Les gardes-frontières saoudiens ont tué depuis l’an dernier des «centaines» de migrants éthiopiens qui tentaient de pénétrer dans la riche monarchie du Golfe passant par sa frontière avec le Yémen, a dénoncé hier Human Rights Watch (HRW), citée par l’AFP.
Des centaines de milliers d’Ethiopiens travaillent en Arabie Saoudite, empruntant parfois la «route de l’Est» reliant la Corne de l’Afrique au Golfe, en passant par le Yémen, pays pauvre et en guerre depuis plus de huit ans.
«Les autorités saoudiennes tuent des centaines de migrants et de demandeurs d’asile dans cette zone frontalière reculée, à l’abri du regard du reste du monde», a déclaré dans un communiqué Nadia Hardman, spécialiste des migrations à HRW.
Les «milliards dépensés» dans le sport et le divertissement «pour améliorer l’image de l’Arabie saoudite» ne devraient pas détourner l’attention de «ces crimes horribles», a-t-elle fustigé.
Les ONG accusent régulièrement Ryadh d’investir dans les grands événements sportifs et culturels pour «détourner l’attention» des graves violations des droits humains et la crise humanitaire au Yémen où l'armée saoudienne est impliquée. Le meurtre «généralisé et systématique» des migrants éthiopiens pourrait même constituer un crime contre l’humanité, estime l’ONG.
Les autorités saoudiennes contestent les faits rapportés par l’ONG. «Les allégations contenues dans le rapport de Human Rights Watch, selon lesquelles des gardes-frontières saoudiens auraient tiré sur des Ethiopiens traversant la frontière entre l’Arabie Saoudite et le Yémen sont infondées et ne reposent pas sur des sources fiables», a déclaré une source gouvernementale saoudienne.
L’année dernière, des experts de l’ONU ont fait état d’«allégations préoccupantes» selon lesquelles «des tirs d’artillerie transfrontaliers et des tirs d’armes légères par les forces de sécurité saoudiennes ont tué environ 430 migrants» dans le sud de l’Arabie saoudite et le nord du Yémen durant les quatre premiers mois de 2022.
Le nord du Yémen est largement contrôlé par les Houthis, des rebelles que les Saoudiens combattent depuis 2015 en soutien aux forces pro-gouvernementales.
Des migrants ont déclaré à HRW que les forces houthies collaboraient avec les passeurs et leur avaient extorqué de l’argent ou les ont transférés dans ce que les migrants décrivent comme des centres de détention.
Ils ont affirmé que des personnes y étaient maltraitées jusqu’à ce qu’elles puissent payer un «droit de sortie». Les Houthis ont nié travailler avec les passeurs, les décrivant comme des «criminels».
HRW s’appuie sur des entretiens avec 38 migrants éthiopiens ayant tenté de passer en Arabie Saoudite depuis le Yémen, des images satellite et des vidéos et photos publiées sur les réseaux sociaux «ou recueillies auprès d’autres sources».
Les personnes interrogées ont parlé d’«armes explosives» et de tirs à bout portant, les gardes-frontières saoudiens demandant aux Ethiopiens «sur quelle partie de leur corps ils préféreraient que l’on tire».
Ces migrants racontent des scènes d’horreur : «femmes, hommes et enfants éparpillés dans le paysage montagneux, gravement blessés, démembrés ou déjà morts», relate HRW. Celle-ci appelle Ryadh à «cesser immédiatement» le recours à la force meurtrière contre des migrants et demandeurs d’asile, exhortant l’ONU à enquêter sur ces allégations.