Quelle marge de manœuvre pour l'Algérie ?

21/05/2022 mis à jour: 06:33
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Face aux bouleversements géostratégiques profonds qui secouent le monde, induisant une redéfinition systémique des rapports de forces internationaux, comme c'est le cas aujourd'hui avec la guerre en Ukraine, l’Algérie se cherche et s’emploie laborieusement à tirer son épingle du jeu. 

Peu avant le déclenchement de ce conflit, l'Algérie a eu à tester, à travers la crise diplomatique avec la France, sa capacité de résilience et d'émancipation face à certains dogmes de sa politique de coopération internationale.

 La crise ukrainienne et ses retombées sur l'économie mondiale, le climat d’hostilité créé à la frontière ouest de l’Algérie suite au jeu d’alliance visant la stabilité de notre pays, scellé entre Rabat et l’entité sioniste, accentué par les tensions dans la région sahélo-sahélienne ont induit de nécessaires rééquilibrages des relations de l'Algérie avec ses partenaires étrangers, sur la base des nouveaux paradigmes intervenus dans les relations internationales. 

C'est aux sources doctrinales du non-alignement, socle de la politique étrangère nationale, que le pouvoir puise l'argumentaire politique pour tenter d'acquérir une immunité diplomatique face à la reconfiguration, sans concession, des rapports internationaux qui s'opère à l'épreuve de la crise ukrainienne.

 Lors de sa récente visite d'Etat en Turquie, le président Tebboune s'est fait fort de réitérer l'attachement de l'Algérie aux principes et fondements du Mouvement des non-alignés appelant, à l'occasion, à sa consolidation face à la résurgence des démons de la guerre froide. 

On a vu les réactions, les recadrages et autres mises en garde suivis, dans certains cas, de représailles immédiates, des grandes puissances face aux positions adoptées par certains Etats lors du vote des résolutions du Conseil de sécurité sur la crise ukrainienne. Rassurer les uns et les autres, tout en se montrant ferme sur les positions de principe, de respect de la souveraineté des Etats, du droit des peuples à disposer de leur destin, de la prospérité partagée : c'est le sens des messages que les autorités algériennes s'emploient à envoyer à leurs partenaires étrangers et à la communauté internationale. Le ton a été donné en accueillant, ces derniers jours, successivement les émissaires américain et russe, en l’occurrence le secrétaire d’Etat US, Antony Blinken, et Sergueï Lavrov, ainsi que le ministre des Affaires étrangères italien. 

Au même moment et alors que la guerre fait toujours rage en Ukraine, débarquait à Alger – chose inimaginable en d’autres temps – le chef d’état-major de l’Otan, pour une visite officielle et des échanges avec le Commandement de l’état-major de l’Anp. 

Parallèlement à ce ballet de visites de délégations étrangères de haut rang, le chef de l’Etat poursuit le cycle de ses périples à l'étranger. Fort de sa position de pays exportateur de gaz, et de ses relations traditionnelles privilégiées en matière de coopération énergétique avec, notamment, l’Espagne, l’Italie et le Portugal, l’Algérie est de plus en plus courtisée à la suite du boycott du gaz russe par les pays de l’Union européenne. 

Saura-t-elle tirer profit de son nouveau statut de partenaire commercial incontournable ? Pourra-t-elle s'offrir le «luxe» d'autres crises avec d'autres partenaires économiques privilégiés après la brouille avec l 'Espagne ? 

Dans le monde d'aujourd'hui régi par l'idéologie complotiste et le jeu exacerbé des rivalités entre les puissances qui fait craindre le pire, même la neutralité est considérée comme un acte d'inimitié et de soutien déguisé à l'adversaire. 

Dans ce nouveau contexte tendu des relations internationales, quelle marge de manœuvre pour l'Algérie pour négocier au mieux de ses intérêts, sans renier ses principes pour un ordre mondial plus juste, respectueux du droit international bien compris et sans s'aliéner ses partenaires par des positions politiques et des décisions économiques qui pourraient faire grincer des dents ? 

Le déficit de légitimité des régimes des Etats économiquement fragiles a montré que le déterminisme économique se moque des positions politiques supposées sacrées et non négociables, affichées par les pouvoirs en place. 

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