La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a tenté hier, lors d’une réunion des grands argentiers du G7 (Etats-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie et Canada) en Inde, de dissiper les inquiétudes selon lesquelles le soutien massif à l’Ukraine se ferait au détriment de l’aide aux pays en développement.
«Je récuse l’idée d’un troc» entre ces deux enjeux, qui sont en réalité étroitement associés, a-t-elle déclaré, selon des propos recueillis par l’AFP durant une conférence de presse à Gandhinagar, dans l’ouest de l’Inde, où se tient un G7 Finances en amont d’une réunion similaire du G20 aujourd’hui et mardi. Une «priorité clé» est de «redoubler notre soutien à l’Ukraine» car «mettre fin à cette guerre est avant tout un impératif moral. Mais c’est aussi la meilleure chose que nous puissions faire pour l’économie mondiale», a estimé Mme Yellen, reprenant ainsi des propos qu’elle a déjà tenus en novembre juste avant le sommet du G20 à Bali.
L’intervention de la Russie en Ukraine, deux importants greniers à blé de la planète, a provoqué depuis l’an dernier une onde de choc sur l’économie mondiale en faisant gonfler les prix alimentaires et énergétiques. Un accord sur les exportations de céréales ukrainiennes transitant par la mer Noire expire aujourd’hui, et Moscou refuse pour l’instant de le renouveler.
La guerre «illégale» déclenchée par la Russie en Ukraine est l’une des causes de la récente aggravation du surendettement de pays en développement, a soutenu hier Mme Yellen.
Les pays du G7 sont décidés à soutenir l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire pour repousser l’invasion russe, comme ils l’ont rappelé plus tôt cette semaine à Vilnius, en marge d’un sommet de l’Otan. Insister sur le soutien à Kiev peut toutefois être potentiellement inconfortable pour le pays hôte du G20 cette année, l’Inde n’ayant pas condamné l’offensive russe en Ukraine jusqu’à présent. Nombre de pays du Sud hésitent aussi à prendre ouvertement parti sur le sujet.
«Méfiance» et «frustration»
Désireuse de démontrer que les pays industrialisés ne ménagent pas non plus leurs efforts pour les pays émergents, Mme Yellen a évoqué une série d’avancées ou de réformes sur divers fronts en matière d’aide au développement, et qui seront abordés au G20 Finances de Gandhinagar. Elle a ainsi cité les efforts en cours pour réformer les banques multilatérales de développement, à commencer par la première d’entre elles, la Banque mondiale, afin de doper leur efficacité en adaptant davantage leurs aides à l’immense défi que représente le réchauffement climatique.
Elle a aussi mentionné des progrès de restructuration de la dette de pays comme la Zambie, et a dit compter sur une prochaine finalisation de dossiers similaires pour le Ghana et le Sri Lanka.
Au sujet des difficiles relations sino-américaines, autre ligne de fracture au sein du G20, Mme Yellen, qui s’est rendue en Chine plus tôt ce mois-ci, a estimé hier qu’il serait «prématuré» de lever les restrictions commerciales vis-à-vis de Pékin, initiées par le précédent président américain, Donald Trump.
Ces barrières commerciales «ont été mises en place parce que nous avions des inquiétudes concernant des pratiques commerciales déloyales de la Chine», or ce problème «persiste», selon Mme Yellen.
Le G20 Finances de Gandhinagar, une ville nouvelle indienne, créée dans les années 1960 et nommée en hommage au héros national de l’indépendance, Gandhi, sera également l’occasion de poursuivre les négociations en vue d’un accord international sur la taxation des multinationales. Un projet préliminaire en ce sens a été validé par près de 140 pays sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), mais il reste encore des pierres d’achoppement.
De son côté, le nouveau président de la Banque mondiale, Ajay Banga, s’est inquiété cette semaine de la «profonde méfiance» séparant les pays du Nord et du Sud, «à un moment où nous devons nous unir» pour surmonter les défis «interdépendants» que sont la lutte contre la pauvreté dans le monde, la crise «existentielle» du climat et la reprise économique post-pandémie mise en péril par l’inflation et la guerre en Ukraine
. «La frustration des pays du Sud est compréhensible. Sous beaucoup d’aspects, ces pays paient le prix de la prospérité d’autres Etats (...). Ils s’inquiètent que des moyens qui leur ont été promis ne soient redirigés pour la reconstruction de l’Ukraine», a-t-il déclaré dans une tribune publiée en ligne.