Second tour des législatives en France dimanche : Trois blocs politiques, sans majorité

06/07/2024 mis à jour: 01:01
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Un grand nombre d'associations ont appelé à faire barrage au Rassemblement national - Photo : D. R.

La possibilité de voir le Rassemblement national parvenir au pouvoir dimanche soir s’éloigne. Les récents sondages dessinent une assemblée ingérable, sauf alliances. La fracture constatée au soir du premier tour devient réalité. L’heure de l’incertitude politique se profile.

La campagne du second tour en France qui s’est achevée hier soir à minuit aura été marquée par une tension vive qui s’est notamment exprimée par la violence vis-à-vis de candidats ou de militants. 51 personnes ont été agressées selon le décompte, vendredi, du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.

Le plus médiatisé a été la violente prise à partie de la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot lors d'un collage d'affiches à Meudon. Le parquet de Nanterre a ouvert une enquête pour des violences en réunion, avec arme, sur un élu public. Un autre ministre, Hervé Berville, secrétaire d’Etat à la mer, né au Rwanda, a raconté à ses collègues : «Je n’ai jamais vécu une campagne pareille.

On m’a traité de sale nègre, de sale Noir, de négro», relate le Canard enchaîné qui ajoute : «Et ça risque de ne pas s'arrêter au soir du deuxième tour…» C’est assez dire la situation inédite dans laquelle se trouve une France déchirée et fracturée dans laquelle une immense vague anti-RN s’est levée pour l’empêcher d’accéder au pouvoir.

Une France où la majorité des associations, ligues et syndicats dans le pays ont appelé à lui faire barrage. Hier l’Académie nationale de médecine s’est associée à l’appel de l’Académie des sciences contre le RN. Et en parallèle, des excès racistes et discriminants violents des ultras du RN s’affichent et s’expriment le plus naturellement du monde, la dernière en date étant des appels à tuer des avocats. 98 noms d'avocats ont été inscrits sur cette liste publiée sur un site d'extrême droite appelant à les «envoyer dans un fossé».

La fébrilité du pouvoir embraye sur cette élection dangereuse qui présente des enjeux sociétaux autant que politiques. Ainsi comme au premier tour le dimanche 30 juin, le ministère de l’Intérieur mobilisera 30 000 policiers et gendarmes, dont 5000 à Paris et sa banlieue, «afin que l’ultra gauche ou l’ultra droite» ne créent pas de «désordre», est-il indiqué. Sachant que pour l’heure, ce sont les fachos de l’extrême droite qui ont montré leurs dents.

On constate en France une violence exprimée et une déception intériorisée pour les perdants au terme de ces élections historiques, avec des débats virulents sur les plateaux télévisés, dans la rue, entre amis ou au sein des familles.

Plus que jamais, il apparaît que le consensus sera difficile à trouver alors que trois blocs se dessinent : le Rassemblement national (extrême droite) porteur d’un programme raciste et xénophobe mené par des candidats dont beaucoup sont racistes, antisémites, misogynes, homophobes, suprêmacistes et, de plus, avec un niveau intellectuel et moral discutable.

Le deuxième bloc qui le talonne, selon les derniers sondages publiés hier, est le Nouveau Front populaire (LFP, gauche) qui présente un programme social favorable aux classes populaires.

En troisième force, Ensemble pour la République (centre droite, ex-majorité relative présidentielle), qui porte le fardeau de la politique menée par Macron depuis 2017, mais conserverait un nombre de députés plus important que prévu.  Si l'ordre d’arrivée de ces forces politiques est assuré, les urnes départageront le nombre de sièges pour chaque bloc. Et ça, c’est très incertain.

Le gouvernement se porte garant de la stabilité

Ce n’est pas pour rien que le Premier ministre Gabriel Attal a affirmé que son gouvernement pourrait assurer la continuité de l’Etat «aussi longtemps que nécessaire», à l’issue de ces législatives anticipées. La crainte de voir le RN accéder au pouvoir ne cessait de croître ces dernières semaines. Une inquiétude renforcée lors de sa victoire au premier tour le 30 juin devant le NFP et les macronistes.

Ceux de la droite républicaine de LR qui n’avaient pas fait dissidence pour rejoindre le RN, récoltant avec les centristes de l’UDi et du Modem aux alentours de 70 sièges, selon les sondages. Pour empêcher le RN de décrocher la majorité, plus de 200 candidats (de gauche, des macronistes et quelques-uns de droite) se sont désistés entre les deux tours, dont plusieurs ministres du gouvernement en place. Cela a clarifié les enjeux. Personne ne serait en mesure d’avoir la majorité.

Comment dès lors gouverner ? Gabriel Attal est à la manœuvre. Ainsi le toujours Premier ministre déclarait hier matin sur France Bleu : «Ce qui peut émerger, c'est un Parlement au sein duquel vous avez différentes forces politiques qui sont représentées, ce qui est déjà le cas, mais qui devront trouver un moyen de faire avancer le pays sur un certain nombre de sujets qui sont majeurs.»

La gauche est-elle prête à une alliance républicaine ?

Attal exprime au grand jour ce qui semble s’organiser dans les coulisses : une autre manière de gérer les affaires nationales dans le respect des différences entre macronistes, gauche et centristes. Sauf que ce n’est pas un système habituel en France, contrairement à des pays voisins, comme l’Allemagne. Une partie de la gauche n’est pas contre.

Hier matin, sur France info, Marine Tondelier, secrétaire générale des Ecologistes et véritable artisane de l’union de la  gauche (Nouveau Front populaire), n’y était pas opposée. Elle a estimé cependant que la possibilité d’une éventuelle coalition gouvernementale doit être «basée», selon les scores, sachant que l'alliance de gauche sera bien la première force républicaine demain soir : «Les discussions se feront autour du programme de la force de coalition arrivée en tête», insiste-t-elle.

Quant à Raphaël Glucksmann (PS, Place publique), il affirme au sujet du consensus à instaurer selon les lois proposées, «c’est ce que nous vivons quotidiennement au Parlement européen». Pour lui, c’est une occasion de «faire grandir» la démocratie française.

On pourrait parler aussi du LFI François Ruffin, qui a annoncé s’éloigner de Jean-Luc Mélenchon, pour glaner quelques voix sur sa droite, alors qu’il est en position compliquée dans le Nord face à un candidat lépeniste. Il assure qu'il «ne participera pas à un gouvernement gloubi-boulga», «hétéroclite et improvisé». «Je resterai en dehors de ces jeux-là». LFI du reste n’y est pas favorable non plus, selon les propos de Jean-Luc Mélenchon, mais aussi du chef du parti, Manuel Bompard.

En face, dans les rangs de l’extrême droite, le RN, par la voix de Marine Le Pen, reste sur son idée d’«union nationale» figurant sur sa propagande électorale, c’est-à-dire un regroupement des droites autour d’elle. Sinon dit-elle : «A partir du moment où il n’y a pas de majorité absolue – or nous sommes les seuls à pouvoir l’obtenir – alors aucune loi ne sera votée.

(…) Pendant un an, le pays va être à l’arrêt au pire moment pour lui. (…) Le pays est engagé dans une pente extrêmement toxique.» Dès dimanche soir, quels que soient les scores de chacune des grandes forces politiques, les débats vont être chauds et les transactions salées pour ne pas dire alambiquées, personne ayant de formule magique dans la crise politique qui s’annonce. 

 

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