en orbite, un satellite militaire espion, mais aussi proposé d’envoyer un cosmonaute nord-coréen dans l’espace, selon les agences de presse russes, ce qui constituerait une première pour le pays.