Réseau Pegasus, «Marocogate», violations des Droits de l’Homme : Le Maroc et les institutions européennes dans la tourmente

18/01/2023 mis à jour: 01:19
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Le déballage des scandales de corruption visant le royaume du Maroc se poursuit et semble parti pour ne pas s’arrêter de sitôt, tant le passif qui rattrape aujourd’hui Rabat est lourd, et la parole enfin libérée, après avoir été longtemps muselée au nom de la raison d’Etat. En effet, au cours de ces derniers mois, on a assisté à une cascade de scandales d’affaires scabreuses impliquant le royaume du Maroc : espionnage des téléphones portables d’opposants marocains et de personnalités étrangères, dont des chefs d’Etat, pour les faire chanter et obtenir leur silence ou collaboration en faisant d’eux des agents dociles du makhzen dans son aventure coloniale au Sahara occidental, corruption d’eurodéputés moyennant leur vassalisation, les dossiers noirs de la diplomatie secrète, interlope, du Maroc, sont désormais étalés au grand jour, sur la place publique. Il a suffi que la justice belge s’en mêle, que des magistrats indépendants, qui sont entrés dans l’histoire pour avoir brisé la loi de l’omerta sur les pratiques mafieuses de Rabat, «déclassifient» le dossier de corruption des parlementaires européens pour que le château de sable marocain s’écroule avec fracas. Il faudra s’attendre, dans les jours et semaines a venir, à ce que d’autres pots pourris du genre, mettant en cause les pratiques peu recommandables de la diplomatie corruptrice, de prêt (don sonnant et trébuchant) sur gage, ciblant le royaume du Maroc, ne viennent ternir un peu plus l’image d’Epinal de pays fréquentables, respectueux des bonnes mœurs politiques et des lois internationales dans laquelle les autorités marocaines se sont outrageusement drapées. Le prochain scandale pourrait venir du rapport, tout autant vicié, des instances sportives marocaines avec le dossier du sport et les magouilles de la Fédération marocaine de football pour s’attacher les faveurs des fédérations régionale, continentale et internationale de la balle ronde. Quand on entend le président de la FIFA, Gianni Infantino, déclarer sa flamme au Maroc, «c’est mon pays», a-t-il fièrement lancé lors de son séjour au Maroc à l’occasion du tirage au sort de la Coupe du monde des clubs, alors qu’il venait, tout juste, de quitter l’Algérie, où il avait assisté à la cérémonie d’ouverture du Chan et tenu des propos bienveillants sur notre pays, on ne peut pas ne pas suspecter une connivence, un parti pris manifeste pour le Maroc, un manque de fair-play de la part du président de la Fifa qui ne relève pas que de l’ordre de l’affect. Les institutions européennes et internationales montent au créneau, s’indignant  face aux pratiques de corruption, de barbouzerie, d’espionnage à vaste échelle, de cybercriminalité, d’atteintes aux droits de l’homme que l’on feint de découvrir après les avoir longtemps couvertes par leur silence, et duplicité. 

Le parquet européen sauve les meubles de la Maison Europe

Les déclarations d’indignation, de dénonciation exprimées par de hauts responsables du Parlement et de la Commission européens, par rapport au scandale des pots-de-vin versés par le Maroc à des eurodéputés, menaçant d’ouvrir des enquêtes et de frapper d’une main de fer les parlementaires véreux, viennent un peu tardivement et sont destinées beaucoup plus à la consommation de l’opinion européenne et internationale. Il faut bien admettre, en effet, qu’il est pour le moins curieux que l’on n’ait rien vu, rien entendu de répréhensible dans les agissements et l’activisme, sans bornes, pro-marocain des eurodéputés pour sévir et prévenir la tempête qui souffle sur les institutions européennes, entachant sérieusement leur crédibilité et respectabilité. Pour se racheter, sauver les meubles, le Parlement européen a fait voter, hier, une motion permettant au Parquet européen de demander la levée de l’immunité parlementaire des eurodéputés impliqués dans les derniers scandales de corruption. Le texte a été voté à la quasi unanimité (610 voix pour, 26 voix contre et 9 abstentions). Il a fallu introduire une modification du règlement intérieur du Parlement européen pour que le Parquet européen, qui avait  jusqu’ici les mains ligotés, puisse jouer pleinement son rôle dans ce sens ; la prérogative de la demande de la levée de l’immunité parlementaire relevait, auparavant, de chaque Etat membre. Depuis l’éclatement des scandales de corruption des eurodéputés, l’institution parlementaire européenne s’agite dans tous les sens pour tenter de prouver sa bonne foi, circonscrire le fléau de la corruption qui la gangrène. Aujourd'hui, le Maroc sera de nouveau au box des accusés au Parlement de Strasbourg où les eurodéputés auront à débattre et voter une résolution sur les atteintes aux droits de l’homme au Maroc ; un autre dossier lourd et compromettant pour Rabat que le Parlement européen s’est bien gardé, jusqu’ici, d’aborder avec responsabilité et sans parti pris. Au regard du contenu de la résolution et à l’issue de son vote, on en saura un peu plus sur le regard que portent les institutions européennes vis-à-vis de leur protégé marocain, s’il a changé ou non, autrement dit, s’il s’agit juste d’une opération anti-incendie, pour éteindre le feu qui menace la maison Europe. Il faut juste rappeler, à cet effet, comment le scandale d’espionnage marocain Pegasus a été étouffé dans l’oeuf par nombre de pays européens victimes, qui avaient annoncé, avec grand fracas, leur détermination à faire la lumière sur cette affaire et à engager des poursuites contre les commanditaires, avant que le dossier ne soit classé. On ne sait rien des personnalités dont les téléphones furent piratés et l’usage qui en a été fait de leur historique d’appels par les services de renseignement marocains. Pour sa part, le makhzen, qui s’est empressé de nier les faits et de menacer de poursuites judiciaires les journalistes ayant révélé le scandale de Pegasus, observe un silence embarrassé sur cette affaire et sur les dernières graves accusations documentées et prouvées de corruption d’eurodéputés. Un silence qui équivaut déjà, à lui seul, à un aveu de culpabilité en bonne et due forme. 

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