Quand l'informel protège les dealers à Blida

12/01/2023 mis à jour: 01:16
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Le wali de Blida ne cesse d’être inter-pelé par la population, notamment les commerçants formels pour mettre de l’ordre dans les rues de Blida et éradiquer le commerce informel à travers un arrêté et la mobilisation des services de sécurité. Mais la question qui se pose, c’est quoi le lien entre ce genre de commerce et la prolifération des drogues dans la wilaya de Blida ?

Dans une lettre adressée par des représentants de commerçants de la rue des Martyrs (ex-rue d’Alger) au wali de Blida (avec accusé de réception le mois de novembre dernier), le rédacteur de la requête évoque non seulement le squat de la chaussée et des trottoirs, pénalisant ainsi les commerçants formels, mais il cite le climat d’insécurité et de menace...

«Les devantures et entrées de nos magasins sont squattées par des individus qui menacent même notre intégrité physique en permanence lorsque nous demandons de libérer l’accès à nos magasins.

Cette déplorable situation affecte lourdement l’activité des véritables commerçants qui payent leurs impôts et plus grave profite à instaurer l’anarchie au moment où les dealers y trouvent leurs comptes en vendant leurs drogues...», lit-on dans la lettre en question et datée du 25 novembre 2022. Pour un autre commerçant exerçant au niveau des mêmes lieux, «la rue d’Alger est devenue la rue danger comme l’appellent tristement certains Blidéens. A cause de l’anarchie qui y règne, des rixes et bagarres y éclatent à coups d’armes blanches. Nous demandons le renforcement de la présence des services de sécurité pour éviter le pire».

Un troisième commerçant se désole de voir la situation actuelle dans laquelle se trouve la rue en question. «Son appellation officielle est la rue des Martyrs. Dommage de la voir sale, synonyme d’anarchie et un repère pour les dealers au moment où nous fêtons le soixantième anniversaire de l’Indépendance du pays. On espère que le wali réagira pour y remettre de l’ordre et surtout honorer la mémoire des Chouhadas. Du coup, un arrêté de sa part s’impose...» Le coordinateur de la wilaya de Blida à l’Union générale des commerçants et artisans abonde dans le même sens. «Dans le passé, des initiatives contre le commerce informel ont eu lieu, ce qui a soulagé les commerçants formels et leur a permis de travailler à l’aise tout en libérant les différentes rues de Blida des tindas et bâches et surtout des dealers qui rôdaient au milieu de l’anarchie», témoigne-t-il. Et de poursuivre avec regret : «Aujourd’hui, même l’ambulance risque de ne pas secourir à temps un malade à cause de la fermeture des accès par les commerçants informels.» Le coordinateur appelle toutefois à la création de marchés parisiens à travers toutes les communes de Blida afin de créer de l’emploi, régulariser les commerçants informels et leur permettre de travailler dans la légalité, loin de l’anarchie et ses conséquences...

L’HÔPITAL COMME BAROMÈTRE

La consommation des différents types de drogues se traduit souvent par un comportement agressif. Le CHU Frantz Fanon de Blida constitue alors le bon baromètre concernant le phénomène de l’augmentation de la consommation des drogues. «Rien qu’en 2021, le service des urgences médico-chirurgicales comptabilise à lui seul environ 6000 consultations à raison de 500 consultations par mois, et ce, suite à des coups et blessures volontaires et dont les causes sont souvent liées à la consommation de la drogue. Et en attendant la préparation du bilan annuel de 2022, je dirai que la tendance est pratiquement la même, c’est-à-dire qu’on tourne dans les mêmes chiffres», déclare un médecin de ce CHU. «En plus, on assiste souvent à des rixes le soir à l’intérieur du service des urgences entre des gangs venus pour se faire soigner suite à des coups et blessures volontaires et qui se terminent par une histoire de vengeance entre eux.»

Notre interlocutrice semble surtout s’inquiéter des dealers de plus en plus jeunes. «Il y a même des collégiens qui s’adonnent à la drogue. La situation est grave», avertit-elle.

L’AVIS D’UNE PSYCHIATRE

Professeure agrégée en psychiatrie depuis l’année 2019 à l’établissement de psychiatrie de Blida, Leila Naamane estime que «l’addiction est loin d’être un phénomènenouveau, mais elle a pris une ampleur effarante ces dernières années avec des répercussions sociales et médicales des plus indéniables, elle concerne actuellement toutes les tranches d’âge, précocement, même chez des enfants de 11 ans», a-t-elle déclaré à El Watan il y a quelques mois. Pour elle, «cette augmentation peut être due à plusieurs facteurs qui sont liés à l’individu lui-même ou à son environnement, ainsi certains individus sont plus enclins à cette pratique addictive que d’autres, sachant que les effets escomptés face à une drogue sont variables. Avec le comportement ordalique et un besoin perpétuel de jouer avec la mort, l’addiction peut être synonyme de validation de l’existence en risquant celle-ci, surtout chez les personnes les plus vulnérables. Nous avons aussi les mauvaises conditions sociales qui sont impliquées, la précarité, la facilité d’entraînement, l’imitation, la délinquance, la recrudescence des troubles mentaux, notamment la dépression, qui est le motif de consultation le plus fréquent, les psycho-traumatismes aussi qui sont souvent associés à ce comportement, le détournement de certains médicaments de leur usage thérapeutique dès la découverte du bien-être qu’ils procurent». Cette augmentation peut être due à l’accessibilité aux substances et leur disponibilité, la recherche perpétuelle de sensations nouvelles, notamment chez les adolescents, sachant que l’adolescence est la période propice et à risque pour l’émergence d’une addiction. Par ailleurs, le centre de désintoxication de Blida a accueilli, en 2021, près de 8000 toxicomanes s’adonnant à différents types de drogues et dont le cas ne nécessite pas une hospitalisation, et ce, contrairement aux addicts aux drogues dures (9000 cas en 2021) qui nécessitent une cure de 21 jours et un suivi nécessitant plusieurs mois, voire plusieurs années. Enfin, les services de sécurité communiquent régulièrement les opérations menées contre les dealers et leur arrestation, et ce, en attendant la préparation du bilan annuel de 2022. Mais une chose est sûre, le phénomène de la drogue est une affaire de la société tout entière, à commencer par la famille, l’école, les élus, le mouvement associatif...

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