Saïd Salhi. Vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) : «Nous souhaitons la clôture du dossier des détenus d’opinion»

04/04/2022 mis à jour: 03:17
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Saïd Salhi. Vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) / Photo : D. R.

Le vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), Saïd Salhi, nous livre dans cet entretien ses impressions quant à la libération mercredi 30 et jeudi 31 mars dernier d’une cinquantaine de détenus d’opinion. Selon lui, il s’agit d’une «libération partielle», tant par rapport au nombre total de détenus d’opinion, qui avoisinerait les 300, que pour ce qui est du fait qu’il s’agit de libérations «provisoires».

  • Une cinquantaine de détenus d’opinion ont été libérés mercredi et jeudi, selon un décompte établi par le CNLD. Quelle lecture faites-vous de ces mesures ? Peuvent-elles être considérées comme des mesures d’apaisement ?

Ce sont des libérations réclamées par les militants et activistes, une composante du mouvement associatif et des partis politiques, depuis le début des arrestations. Ce sont des libérations surprises, comme ce fut le cas déjà en janvier 2020 et février 2021. Elles sont synchronisées, puisqu’il y a eu des décisions similaires au niveau de plusieurs wilayas.

Ça doit être donc centralisé. En tout cas, il y a lieu de dire que ce sont des libérations partielles, tant par rapport au nombre total de détenus d’opinion, une cinquantaine a été libéré sur un ensemble de plus de 300, que par rapport au fait qu’il s’agit de libérations provisoires. Donc, ces personnes libérées sont en attente de leurs procès. On ne sait pas si demain elles seront relaxées ou non…

  • Qu’est-ce qui aurait poussé les autorités prendre ces mesures ?

Le gouvernement algérien est sous pression. C’est une évidence. Il y a eu différents rapports d’organismes onusiens qui évoquent la situation des droits de l’homme en Algérie. La Haute commissaire aux droits de l’homme des Nations unies, Michelle Bachelet, a exprimé tous récemment sa préoccupation quant à la situation des droits de l’homme et des libertés dans notre pays.

Il y a aussi le fait que l’Algérie va être examinée au Conseil des droits de l’homme de l’ONU au mois de novembre prochain. Dans cette perspective, le gouvernement devra remettre son rapport sur la situation à la fin du mois en cours. Dans tous les cas de figure, nous souhaitons que ce soit un nouveau cap pris par les autorités.

Comme je l’ai dit, jusque-là, c’est une réponse partielle. D’autant plus que ces libérations n’ont pas empêché la poursuite des arrestations. Donc, nous attendons la suite, la réaction du gouvernement par rapport à ces mesures, et surtout la tenue des procès des personnes concernées par ces libérations pour voir quels seront les verdicts qui seront prononcés.

  • Certains de ces détenus libérés étaient pourtant poursuivis pour de supposés faits en lien avec l’article 87 bis. Comment expliquez-vous cela ?

Malheureusement, c’est la justice qui en prend un coup. Ces détenus n’auraient pas du tout être arrêtés. Nous avons affirmé à maintes reprises qu’il y avait des chefs d’accusation infondés. Ces libérations confortent donc notre plaidoirie.

Cette tendance à instrumentaliser la justice porte un coup à la justice elle-même. C’est le pouvoir qui se retrouve piégé face à ses propres contradictions. Tout cela ajoute de la confusion à une situation déjà complexe.

Le mieux aurait été de libérer tous les détenus d’opinion afin de clore définitivement le dossier. Nous souhaitons un traitement global de la question. Je tiens à exprimer toute la peine que j’ai eu de voir des familles attendre pendant des heures leurs proches. 

Malheureusement, les portes, aussitôt ouvertes, se sont refermées.  

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