Quelle place accorder à l’écologie et l’environnement en Algérie ?

11/09/2024 mis à jour: 22:19
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Photo : B. Souhil

Toute stratégie de développement socioéconomique se traduit inexorablement par une altération des ressources naturelles et de la santé. Ces impacts induits par l’industrialisation, l’urbanisation, les infrastructures de base (aéroports, ports, routes, équipements) ont des coûts impossible à prendre en charge si les aspects écologiques et environnementaux ne sont pas pris en charge préalablement. L’écologie et l’environnement restent les concepts les moins développés dans le cadre du développement socioéconomique avec des répercussions fâcheuses et coûteuses qui en découlent. 


A l’écologie et l’environnement s’ajoute obligatoirement l’aménagement du territoire reposant sur les nouveaux concepts axés sur les zones homoécologiques et leur potentialités et processus d’exploitation. 


Pourquoi donner plus d’importance dans toute politique de développement durable à l’écologie et l’environnement ?
L’exploitation de documents (statistiques, rapports, publications, journaux, thèses, dossiers) permet de faire un diagnostic élémentaire des contraintes majeures qui soulignent que ces deux concepts ne sont pas réellement pris en charge.


• Le Schéma national d’aménagement du territoire n’a pas été revu et corrigé pour l’adapter au programme de développement durable

• Les terres agricoles de fort potentiel sont urbanisées, l’estimation moyenne annuelle oscille entre 2500 et 3000 ha
• La désertisation et la désertification menacent plus de 2 500 000 hectares dont l’impact est redoutable sur  le développement durable


• La salinité menace plus de 2 millions d’hectares et constitue un handicap à la sécurité alimentaire et à l’exportation de produits agricoles


• Plus de 80% du territoire est en stress hydrique face à une surexploitation des ressources hydriques et une baisse des précipitations


• L’érosion des terres agricoles et des bassins versants est estimée à plus de 12 millions d’hectares
• Les précipitations moyennes annuelles ont diminué d’environ 110 mm accentuant des impacts socioéconomiques et environnementaux


• L’indice minimum de stress hydrique (water stress index) est de 1700 m3/hab./an pour l’assouvissement des besoins des  secteurs agricole, industriel et énergétique mais il reste inférieur à 500 m3/hab./an. Le volume d’eau mobilisé est estimé à 8995 hm3 alors que le volume exploité effectivement s’élève à plus de  9125 hm3 soit un dépassement de 130 hm3 dû à une mauvaise gestion et comptage de cette ressource qui est exploitée à raison de 55% par l’agriculture, 35% en AEP et 10% par l’industrie. La démographie impactera la ressource et le ratio ne sera que de 320 m3/hab./an en 2030 et moins de 300 en 2050


• L’exploitation excessive des ressources hydriques au niveau des vergers avec des bassins énormes dépassant les besoins des vergers


• Une urbanisation archaïque datant des années 60-70 axée sur des barres de bâtiment anti-écologique induisant des cités ingérables


• Avec la centaine de barrages, le stockage d’eau exploitable n’est que d’environ 8 milliards de mètres cubes ne permettant de réguler que 6 milliards alors que les besoins sont de l’ordre de 15 milliards de mètres cubes. 


• La sécurité alimentaire et la dotation en eau par habitant peuvent être compromises par le réchauffement climatique, l’utilisation incontrôlée de l’eau et la mauvaise exploitation des terres en absence de classification des espaces


• Que sont devenues les 850 retenues collinaires réalisées avec en principe une capacité moyenne de 100 millions de mètres cubes. Le manque de protection, l’envasement et la faiblesse des précipitations sont les risques à gérer
• La réutilisation des eaux usées après traitement est estimée à 1,5 million de mètres cubes/an auquel il faut ajouter le dessalement avec 2,3 millions de mètres cubes/jour. Les volumes exploitables en Algérie s’élèvent à 11 km3 ce qui correspond à une dotation de seulement 282 m3 par habitant et par an. 


• Le territoire steppique avec ses différentes associations végétales garant de lutte contre la désertification est passé de 8 millions ha à 3 millions.

