Rapport du sénat français / Immigration et droit d’asile  «Un empilement de réformes successives»

24/05/2022 mis à jour: 07:22
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Le contexte européen et français est marqué par «une pression migratoire forte, continue et croissante», note un rapport intitulé «Services de l’État et immigration ; retrouver sens et efficacité.» 

La mission d’information transpartisane créée par la commission des lois du Sénat français a évalué les politiques publiques mises en œuvre en matière d’immigration et de droit d’asile et suggérer des pistes pour faire face aux engorgements.
 

Le remède proposé est sévère et contraignant, à la hauteur du constat : Le droit des étrangers est devenu illisible et incompréhensible sous l’effet de l’empilement de réformes successives ; les procédures applicables sont souvent inefficaces et, enfin, les services de l’État manquent de moyens pour les mettre en œuvre. 

Cette complexité nuit non seulement à l’exercice de leurs droits par les étrangers, mais elle est également source de difficultés quotidiennes pour les agents de l’État et nourrit chez eux un profond désarroi.
 

DES RECOMMANDATIONS DRACONIENNES
 

La commission des lois formule trente-deux recommandations «afin de rendre sa cohérence, son efficacité et sa lisibilité à la politique publique de l’immigration». Plusieurs de ses recommandations limitent sérieusement certains droits en les encadrant par des mesures draconiennes.
 

Selon les sénateurs, il est tout d’abord impératif de «fixer par voie réglementaire un délai maximal à l’administration pour accorder un rendez-vous en préfecture». Une idée proposée consisterait en un guichet unique de demande et la numérisation dans un objectif de simplification : «Mutualiser entre plusieurs préfectures le recueil et l’instruction des demandes de titres de séjour.» «Dans l’attente de la généralisation de l’Administration numérique des étrangers en France (ANEF), unifier par voie réglementaire les modalités de prise de rendez-vous pour le dépôt des demandes de titres entre les préfectures.»
 

On imagine les complications pour les demandeurs et les associations qui les assistent… Une solution, indique le rapport, serait de «généraliser la mise en place de points d’accès au numérique dans l’ensemble des préfectures et prévoir des modalités de prise de rendez-vous adaptées aux personnes dont la maîtrise de l’outil informatique est limitée».
 

UNE PROCÉDURE D’INSTRUCTION à 360°
 

Simplification toujours selon les rapporteurs en souhaitant des procédures d’instruction dites à «360°» : «Dans ce cadre, l’ensemble des motifs pouvant fonder la délivrance d’un titre de séjour seraient examinés, une fois pour toutes, dès la première demande. En contrepartie, l’étranger ne pourrait solliciter un nouveau titre de séjour qu’en raison de faits ou d’éléments nouveaux.»
 

En outre, estime le rapport, alors que les négociations sur le projet de Pacte sur la migration et l’asile, présenté en septembre 2020 par la Commission européenne, peinent à aboutir, «la commission souligne la nécessité d’une refonte globale du régime d’asile européen commun qui passe notamment par une remise à plat du règlement ‘Dublin III’ et par une plus grande convergence des systèmes d’asile nationaux».
 

Le dernier terme sur lequel les sénateurs émettent un avis est celui de la reconduite à la frontière des personnes démises de leur demande et l’acceptation des pays d’origine de «reprendre» leurs ressortissants : «Mobiliser l’ensemble des moyens juridiques et matériels disponibles ; promouvoir une approche européenne pour sortir de l’impasse avec les pays tiers non coopératifs.»
 

AMÉLIORER LE TAUX DE RECONDUITE EN LIAISON AVEC LES PAYS D’ORIGINE
 

Si les projecteurs se sont braqués il y a quelques mois sur les pays du Maghreb et notamment l’Algérie, il se trouve que s’ils sont concernés par les clandestins sans papiers, ce ne sont pas les pays les plus concernés par les reconduites après extinction des demandes d’asile. Les Etats les moins coopératifs en la matière sont la Mauritanie (11 % de laissez-passer consulaires obtenus dans les délais en 2021), la Bosnie-Herzégovine (30%) et Haïti. A l’inverse, la Géorgie (100% en 2021), l’Arménie (98%) et la Moldavie (94%) figurent parmi les plus coopératifs.
 

Selon la mission, le taux d’exécution des mesures de reconduite «s’est continuellement détérioré sur la dernière décennie, jusqu’à atteindre des niveaux particulièrement dérisoires […] Le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) a atteint au premier semestre de l’année 2021 un niveau historiquement bas : 5,7 %.»
 

Pour reconnaître les personnes étrangères en situation irrégulière, la mission de se prémunir en préconisant «de procéder systématiquement à l’enregistrement des empreintes digitales des étrangers interpellés dans la base de données du système biométrique national».
 

Les sénateurs posent aussi comme solution la coercition. Notamment en centre de rétention et ils rappellent que «la politique de retours forcés n’est toujours pas à la hauteur des enjeux. Afin d’améliorer en particulier le taux d’exécution des mesures d’éloignement», la commission identifie les priorités suivantes : «Intensifier le dialogue entre les services ; renforcer le dispositif de rétention et cibler davantage son usage.»
 

POUR UN RENFORCEMENT DES POUVOIRS DU JUGE ADMINISTRATIF
 

Ce qui n’empêche par les rédacteurs du rapport de fustiger la complexité juridique du droit des étrangers dont ils estiment qu’elle devient le «fonds de commerce pour certains cabinets d’avocats ou de juristes qui n’hésitent pas à en exploiter les failles à des fins lucratives».
 

De là au durcissement proposé, il n’y a qu’un pas avec la proposition de renforcement du pouvoir du juge administratif qui devrait «faire un usage plus systématique et plus efficient de ses pouvoirs d’injonction et d’astreinte».
 

Le rapport estime que près de 200 000 personnes seraient entrées irrégulièrement dans l’Union européenne en 2021.

 Pour les titres de séjour en France, le ministère de l’Intérieur ne publie pas les demandes mais les permis accordés. Avec 271 675 titres délivrés (pour motif familial, étudiant, humanitaire, économique, divers), l’année 2021 est comparable à 2019 (277 406).
 

Paris
De notre bureau  Walid Mebarek
 

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