• Le ratio d’espaces verts par habitant ne dépasse pas les 2 m2 par habitant au lieu des 10 au minimum recommandés.
• Les écosystèmes forestiers ne couvrent que 4,3 millions d’hectares où ne représentent que 25% avec dominance des formations dégradées 
• Les près de 4 millions d’hectares que devraient couvrir le Barrage Vert n’ont pas été atteints avec un échec estimé à 30% des plantations
• Les nuisances et les impacts urbains et industriels constituent sont inquiétants puisque les dépôts moyens de particules nocives est estimé à 0.6 gr par mètre.


• La consommation moyenne d’énergie pour développer rejette prés de 50 millions de tonnes de CO2 avec un quota par habitant est de plus de 3 TCO2/TEP.  

• Le volume de déchet enfoui dépasse les 20 millions de tonnes annuellement alors que la récupération ne dépasse pas les 10% et les besoins en terre pour enfouir les déchets sont estimés à 200 ha annuellement.

• Le volume de déchets inertes dépasse les 10 millions de tonnes déversés sur des espaces sans aucune valorisation
 

• Plus de 400 000 tonnes de déchets spéciaux sont générées annuellement sans valorisation alors qu’elle est possible comme les pneus, huiles, piles et batteries usagés ainsi que les déchets des équipements électriques et électroniques.
 

• En Algérie, plus de 8 milliards de sachets en plastique sont consommés annuellement sans une stratégie de valorisation
 

• Le volume d’eau usée quotidien dépasse les 5 millions de mètres cubes avec un taux très faible de récupération
La prise en compte de l’écologie et de l’environnement dans tout programme de développement doit être une obligation pour ne pas impacter les ressources naturelles, le sol, l’eau, l’air et les êtres vivants (humains, animaux et végétaux). 
 

De ce constat, même s’il est partiel, confirme la nécessité d’encourager et d’instituer les actions stratégiques pouvant se résumer comme suit :
 

• Protection des terres agricoles et des écosystèmes naturels contre l’urbanisation par une loi catégorique sans exception
 

• La révision du SNAT permettant de concilier développement économique et protection de l’écologie et de l’environnement.
 

• La lutte contre le réchauffement climatique en modernisant le tissu industriel, le transport, le bâti écologique et le développement des espaces verts et des écosystèmes forestiers.
 

• Le gisement de déchets recyclables par an est de 100 000 tonnes de métaux, 385 000 tonnes de papiers, 50 000 tonnes de verre et 130 000 tonnes de plastique soit un total de 665 000 tonnes. 
 

• La mise en place de déchetteries au niveau des grandes communes dépassant 50 000 habitants diminuerait le tonnage de 20% au moins et créerait plus de 10 000 emplois permanents et 20 000. 


• Révision du plan d’urbanisation et de construction de logements en optant pour des tours espacées l’une de l’autre.

 Lutter contre les pollutions et nuisances industrielles et urbanistiques à travers des plans de développement durables et modernes permettant d’atténuer ces conséquences sur la santé et les ressources naturelles.


• Révision de la législation environnementale pour l’adapter aux risques et menaces sur les territoires et les citoyens soit sur le développement.


• Finaliser la mobilisation et la rationalisation des ressources en eaux souterraines réellement mobilisables évalués à 6,7 milliards  sur un total de 13 pouvant palier les  eaux de surface souvent défaillantes suite aux variations interannuelles des précipitations.


Conclusion

Sans une planification rigoureuse de la gestion des territoires où l’industrialisation, l’urbanisation, les infrastructures, l’exploitation des terres et des ressources hydriques seront et sont déjà menacés de diminution ou de pollution impactant tout programme de développement durable.


La révision totale du SNAT, du SRAT et du PAW sous une nouvelle approche axée sur la parcelle relevant d’une zone homoécologique et isopotentielles permettant de cibler, d’évaluer et d’apprécier les potentialités. 

Cet outil incontournable de planification sur une vision à court terme pour stopper les erreurs actuelles puis sur le moyen et long terme. Sans une structure de planification axée sur une réelle division écologique et économique de développement durable ; il est illusoire de prétendre à un développement socioéconomique viable et durable.

 

Par Pr K. Benabdeli 

  Spécialiste en management environnemental

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